Obama parait montrer les dents. Le Hezbollah doit quitter la Syrie ! Cela devrait les faire trembler dans leurs bottes dans la vallée de la Bekaa... Mais le Hezbollah - qui a eu 22 morts en une journée il y a une semaine, selon une connaissance plutôt bien informée - n’a pas l’intention de se retirer de la bataille qui menace son existence au Liban. Des victimes ? Eh bien, en grand nombre, semble-t-il, et nous y reviendrons plus tard. Mais ... ?
Voici une petite histoire qui peut aider à expliquer pourquoi le Hezbollah, mouvement chiite musulman, l’armée de guérilla le plus intrépide et déterminée dans le monde, est en Syrie. Une grande erreur politique faite par son leader, Sayyed Hassan Nasrallah, sans doute. Mais ce n’est par contre pas un problème majeur sur le plan militaire. Il y a un réel danger que la guerre en Syrie ne rebondisse à l’intérieur du Liban, non pas dans la ville libanaise de Tripoli, où les milices alaouites (chiites) et sunnites mènent depuis longtemps un combat symbolique. Mais dans la ville pauvre et déshéritée d’Arsal, dans les collines à côté de la frontière syrienne, à peine à 30 kilomètres de la ville libanaise de Hermel - « bien organisée » - fief du Hezbollah - .
Arsal - aucun touriste ne devrait perdre son temps dans un tel endroit, où les gens sont accueillants et prennent soin de leur ville - est un lieu sunnite et plutôt salafiste. Cette ville soutient l’insurrection sunnite contre le président syrien Bachar al-Assad.
Si ses voisins rebelles sunnites juste à la frontière - la plupart appartenant à l’islamiste Jabhat al-Nusra (pas l’Armée syrienne libre, bien aimée d’Obama et du sénateur américain John McCain) - font la conquête de Qusayr, ils seront en mesure d’utiliser la ville libanaise d’Arsal comme un lieu de repos et de loisirs, et aussi pour se réarmer.
Arsal est à portée de tir de mortier à partir de la route principale entre Hermel et le sud du Liban, deux fiefs du Hezbollah. Trois soldats libanais ont été tués dans Arsal la semaine dernière - très probablement parce que les rebelles syriens ne veulent pas que soient surveillés leurs mouvements dans et hors du Liban.
Arsal et Hermel sont les deux villes les plus importantes au Liban en ce moment. L’armée libanaise n’a pas de points de contrôle dans Hermel - ce qui explique pourquoi les hommes en armes du Hezbollah sont comme chez eux là-bas - mais elle est déterminée à garder une emprise serrée sur Arsal. C’est pourquoi les militants anti-Assad locaux préfèreraient que l’armée libanaise s’en aille. Et c’est pourquoi le président libanais - un ancien général lui-même - est allé lui-même visiter les lieux des meurtres la semaine dernière. Il n’est pas allé à Hermel où une jeune femme chiite avait été tuée quelques heures plus tôt par un missile tiré presque certainement par des rebelles sunnites depuis la Syrie.
Ce ne sont pas des faits qui font la une des journaux. Et tout le monde félicite le journal chrétien et de langue française L’Orient Le Jour et surtout sa journaliste Scarlett Haddad (elle m’a avoué une fois que ses parents l’avaient appelée ainsi à cause de Scarlett O’Hara), pour avoir fait un reportage non seulement sur la bataille sur le front du nord du Liban, mais sur la résistance de l’armée libanaise qui est maintenant le seul bloc grâce auquel le Liban survit. Car c’est un pays qui ne dispose ni d’un gouvernement qui fonctionne, ni d’un parlement légal - bien que l’Assemblée vient elle-même de se voter encore 17 mois de pouvoir sans élections.
Mais il y a d’autres événements qui ont également échappé à la une des journaux ces derniers jours. Le moindre n’est pas l’intéressant personnage montré à côté du sénateur John McCain, sur une photo prise lors de sa récente visite chez les rebelles du nord de la Syrie. Aux côtés de McCain, on y voit un homme connu ici à Beyrouth comme étant Mohammed Nour, un porte-parole sunnite de la Brigade de la tempête du Nord, accusé d’avoir kidnappé 11 pèlerins chiites libanais en Syrie il y a un an.
Qu’est-ce McCaina été f... avec un tel type ? Si c’était Nour, c’était « regrettable », a déclaré le porte-parole de McCain. Très bien. Tout comme il est regrettable que personne à Washington ne semble avoir condamné le meurtre de la jeune femme chiite dans Hermel la semaine dernière. Pourquoi ? Parce qu’elle était chiite ? Ou parce que les tueurs étaient sans doute des rebelles syriens - peut-être le genre de rebelles qu’Obama (et de La Haye et d’autres sbires) voudraient aider.
Il y a d’autres choses qui se passent au Liban et que le monde devrait savoir. Par exemple la colère des Palestiniens (la majorité d’entre eux sont sunnites) vis-à-vis du Hezbollah.
La semaine dernière, les Palestiniens du plus misérable des camps de réfugiés - dans Ein el-Hilweh à Saïda - ont mis le feu à des colis alimentaires venus du Hezbollah, à côté d’une affiche disant : « nous ne voulons pas d’une aide trempée dans le sang du peuple syrien ». Le Hamas, qui contrôle Gaza, a abandonné Damas après que l’insurrection ait commencé, et maintenant le Hezbollah suspecte le Hamas d’avoir enseigné aux rebelles sunnites en Syrie leur façon de combattre.
Est-ce la raison pour laquelle le Hezbollah est en train de perdre tant d’hommes ? Des combattants chiites revenant de Qusayr racontent des histoires effrayantes, que les sunnites brûlent leurs corps dans la nuit de sorte qu’ils ne puissent pas être identifiés, qu’ils ont de nouveaux fusils pour snipers...
Fait intéressant, un officier de l’armée syrienne m’a révélé il y a plusieurs mois que lorsque les rebelles attaquaient les bases du gouvernement, ils récupèraient les corps de leurs morts avec des grappins, là aussi, afin qu’il n’y ait pas d’identification possible.
J’ai demandé à un Afghan - toujours la source la plus fiable pour de telles informations - pourquoi le Hezbollah encaissait de telles pertes. Voici la réponse que j’ai obtenue : « Dans le sud du Liban, quand ils combattaient les Israéliens, les combattants du Hezbollah étaient sur leur propre terre et leur propre territoire. »
« Ils se battaient à domicile et les Israéliens sont tombés dans le piège parce qu’ils ne connaissaient pas le Liban. Celui qui est occupé connait toujours mieux son territoire que l’occupant. Mais maintenant, le Hezbollah est sur un territoire inconnu. Les Syriens connaissent Qusayr. Et le Hezbollah non. »
Un grand « aïe ». Je suppose que Sayyed Nasrallah réfléchit à ce propos.
* Robert Fisk est le correspondant du journal The Independent pour le Moyen Orient. Il a écrit de nombreux livres sur cette région dont : La grande guerre pour la civilisation : L’Occident à la conquête du Moyen-Orient.
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3 juin 2013 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/voices...
Traduction : Info-Palestine.eu - al-Mukhtar