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Syrie : une petite lueur a clignoté
Le gambit russe

jeudi 7 juin 2012 - 08h:55

K. Habib/M. Saadoune - Le Quotidien d’Oran

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En affichant qu’elle ne s’oppose pas à ce que le départ de Bachar Al-Assad soit un élément du processus du dialogue « entre Syriens », Moscou tend une perche à l’opposition syrienne pour saisir une opportunité.

Syrie : une petite lueur a clignoté

Par Kharroubi Habib

Le statu quo sanglant et dramatique pour la population dans lequel est prisonnière la Syrie doit absolument être bougé. De cela toutes les parties étrangères impliquées dans le conflit par leur appui et soutien à l’un ou l’autre camp syrien qui se font la guerre se disent conscientes. Sauf qu’elles l’entretiennent par leurs divergences sur le comment agir pour y mettre fin. Il en résulte que la communauté internationale est partagée sur le mode opératoire à adopter pour mettre fin au conflit et de ce fait paralysée alors que la situation s’enlise dramatiquement en Syrie.

Alliés « indéfectibles » du régime de Damas, la Russie et la Chine ne veulent pas entendre parler d’une intervention armée étrangère en Syrie que prêchent avec insistance les puissances occidentales, États-Unis et France notamment qui sont du côté de l’opposition à ce régime. Les uns et les autres ne font que prolonger le statu quo qu’ils dénoncent en campant sur leurs positions « irréconciliables ».

Ces derniers jours, il est pourtant apparu une petite lueur donnant à entrevoir la possibilité que ces positions sont susceptibles d’évolution. Elle s’est faite jour au travers de multiples contacts et tractations dont les acteurs sont le président russe et ses homologues de l’autre camp et dont le point d’orgue et décisif sera la rencontre prochaine au sommet russo-américain. Le Kremlin a ouvert une piste en faisant savoir que si la Russie reste fermement opposée à l’intervention armée, elle ne considère plus le « maintien au pouvoir du président Bachar El-Assad comme une condition préalable au règlement du conflit ». Ce qui laisse sous-entendre qu’elle se satisferait d’une solution politique du type de celle intervenue au Yémen ayant abouti au départ « soft » du chef de l’Etat yéménite honni mais au maintien au pouvoir pour une période transitoire de l’essentiel de son régime.

Le plan de paix pour la Syrie du médiateur international Kofi Annan peut permettre qu’il en soit ainsi. Sauf qu’il est mis en échec par les partisans les plus résolus de l’intervention armée étrangère au prétexte pour eux que c’est le président syrien qui est le problème dans la crise du pays. Parmi eux le Qatar et l’Arabie Saoudite qui sont déterminés à en finir avec lui et son régime peu importe ce qui adviendra après cela pour le pays et le peuple syrien. Moscou s’estime avoir des intérêts nationaux stratégiques qui sont en jeu en Syrie qu’il lui sera possible de préserver en favorisant une solution politique au conflit mais qu’elle perdra en laissant le régime de Damas s’effondrer. D’où il ne faut pas s’attendre qu’elle le lâche comme le lui demandent avec insistance les puissances prônant l’intervention.

Il n’y a dans la position des uns et des autres sur le conflit aucune considération d’ordre moral, humanitaire ou de commisération pour le peuple syrien broyé par les deux camps qui se disputent le pouvoir. La Syrie est un pion dans les plans de guerre pas totalement déclarée que se font planétairement les deux parties étrangères soutenant l’un ou l’autre belligérant syrien. C’est être d’une naïveté angélique de croire que les uns sont motivés de bonnes intentions pour le peuple syrien et que les autres sont du côté du « mal absolu » en soutenant le régime d’El-Assad. La croyance en ce manichéisme n’aurait pas dû survivre à ce qui s’est passé en Irak, en Afghanistan et en Libye plus récemment. Et pourtant il en est encore qui croient que certaines grandes puissances agissent guidées par les valeurs qu’elles brandissent pour cacher la froide et cynique raison d’Etat. La leur bien entendu.

Analyse


Le gambit russe

par M. Saadoune

Bachar Al-Assad bientôt « lâché » par Moscou ? C’est la dernière des rumeurs-hypothèses qui circule au sujet de la crise syrienne. Alimentée par Vladimir Poutine en personne qui a déclaré n’avoir « jamais dit ou posé comme condition qu’Al-Assad devait nécessairement rester au pouvoir à la fin du processus politique ». Propos saisi et interprété au vol par la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton qui a déclaré qu’il « y a un chemin à suivre et nous sommes prêts à le suivre. Nous invitons les Russes à contribuer à la solution ». Exit Bachar Al-Assad ? La conclusion est hâtive.

