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Imbroglio sur les rives du Nil -
Morsi moins insignifiant qu’il a été présenté

mardi 10 juillet 2012 - 09h:42

M. Saadoune/K.Habib - Le Quotidien d’Oran

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Contre le CSFA, Mohamed Morsi fait jouer la légitimité dont l’a investi le suffrage universel démocratiquement et librement exprimé. Une légitimité que les militaires ne peuvent ignorer et surtout y porter atteinte...

Imbroglio sur les rives du Nil

par M. Saadoune

On attendait de voir les vraies actions du nouveau président égyptien Mohamed Morsi pour avoir une idée des rapports qu’il comptait entretenir avec la puissante et envahissante armée égyptienne. Allait-il s’accommoder du coup d’État juridique qu’ils ont accompli ou, au contraire, engager le bras de fer ? Il vient de choisir la deuxième option en défiant ouvertement les militaires, en annulant par décret la décision des militaires de dissoudre le Parlement.

En rétablissant le Parlement, le président égyptien a d’abord pris une décision politique. Les militaires s’étaient arrogé tellement de pouvoirs qu’ils ne laissaient en réalité aucune marge pour le président réduit à un rôle purement formel. Sa décision crée un grand imbroglio juridique. En toute légalité, le président peut effectivement annuler une décision prise dans le cadre de la fonction présidentielle exercée de facto par les militaires. Mais ces militaires avaient introduit un complément à la déclaration constitutionnelle pour s’octroyer le pouvoir législatif. L’Égypte se retrouve avec deux pouvoirs législatifs.

La décision de la Haute Cour constitutionnelle dont les membres ont été désignés sous Moubarak et sont sous influence de l’armée, a été fortement contestée par les juristes. Pour eux, la décision de dissolution était infondée car les dépassements évoqués par la Haute Cour ne concernaient que quelques dizaines de sièges. Cela aurait justifié que de nouvelles élections aient lieu pour pourvoir ces sièges, mais cela n’est pas un argument pour contester la légitimité du Parlement élu. Pour d’autres, le président n’a pas le pouvoir de remettre en cause une décision de la Haute Cour. Des juristes rappellent cependant que la Haute Cour n’a pas pris la décision de dissoudre le Parlement et qu’elle s’est contentée de dire que la loi qui a présidé à l’élection du Parlement était illégale. Ce sont donc les militaires qui ont fait une interprétation politique en décidant de dissoudre le Parlement et de s’octroyer dans la foulée tous les pouvoirs.

Mais ces aspects juridiques, pour importants soient-ils, traduisent d’abord une situation politique. Les militaires, tentés d’imposer leur candidat, Ahmed Chafiq, ont dû y renoncer après la mobilisation de la rue. Ils se sont résignés à accepter le résultat des urnes en estimant qu’ils avaient verrouillé la situation. En engageant le bras de fer avec eux, le président Mohamed Morsi apporte la preuve qu’il n’a pas conclu d’arrangement avec les militaires contre la révolution. Ce n’est pas un « échec et mat » comme l’a écrit un journal égyptien, mais c’est bien le début d’une nouvelle partie politique dans une transition fortement perturbée. Les militaires se sont réunis en urgence comme si la décision était inattendue pour eux, certains partis politiques libéraux et de gauche appellent au limogeage du président tandis que les Frères musulmans saluent la décision ainsi que les révolutionnaires qui contestent la prééminence de l’armée.

D’une certaine manière, la décision de Mohamed Morsi remet les compteurs politiques à zéro avec une polarisation accrue entre les Frères musulmans et les militaires. Il est difficile de prévoir l’évolution de la situation. Mais la décision du président Mohamed Morsi est intervenue après la tenue d’un majliss echoura des FM, ce qui signifie que l’organisation a décidé de ne pas rester passive dans la mise au pas de la transition par les militaires. La partie que les militaires ont cru fermer est rouverte.

