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Les médias arabes ne peuvent pas passer sous silence ce que les Africains subissent en Libye

vendredi 29 juillet 2011 - 07h:37

Ramzy Baroud

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Au début du mois de mars, l’affaire de l’interception et la capture d’une unité de forces spéciales et de renseignements britannique par des rebelles libyens a été traitée avec un esprit d’urgence et de diplomatie. Ainsi, au moment où les huit membres de l’unité de SAS auraient été libérés « indemnes », les noirs africains, eux, n’ont pas connu le même sort.

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Bloqués à la frontière égypto-libyenne, les migrants africains d’origine subsaharienne vivent dans des conditions extrêmement précaires - Photo : Reuters

Depuis le mois de février dernier, date qui a marqué le début du soulèvement populaire en Libye, beaucoup de gens, dont l’unique tort étant leur couleur de peau, ont été mis dans le collimateur, mais cette action largement répandue est passée sous silence. Seulement une minorité voulait entacher l’image qu’elle avait construite de la révolution libyenne, craignant peut-être que ce type de critiques corroborerait les efforts violents de Mouammar Kadhafi visant à étouffer les voix s’élevant pour la démocratie.

Cependant, pour y parvenir, la situation implique plus que de simples tentatives pour déjouer la propagation de la révolution en faisant appel à des personnages « suspects » qui, dans la plupart du temps s’avèrent être des noirs africains.

La Libye est un pays Arabe et Africain qui compte également des tribus Africaines, Berbères et autres Ethnicités, une identité multiple dont Kadhafi s’est servie selon ses humeurs. En effet, n’ayant pas parvenu à imposer un statut de leader parmi ses homologues arabes, il s’est retourné vers l’Afrique. Et d’un point de vue condescendant, il s’est autoproclamé « le Roi des Rois de l’Afrique » : un leader égocentrique dont l’acte misérable reflète le sentiment de supériorité que certains libyens nourrissent envers les noirs africains.

Le 24 février dernier, dans son article paru dans le British Independent, Michael Mumisa revient sur une déclaration faite par Kadhafi lors de sa visite à Rome, en août 2010 et le cite : « Nous ne savons pas ce qui adviendra ni quelle sera la réaction des Européens, blancs et chrétiens, confrontés à cet exode d’africains affamés et ignorants. »

Il est d’ailleurs intéressant de constater que l’Italie avait gardé le silence pendant les premières semaines du soulèvement libyen ce qui est probablement dû à la crainte que le chaos libyen n’ouvre la voix devant un flux migratoire illégal et indésirable.

Pour leur part, les noirs africains ont toujours entretenu une relation amour-haine envers la Libye. En effet, le pays avait fait office de marché pour une main d’ ?uvre bon marché et des ouvriers non qualifiés. Tous ces pauvres immigrés avaient, à travers les 2000 km de côte méditerranéenne du pays, rêvé d’une passerelle pour l’opportunité et le salut économiques.

La Libye a usé, mais a aussi abusé de plusieurs de ces pauvres immigrés, les entrainant dans les rangs des forces de Kadhafi en tant que mercenaires. Cependant, les rapports relevant l’étendue de l’emploi des Africains dans la guerre en Libye doivent être indépendamment vérifiés.
En regardant les chaines de télévision arabes au cours des premières semaines du déclenchement de la révolution Libyenne, la première impression qui traverse l’esprit du téléspectateur est que les rebelles et les civiles avaient été pris pour cible exclusivement par des hommes africains armés, ou bien des « mercenaires sauvages » tel qu’on les appelle. D’ailleurs, devenu commun, le terme murtazaqa (le mot arabe de « mercenaires ») définit en réalité le discours révolutionnaire libyen depuis son commencement.

Bien évidemment, le public arabe a été le « témoin » oculaire direct d’individus noirs violant, pillant, tuant et tentant délibérément de détruire les aspirations des peuples arabes.

Mercenaires

Le Los Angeles Times a rapporté dans son édition du 4 mars dernier qu’à travers tout l’Est libyen « des combattants rebelles et leurs partisans détenaient, intimidaient et souvent battaient des immigrés africains et des noirs libyens en les accusant d’être les mercenaires embauchés par Kadhafi. »

Or, des milliers d’africains sont embauchés, partout en Libye, dans les domaines de la construction et autres métiers mal rémunérés. Et plusieurs d’entres eux, ayant été victime de « l’hystérie mercenaire » et du coup emprisonnés, battus ou même tués, auraient bien pu être complètement innocents.

Enflammés par le succès des révolutions tunisienne et égyptienne à travers leurs aspects populaire, inclusif et non violent, certains médias arabes ont été enthousiasmés par les perspectives de changement à travers le monde Arabe. Ils ont à cet effet orienté leurs couvertures médiatiques des révoltes à venir pour répondre aux mêmes modèles apparus à Tunis et au Caire, même si un nouveau scénario impose une différente compréhension et donc une autre couverture médiatique.

Dans le cas libyen, à titre d’exemple, le soulèvement populaire a vite pris des proportions violentes, défini en grande partie par la géographie, soit l’Est libyen et l’Ouest libyen. Aussi, l’allégeance tribale dans ce pays a joué un rôle majeur dans la classification des forces opposées. Pire encore, la rébellion armée a convié les puissances occidentales qui ont toujours aspiré à participer à la modélisation de l’avenir d’un pays arabe riche.

Mais les médias arabes ont fermé les yeux sur la plupart de ces faits, et la complexité du discours Libyen a été réduite à une dichotomie simpliste, opposant le bien et le mal. A ce sujet, Jacky Rowland a signalé à Al Jazeera, le 1er mars dernier, que « Ce que nous recherchons ici, c’est la face hideuse de la révolution. » Ce dernier fut l’un des quelques rapports ayant soulevé les crimes qui auraient été perpétrés contre les noirs en Libye. Des rapports maladroits ont tenté de couvrir un sujet qui semblait être plus irritant qu’une question sérieuse nécessitant l’attention internationale.

Ainsi, s’inspirant de l’éveil qui a touché les peuples arabes, certains médias arabes ont crée un discours à travers lequel, il est quasiment impossible d’évoquer les noirs poursuivis par des foules en colère. Cette couverture médiatique sélective a bradé la vérité et l’intégrité journalistique et, par voie de conséquence, a gravement contribué à la violation des droits de l’homme
D’ailleurs, même si, d’une manière ou d’ne autre, on devait parvenir à une solution pour la lutte actuelle, le conflit civil en Libye ne sera pas réglé de sitôt. Les médias, quant à eux, peuvent encore corriger leur couverture médiatique biaisée pour faire la lumière sur la situation difficile que vit les africains et les noirs libyens persécutés. Le temps est donc venu pour que nous assistions à une prise de conscience majeure des médias arabes afin qu’ils reconsidèrent leurs méthodes de couverture des soulèvements arabes.

En d’autres termes, il est tout simplement intolérable, voire révoltant, de noter que les chaines de télévision arabes qui, d’une part se réjouissent du soulèvement arabe pour la liberté et la démocratie, restent en même temps indifférentes devant des actes de racisme et de violation des droits de l’homme flagrants.

Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com.

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19 juillet 2011 - Gulf News - Vous pouvez consulter cet article à : http://www.ramzybaroud.net/articles...
Traduction de l’anglais : Niha


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