La formule de Poutine n’est pourtant pas équivoque sur le fait que le processus politique doit d’abord s’engager avant d’envisager un éventuel départ de Bachar Al-Assad. Pour l’heure, c’est ce processus politique qui est totalement bloqué et c’est sur cet aspect que Moscou insiste en déplorant d’ailleurs une attitude « négative » de l’opposition syrienne. La Russie vient d’ailleurs de recadrer de manière très officielle le champ de l’interprétation : elle n’a rien contre un départ du président syrien s’il intervient dans le cadre d’un accord de transition politique, mais elle ne négocie pas avec d’autres pays l’avenir du président syrien. C’est le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guennadi Gatilov, qui a tenu à apporter la précision après la multiplication de déclarations sur le « lâchage » de Bachar Al-Assad par Moscou.

On peut comprendre ce souci de la précision pour une Russie qui a constamment appelé à une solution politique négociée entre Syriens sans ingérence extérieure. Admettre qu’elle « négocie » le départ de Bachar Al-Assad aurait été des plus incohérents. Le seul vrai message envoyé est que la Russie ne fait pas du maintien en place de Bachar Al-Assad une religion. « Nous n’avons jamais dit ni posé comme condition qu’Assad reste nécessairement au pouvoir à l’issue de ce processus politique. Ce problème doit être réglé par les Syriens eux-mêmes », a indiqué Gatilov en précisant que son pays « n’entretenait pas de contacts et ne menait aucune discussion avec d’autres pays pour savoir si Assad devait ou non se maintenir au pouvoir ». A Pékin, où Poutine est en visite chez son puissant allié chinois, le message est similaire : refus d’une intervention et appel à « un arrêt immédiat des violences et le processus de dialogue politique devrait être lancé dès que possible », selon la formule de Liu Weimin, porte-parole des Affaires étrangères de la Chine. Le vrai préalable russo-chinois réside dans l’engagement effectif d’un « dialogue politique » qui est, selon eux, bloqué par une opposition syrienne. Celle-ci, selon eux, spécule trop sur un effondrement du régime et un pourrissement de la situation favorisant une intervention extérieure.

Il n’en reste pas moins qu’en affichant qu’elle ne s’oppose pas à ce que le départ de Bachar Al-Assad soit un élément du processus du dialogue « entre Syriens », Moscou tend une perche à l’opposition syrienne pour saisir une opportunité. D’autant que les Américains ne sont pas prêts à une intervention militaire en Syrie, du moins pas avant les élections présidentielles qui auront lieu le 6 novembre prochain. C’est un temps terriblement long pour une crise syrienne qui tourne en accéléré à la guerre civile. Il n’est même pas certain que l’Europe, où l’on trouve les plus fervents partisans de l’intervention, soit elle-même en mesure de la soutenir, en raison de sa crise économique et financière qui peut prendre des proportions inédites. Mettre le départ de Bachar Al-Assad comme un élément de la négociation et du processus politique est, vu de Moscou, un moyen de sortir du statu quo. Mais il n’est pas certain que l’opposition syrienne saisisse cette perche...

Éditorial


De K. Habib :

- Syrie : Robert Mood met les pieds dans le plat
- La perpétuité, ça dure combien en Egypte ?
- Syrie : A qui profite le crime ?
- A la Ligue arabe et aux BRICS victoire pour l’option de Moscou et Pékin
- Paris, Doha, Ryadh sur la même longueur d’onde
- Show hollywoodien et dérive électoraliste
- Le Qatar à la man ?uvre sur le dossier palestinien
- L’ONU paralysée, mais par qui d’abord ?
- La Qatar et l’Arabie au secours de la liberté !

[...]


De M. Saadoune :

- Libye-Leaks : les amitiés particulières
- La Libye en voie de démembrement ?
- Obama sous pression de l’AIPAC
- France : La République bling-bling
- Des monarchies actives, des "Républiques" tétanisées
- Une guerre et des débiteurs
- Traquenard dans une rébellion
- Une entêtante colère
- Le printemps sera palestinien ou ne sera pas

[...]

7 juin 2012 - Le Quotidien d’Oran


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