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Shikaki ou le miroir palestinien

dimanche 5 avril 2009 - 07h:17

Sal Emergui - El Mundo

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Les Palestiniens détestent ce qu’ils ont et désirent ce qui leur manque. C’est une des ironiques conclusions de l’analyste, professeur de sciences politiques et chercheur palestinien, Khalil Shikaki.

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Le Dr Shikaki, expert et analyste et sources de prévisions palestiniennes. (Photo : S.E)

Il se réfère à une donnée révélatrice qu’il explique à El Mundo : si on procédait aujourd’hui à des élections dans la bande de Gaza (contrôlée par le groupe islamique Hamas), c’est le groupe nationaliste Fatah qui gagnerait tandis qu’en Cisjordanie (dirigée par Abou Mazen du Fatah) c’est le Hamas qui triompherait.

Avec plus de 100 enquêtes à son actif, il est connu comme le meilleur pour prendre le pouls de la rue palestinienne. Il n’a de cesse de demander d’essayer de ne pas tomber dans la lutte acharnée entre les deux groupes palestiniens. Bien que parfois, il mène des recherches avec des collègues israéliens et ses publications sont une référence en Israël, personne n’ose accuser Shikaki de « collaborateur ». Surtout, parce que personne n’oublie que deux agents du Mossad ont assassiné à Malte en 1995 son frère Fatji, fondateur du groupe radical le Jihad islamique.

Directeur du Centre palestinien de recherche politique et d’études d’opinion, Shikaki a pour mission de déterminer la tendance, l’espoir et les frustrations des Palestiniens. « Je ne suis pas optimiste du tout. L’avenir est sombre pour les Palestiniens. Par exemple, 55% des Palestiniens soutiennent la violence contre Israël. C’est un fait qu’il n’y avait pas même dans les pires moments de l’Intifada », dit Shikaki.

Pour quelles raisons ? « D’une part, l’échec du processus d’Annapolis. Les Palestiniens estiment qu’on a rien tenté si ce n’est la levée de certains postes de contrôle. Ils constatent uniquement de nouveaux plans de colonisation. C’est-à-dire qu’il n’y a pas d’accord politique ni de changements significatifs sur le terrain. Et de plus, la guerre dans la bande de Gaza. C’est la première fois dans le conflit que toutes les factions n’ont pas combattu ensemble contre Israël, que le Hamas seulement était visé par l’attaque. Le Fatah n’a non seulement pas participé, mais pour beaucoup, il a collaboré avec Israël en réprimant des manifestations de protestation en Cisjordanie », dit-il.

Le seul espoir que voit Shikaki, c’est quelqu’un qui porte une moustache et purge cinq peines d’emprisonnement à perpétuité dans une cellule d’une prison israélienne. C’est Marwan Bargouti, arrêté, jugé et accusé d’avoir planifié plusieurs attentats. Selon lui, l’ancien chef des milices d’Al-Fatah et baptisé comme leader de l’Intifada « est le seul capable de gagner des élections en Cisjordanie et à Gaza. Beaucoup n’ont confiance qu’en lui ».

Shikaki ne révèle aucun secret quand il décrit le pessimisme qu’a engendré l’arrivée du nouveau gouvernement israélien de Benjamin Netanyahu. « Deux tiers des Palestiniens estiment que la situation va s’aggraver et le reste pense que rien ne changera, c’est-à-dire l’occupation, les colonies et les postes de contrôle d’Israël. »

A propos des plans de Netanyahu de développer la coopération économique plutôt que d’accepter la formule « deux Etats pour deux peuples », Shikaki a déclaré que « les Palestiniens veulent un leader fort en Israël, mais ce qui importe le plus pour eux c’est le processus politique et qu’il accepte un État palestinien. Et il donne un exemple : « Le premier ministre palestinien, Salam Fayed, fait bien son travail. Mais la rue palestinienne ne prend pas en compte son honnêteté ou sa bonne gouvernance, face aux colonies qui continuent de se développer ou à la confiscation des terres en Cisjordanie".

Et Barack Obama ? « Grâce à lui il y a un certain espoir. La plupart des Palestiniens donnent à Obama le bénéfice du doute, mais en même temps ils disent que les États-Unis continueront à soutenir Israël. »

Shikaki, né dans la bande de Gaza, a son centre de recherche à Ramallah. Ses données ont aussi mis à bas la théorie disant qu’on ne vit pas mal en Cisjordanie, en comparaison de « l’enfer » de la bande de Gaza. « 35% des gens veulent quitter la Bande de Gaza, mais 25% des Cisjordaniens pensent la même chose. De toute évidence, la situation est bien meilleure ici en Cisjordanie, mais il ne faut pas exagérer », dit-il.
Il dit sentir un rejet de la part de la population de la bande de Gaza envers le régime du Hamas, mais en ce qui concerne la lutte armée c’est clair : « Les gens soutiennent le lancement de roquettes Qassam contre Israël. Non pas parce qu’ils veulent tuer des Israéliens, mais à cause de l’échec des négociations la paix et pour obtenir la fin du blocus ».

Il conclut, sans se départir de son ton pessimiste, peut-être réaliste : « S’il n’y a pas de progrès conséquents dans le processus de paix, il sera difficile à Abou Mazen de maintenir la sécurité et garder la maîtrise de l’autorité palestinienne », prévient-il. Tout le monde, depuis le dernier militant du Hamas jusqu’au premier dirigeant d’Israël, en passant par les diplomates étrangers et les envoyés spéciaux, savent que les paroles de Shikaki ne sont pas des paroles en l’air.

Du même auteur :

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1° avril 2009 - El Mundo - Vous pouvez consulter cet article ici :
http://www.elmundo.es/elmundo/2009/...
Traduction de l’espagnol : Charlotte


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