Pas étonnant que les Algériens aient obstinément refusé d’aider les Français dans leur aventure au Mali. Aucune pression du gouvernement français n’a pu l’année dernière convaincre le président Bouteflika Abdelaziz - ce qui revient à dire l’armée algérienne - de s’aventurer dans les déserts de son voisin du sud et de s’engager une nouvelle fois dans la bataille avec ses adversaires d’Al-Qaïda et leurs alliés.
Mais les ennemis de l’Algérie - et, bien sûr, les ennemis de la France - sont venus en Algérie hier, transformant le désert algérien en un autre champ de bataille. Deux des étrangers seraient morts, et il resterait 41 otages sur le champ gazier de In Amenas. Les troupes algériennes encerclent à la fois les prisonniers et leurs ravisseurs, et cela ressemble à une répétition de l’Algérie des années 1990, durant sa propre guerre civile. Et si le tout prend des allures de remake, alors ne misez pas sur une fin heureuse.
Le problème est que le vicieux conflit de l’Algérie des années 1990-99, fait de tortures, de massacres et d’atrocités rapidement graciés - entre le « pouvoir » et les islamistes, entre les autorités et les djihadistes d’Al-Qaïda et divers groupuscule - n’a jamais vraiment pris fin. Leurs combats féroces impliquent beaucoup de meurtres de ressortissants occidentaux, en particulier les hommes et les femmes françaises, mais cela a lieu dans les villes algériennes côtières et le « bled », les plaines du sud où l’armée française elle-même avait combattu en vain contre les nationalistes algériens de 1954 à 1962 . Mais rarement, voire jamais dans le désert...
Les Algériens n’ont-ils pas compris que leur ventre mou serait ce vaste désert en grande partie hors de tout contrôle ? À plusieurs reprises au cours des 10 dernières années, le gouvernement algérien a proclamé que la victoire était complète, que les islamistes - qui ont été torturés et amenés à se soumettre - avait abandonné le combat, que « al-Qaïda au Maghreb islamique » était fini, au moins dans la mesure où l’Algérie était concernée. Pas du tout. Alger a subi des attaques à la bombe à répétition et les vastes déserts du sud n’ont jamais été totalement sans danger.
Pendant plusieurs années, des troupes des forces spéciales des États-Unis étaient basées en dehors de Tamanrasset pour combattre les mêmes insurgés algéro-maliens que ceux qui sont réapparus à l’intérieur de l’Algérie, à 800 kilomètres au nord du Mali, il est vrai, mais - et c’est là que le bât blesse - à peine à une centaine de kilomètres de la frontière libyenne. Vers la fin du régime de ce fou de Kadhafi, nombreux étaient ceux qui craignaient que les armes de l’ancien dictateur ne traversent les frontières vers d’autres tribus et milices insoumises. Personne n’a jamais osé suggérer que al-Qaïda pourrait utiliser la Libye - plutôt que le Mali - comme un point de passage vers l’Algérie. Le régime algérien, qui a assuré la protection de certains des plus proches parents de Kadhafi, a même été soupçonné d’envoyer des armes pour aider Kadhafi durant ses derniers mois de pouvoir. C’est à ce moment-là que des graines ont été semées.
Les Français, avec une arrogance semblable à celle des Américains et des Britanniques dans leurs propres guerres sans espoir contre la « terreur », n’ont tout simplement pas imaginé - quand ils ont envoyé leurs soldats se battre au Mali la semaine dernière - que l’Algérie devienne une tombe pour ses ressortissants français et étrangers.
Les insurgés maliens avaient déjà menacé les Occidentaux en Algérie, mais personne ne les avait pris au sérieux
Il est facile de renforcer la présence policière et militaire à l’aéroport Charles de Gaulle, mais beaucoup plus difficile de se rappeler l’histoire et la vulnérabilité des régimes arabes qui jouent le rôle d’alliés mais qui n’ont toujours pas gagné leurs guerres contre leurs propres « islamistes ». Les rebelles maliens avaient déjà menacé les Occidentaux en Algérie - mais personne, semble-t-il, ne les avait pris au sérieux. Même après que les avions français aient utilisé l’espace aérien algérien.
Les frontières coloniales, comme nous le savons tous, avaient plus de sens pour les colonisateurs que pour la population indigène. Les tribus traversent nos vieilles frontières parce qu’ils n’en ont rien à faire. Si vous êtes un Berbère ou un Touareg, vous pouvez être à la fois un Malien ou un Algérien ou - plus précisément - un Maghrébin. Et le Maghreb s’étend du Maroc à la Tunisie et la Libye, en passant par la Mauritanie, l’Algérie et la Tunisie, le tout se rejoignant au sud.
L’armée algérienne le sait très bien. Elle a passé neuf ans à combattre ses propres insurgés islamistes, ne cessant de clamer que des « étrangers » étaient impliqués dans la guerre. Et les légions militaires algériennes ont traité leurs ennemis cruellement et sans pitié. Les Français ont toujours soupçonné que ce sont des soldats algériens qui ont tué les prêtres français pris en otages [à Tibhirine, en mars 1996], au cours d’une tentative manquée de les libérer - et que les mêmes soldats ont décapité les cadavres pour faire croire que les islamistes les avaient tués.
Ce précédent est bien sombre... Mais si les Algériens ont vraiment encerclé à la fois les otages et leurs ravisseurs - comme ont nous l’a dit hier soir - il ne faut pas s’attendre à revoir les captifs vivants.
* Robert Fisk est le correspondant du journal The Independent pour le Moyen Orient. Il a écrit de nombreux livres sur cette région dont : La grande guerre pour la civilisation : L’Occident à la conquête du Moyen-Orient.
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16 janvier 2013 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/voices...
Traduction : Info-Palestine.eu - al-Mukhtar