Qu’Israël s’intéressait à lui uniquement comme relais pour achever ses objectifs coloniaux dans les 22% qui subsistent de la Palestine historique ? Que son projet national - basé sur un « processus de paix » toujours fuyant - n’a amené ni la paix ni la justice ?
Abbas affirme être cette fois-ci sérieux. En dépit de toutes les tentatives américaines de l’intimider (par exemple, en menaçant de bloquer les fonds), et en dépit de l’escalade dans les man ?uvres israéliennes (comme armer les colons juifs illégaux pour qu’ils attaquent de possibles mobilisations palestiniennes en Cisjordanie), Abbas n’a tout simplement pu être dissuadé de rechercher une adhésion aux Nations Unies ce mois de septembre.
« Nous irons au Conseil de Sécurité. Nous devons obtenir une pleine adhésion aux Nations Unies... nous avons besoin d’un Etat, et nous avons besoin d’un siège à l’ONU, » a expliqué Abbas aux Palestiniens lors d’un discours télévisé le 16 septembre.
Durant des mois, des intellectuels, historiens, juristes et universitaires palestiniens ont mis en garde Abbas contre cette initiative hasardeuse et mal étudiée. Certains ont argué du fait que l’aventure d’Abbas à l’ONU était une manoeuvre tactique, dont les répercussions juridiques représentent un prix trop élevé à payer pour si peu ou pas du tout de retour. Si la « Palestine » remplace l’Organisation pour la Libération de la Palestine [OLP] - actuellement reconnue aux Nations Unies comme représentante unique du peuple palestinien - les Palestiniens risquent de perdre la seule organisation qu’ils ont tous en commun (son remplacement [par la « Palestine »] ne représentant que les deux millions de Palestiniens vivant en Cisjordanie occupée).
« Le plus préjudiciable est que cette initiative réduira notre capacité en tant que peuple à représenter la totalité de nos droits inaliénables, » a estimé Abdel Razzaq Takriti, militant et historien politique à l’Université d’Oxford (selon agence de presse de Ma’an - 3 septembre 3). « Le simple remplacement de l’OLP comme représentant du peuple Palestinien par un Etat annule la revendication de l’OLP d’être le seul et unique représentant légitime de toutes les composantes du peuple palestinien. »
L’OLP, qui pendant des décennies a servi de rempart à la lutte nationale palestinienne, continue d’exister aujourd’hui mais seulement en théorie. L’Autorité palestinienne [AP], qui a été fondée en 1994 comme une autorité temporaire, afin de superviser une transition vers un État palestinien, a lentement mais résolument détourné et mis sous sa coupe les institutions de l’OLP.
Pire encore, l’AP elle-même n’a ni légitimité ni crédibilité. Ce qui restait de cette dernière a été perdu pendant la guerre israélienne contre Gaza et après la publication des documents sur la Palestine par Al-Jazeera et le Guardian. Ces documents ont démontré que les personnes qui aujourd’hui défendent une candidature pour un Etat palestinien à l’ONU, avaient régulièrement collaboré avec Israël pour réprimer la résistance palestinienne. Ces mêmes personnes ont aidé Israël à saper la démocratie palestinienne, à isoler le Hamas élu démocratiquement, ont bradé le droit des réfugiés au retour, et, pire, ont aidé Israël à priver les Palestiniens de toute souveraineté significative dans Jérusalem-Est occupée.
Quant à son manque de légitimité, le sujet n’exige aucune révélation. En fait, le refus du Fatah d’accepter les résultats électoraux en 2006 ont mené aux circonstances qui ont déclenché une quasi-guerre civile à Gaza. Le blocus de Gaza (une conséquence directe des élections et de la guerre civile) continue à être utile à Israël comme à l’AP. Cette dernière fonctionne en Cisjordanie sans mandat populaire, survivant grâce aux aides internationales et à la « coordination sécuritaire » avec l’armée Israélienne d’occupation. Même le mandat d’Abbas comme président de l’AP a depuis longtemps expiré.
Toute cette énumération pose une question grave : ccmment une autorité qui manque de la moindre légitimité juridique pour être le représentant du peuple palestinien, ose-t-elle s’attribuer un rôle qui pourrait changer le cours du projet national palestinien dans son entier ?
Une opinion juridique développée par le professeur de droit Guy Goodwin-Gill de l’Université d’Oxford prévient des conséquences juridiques de l’initiative d’Abbas, pour ne citer que la mise à l’écart de l’OLP. Goodwin-Ouïe voulait « pointer les sujets exigeant de l’attention, une proportion substantielle du peuple palestinien pouvant se retrouver accidentellement privée de ses droits. » Une question également inquiétante est le passif des actions l’AP qui contredisent les intérêts du peuple palestinien. Ces années de pratiques ont laissé les Palestiniens avec une part très significative de terres en moins et des droits considérablement réduits. D’un autre côté, un petit segment de la population palestinienne a prospéré. Bien évidemment, les « nouveaux riches » en Palestine sont tous affiliés à l’AP, au Fatah et aux quelques-uns sur le haut de l’échelle.
Cette situation inique aurait facilement perduré si n’avait pas lieu le ainsi-nommé Printemps Arabe, qui a commencé à démolir le statu quo qui dominait les pays Arabes. Le régime corrompu d’Abbas fait partie de l’appareil politique arabe mis en difficulté. Son existence, comme pour d’autres, a été soutenue à bout de bras par les Etats-Unis ou d’autres appuis occidentaux. Afin de ne pas être confronté à la colère populaire en Palestine et dans la région, la direction palestinienne a été forcée de s’afficher comme rompant avec le vieux paradigme.
« L’AP se sent abandonnée par les Etats-Unis qui lui ont assigné le rôle du collaborateur avec l’occupant israélien, et elle se sent congelée dans un ’processus de paix’ sans objectif final, » selon Joseph Massad, cité dans Al Jazeera. « Les politiciens de l’AP escomptent que le vote des Nations Unies force la main des Américains et des Israéliens, avec l’espoir qu’un vote positif accorderait à l’AP plus de pouvoir politique et un nouveau levier pour asseoir au maximum sa domination sur la Cisjordanie. »
Les raisons qui poussent l’AP à demander le statut d’Etat membre vont de la tactique politique (impliquant Israël et les Etats-Unis) à la volonté de détourner l’attention de ses propres échecs. Sa politique élitiste met de côté le peuple palestinien. Si les Palestiniens avaient vraiment de l’importance pour Abbas, il aurait commencé par unifier les organisations palestiniennes (au lieu de les étouffer), par insuffler de l’énergie à la société civile, et par mettre en branle le processus nécessaire pour reformer l’OLP (au lieu de détruire sa légitimité internationale durement gagnée).
« Il est évident que la Palestine a besoin d’une nouvelle direction, élue dans un processus démocratique incluant tous les Palestiniens et pas uniquement ceux qui vivent en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, » a écrit l’historien de premier plan Salman Abu Sitta dans le Middle East Monitor daté du 10 juillet 2011. Ceci, en fait, devrait être la tâche présente, sans perte de temps et d’énergie dans des manoeuvres politiques qui, au mieux, ne rapporteront que des victoires symboliques.
Le peuple palestinien est dégoûté des victoires symboliques. Elles peuvent avoir fourni à Abbas et à ses seconds couteaux tous les avantages d’un semblant de pouvoir, mais elles n’ont pas permis de reprendre ne serait-ce qu’un seul pouce de la Palestine occupée.
Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com.
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20 septembre 2011 - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Claude Zurbach