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La crise syrienne est loin de sa fin - Un accord inapplicable

mardi 3 juillet 2012 - 09h:01

K. Habib/M. Saadoune - Le Quotidien d’Oran

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Le malheur de la Syrie est, outre d’avoir un pouvoir dirigeant absolument inaccessible à l’idée de se conformer aux aspirations de son peuple, une opposition totalement inféodée à ses sponsors étrangers, qu’elle est le théâtre d’une guerre par Syriens interposés des puissances internationales et régionales qui se sont rencontrées à Genève.

La crise syrienne est loin de sa fin

par Kharroubi Habib

La réunion à Genève du « groupe de contact pour la Syrie » convoquée par Kofi Annan dans l’espoir que les puissances qui y ont participé l’aideront à sauver son plan de paix qui se heurte pour son application au non respect de ses préconisations par les belligérants qui se combattent, n’a abouti que sur une vague déclaration n’engageant formellement aucun des protagonistes du conflit, syriens ou étrangers. Il en résulte que les affrontements et les violences en Syrie ne sont pas près de s’arrêter.

Il y a pourtant que les États ayant participé à la rencontre de Genève du fait de l’influence avérée dont ils disposent auprès de l’un ou l’autre belligérant syrien sont les véritables détenteurs des clefs de la crise syrienne et donc en capacité de hâter sa solution s’ils surmontaient leurs divergences sur la façon dont ils envisagent celle-ci. La rencontre de Genève était vouée à l’échec dès lors que ses participants n’y sont pas allés pour s’entendre sur un plan de paix tenant compte de la réalité des rapports de force tels qu’ils sont en Syrie après quinze mois de révolte et de guerre civile. Mais pour tenter d’imposer une démarche vers « la paix » se concluant à l’avantage exclusif du camp syrien dont ils défendent les intérêts.

Son issue négative était d’autant prévisible que les États occidentaux et de la région qui y ont pris part ont refusé par avance le principe que l’issue d’un éventuel processus politique de résolution du conflit incombe à ses seuls protagonistes syriens. Une issue qu’ils ont décrétée subordonnée au départ préalable du pouvoir du président syrien et in fine du démantèlement du régime en place. Ce qui revenait en somme à exiger des alliés internationaux et régionaux de ce dernier qu’ils changent leurs fusils d’épaule. Ils prétendent bien entendu parler au nom de « la communauté internationale » et exprimer la revendication sur laquelle il y aurait unanimité au sein du peuple syrien. Avec une apparence de « vérité » que tendent de rendre incontestable la présentation et l’analyse par les médias qui leur sont acquis des faits et événements liés au conflit syrien, et à laquelle, il faut l’admettre, le régime syrien donne de la consistance par la répression aveugle qu’il pratique contre la population civile.

Sauf que ces mêmes États soutiennent et alimentent une rébellion qui exerce des violences sur cette population civile dont la barbarie ne cède en rien à celle du pouvoir qu’elle combat. Pouvoir et rébellion ne cesseront ce jeu de massacre dont la victime est leur peuple que si leurs alliés respectifs les contraignent.

Le malheur de la Syrie est, outre d’avoir un pouvoir dirigeant absolument inaccessible à l’idée de se conformer aux aspirations de son peuple, une opposition totalement inféodée à ses sponsors étrangers, qu’elle est le théâtre d’une guerre par Syriens interposés des puissances internationales et régionales qui se sont rencontrées à Genève. Lesquelles n’ont qu’un objectif, faire aboutir les desseins pour lesquels ils ont mis à feu et à sang le pays. Raison pour laquelle le conflit syrien est loin de se terminer et peut même s’étendre au-delà des frontières de la Syrie.