Éditorial


Morsi moins insignifiant qu’il a été présenté

par Kharroubi Habib

Le bras de fer n’a pas tardé à s’engager en Égypte entre le président élu Mohamed Morsi et le Conseil suprême des forces armées (CSFA). A l’initiative du premier qui a surpris ce dernier en annulant la dissolution du Parlement décrétée par les militaires peu avant qu’il ne soit déclaré vainqueur de l’élection présidentielle et investi dans sa charge. La décision de Morsi infirme par conséquent le bruit ayant couru qu’il aurait convenu de ne pas remettre en cause les mesures prises par le CSFA.

Le décret d’annulation dont il est le signataire signifie de façon abrupte que le président égyptien est déterminé à ne pas être le chef de l’État potiche, rôle auquel semblait devoir le confiner la confiscation par le CSFA des pouvoirs les plus sensibles dévolus à l’institution présidentielle et du pouvoir législatif qu’aurait dû exercer le Parlement dissous. Son initiative lui vaut assurément de bénéficier d’un large soutien tant des forces politiques opposées à la confiscation opérée par le CSFA que de l’opinion publique égyptienne tout aussi acquise à la revendication du retrait des militaires de la sphère politique nationale. Plus fin man ?uvrier qu’il en donnait l’air, Mohamed Morsi a préparé son offensive en berçant le CSFA de la promesse qu’il ne nourrit pas d’intentions agressives contre lui, mais aussi en préparant les forces politiques et l’opinion égyptienne au « coup de force » qu’il préméditait contre ce CSFA à la popularité ternie par sa prétention à exercer une tutelle censitaire sur l’institution présidentielle.

Le bras de fer du président élu avec le CSFA ne surprend finalement que par la rapidité avec laquelle le premier l’a engagé. Il devait l’être tôt ou tard. Le temps jouait contre Morsi, car plus il aurait tardé à défier les militaires sur la question des pouvoirs confisqués par eux, plus ils encourrait d’être déconsidéré sous l’accusation d’avoir trahi la révolution qui a rendu possible son élection à la magistrature suprême et d’être dans la connivence avec l’armée qui ne veut pas se retirer de la scène politique. Contre le CSFA, Mohamed Morsi fait jouer la légitimité dont l’a investi le suffrage universel démocratiquement et librement exprimé. Une légitimité que les militaires ne peuvent ignorer et surtout y porter atteinte parce qu’elle est mise en travers de leur volonté de rester hégémoniques dans la sphère du pouvoir égyptien.

L’Amérique, allié « stratégique » de l’Égypte, se retrouve écartelée entre la connivence qu’elle entretient avec la hiérarchie militaire égyptienne et l’apparent crédit qu’elle accorde au président élu selon les canons démocratiques prônés par elle. Elle s’activera à l’évidence à favoriser la conclusion d’un compromis entre le président égyptien et le CSFA, mission dont aurait été chargé le secrétaire d’État adjoint William Burns qui se trouvait être « opportunément » au Caire quand le décret présidentiel allait être rendu public.

L’on fera également remarquer que Mohamed Morsi a fait connaître sa décision après sa brève visite à Ryadh en Arabie Saoudite, grande pourvoyeuse d’aides financières à l’Égypte. Deux faits qui tendent à donner à comprendre que Morsi n’a pas joué au « Don Quichotte » en croisant le fer avec le CSFA, mais s’est ménagé des soutiens nationaux et internationaux dont la convergence lui procure une protection efficiente au cas où les militaires se décident à durcir la confrontation avec lui.

Analyse


De M. Saadoune :

- Un accord inapplicable
- Le vortex libyen
- Foot : Un buzz douteux
- Le gambit russe
- Libye-Leaks : les amitiés particulières
- La Libye en voie de démembrement ?
- Obama sous pression de l’AIPAC
- France : La République bling-bling

De K. Habib :

- La crise syrienne est loin de sa fin
- Turquie/Syrie : Un « incident » flagrant délit de violation de souveraineté
- Pendant ce temps Israël...
- Syrie : une petite lueur a clignoté
- Syrie : Robert Mood met les pieds dans le plat
- La perpétuité, ça dure combien en Egypte ?
- Syrie : A qui profite le crime ?
- A la Ligue arabe et aux BRICS victoire pour l’option de Moscou et Pékin

10 juillet 2012 - Le Quotidien d’Oran


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