Analyse

Un accord inapplicable

par M. Saadoune

La rencontre de Genève s’est terminée sans que le départ de Bachar Al-Assad soit formellement enregistré comme étant une condition de la transition. Il ne pouvait l’être au vu des divergences sur la question entre les Occidentaux et la Russie et la Chine. Mais comme la réunion qui l’a précédée, les annonces de la conférence donnent lieu à des interprétations divergentes. Les Occidentaux font valoir que le texte adopté de manière laborieuse le stipule de manière « implicite », les Chinois et les Russes disent absolument le contraire. Ils font même valoir que la formule qui prévoyait d’exclure du gouvernement de transition dont la participation pourrait « compromettre la stabilité et la réconciliation » a été retirée du texte final.

On est donc clairement parvenu à un texte de « consensus » que chacun interprète comme il l’entend. Les protagonistes de la crise en Syrie sont, une fois n’est pas coutume, entièrement d’accord sur l’évaluation des résultats de la conférence de Genève. Un « échec » selon Damas, un accord trop « vague », selon les opposants. Traduit en termes concrets, ce jugement des protagonistes d’un conflit en escalade signifie que l’accord est inapplicable en l’état. La quête d’une solution politique paraît d’autant plus lointaine que ses éléments sont désormais extérieurs et supposent un consensus entre les Occidentaux et le couple russo-chinois qui n’est pas près d’être atteint. En d’autres termes, cela signifie que l’escalade guerrière va s’accentuer, alimentée par l’afflux des armes de l’extérieur. Or, tant que les soutiens extérieurs des différents protagonistes campent sur leur position, on restera dans une logique guerrière destructrice. Chacune des parties en conflit va tenter d’obtenir un avantage militaire et politique en accentuant les opérations sur le terrain.

Les lendemains de Genève n’augurent pas - c’est un euphémisme - une accalmie en Syrie. C’est une sorte de statu quo d’usure entre les parties en conflit qui pourrait durer longtemps. A moins que la Turquie, de plus en plus tentée par aller plus loin en Syrie, n’intervienne en bousculant les équilibres. Mais une telle action, prise en dehors de l’Onu, serait trop risquée. La Russie ne manquerait pas de réagir en appuyant Damas. En réalité, la Turquie n’est pas un acteur négligeable dans la région mais elle n’a pas les moyens politiques de pouvoir se passer de la légalité internationale. Ses réactions ne peuvent pas, sans risque, aller au-delà d’une manifestation musclée à la frontière avec la Syrie. Objectivement, la situation est bloquée. Et la diplomatie n’est pas en mesure d’apporter une contribution à la crise.

En théorie, le Conseil de sécurité de l’Onu devrait se réunir prochainement pour approuver l’accord de Genève. Mais il semble exclu, même si certaines parties le souhaitent, que le chapitre 7 de la charte des Nations unies prévoyant l’usage de la force puisse être invoqué. Les Russes et les Chinois ne manqueront pas de s’opposer à un accord, inapplicable, et déjà objet d’interprétations divergentes. Or, Moscou et Pékin sont encore marqués par l’interprétation qui a été donnée par les Occidentaux aux résolutions sur la Libye. Ils ne cessent de dire qu’ils ne permettront pas une réédition de ce droit à « interpréter » des Occidentaux. Au final, à moins d’un changement brusque sur le terrain militaire, les choses peuvent rester dans cet état stationnaire sanglant jusqu’à l’élection présidentielle américaine.

Éditorial

De K. Habib :

- Turquie/Syrie : Un « incident » flagrant délit de violation de souveraineté
- Pendant ce temps Israël...
- Syrie : une petite lueur a clignoté
- Syrie : Robert Mood met les pieds dans le plat
- La perpétuité, ça dure combien en Egypte ?
- Syrie : A qui profite le crime ?
- A la Ligue arabe et aux BRICS victoire pour l’option de Moscou et Pékin
- Paris, Doha, Ryadh sur la même longueur d’onde

[...]

De M. Saadoune :

- Le vortex libyen
- Foot : Un buzz douteux
- Le gambit russe
- Libye-Leaks : les amitiés particulières
- La Libye en voie de démembrement ?
- Obama sous pression de l’AIPAC
- France : La République bling-bling
- Des monarchies actives, des "Républiques" tétanisées

[...]

3 juillet 2012 - Le Quotidien d’Oran


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