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Afghanistan : tout le monde a l’air d’accord avec Ben Laden

jeudi 24 septembre 2009 - 06h:53

Robert Fisk

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Obama et Oussama sont réunis, tout au moins dans la même vision des choses. Car les critiques du Président américain - et de nombreux critiques de l’occupation militaire occidentale en Afghanistan - commencent à parler le même langage que le plus grand ennemi d’Obama (qui est aussi le leur).

Aux USA, la crainte grandit qu’Obama n’ait été poussé au c ?ur des ténèbres afghanes par l’ex-Bushiste Robert Gates - à nouveau Secrétaire à la Défense - et par le général David Petraeus, l’idole des journalistes, dont les « surges » apparaissent comme des succès comparables à celui de la bataille des Ardennes, pour endiguer le flot des insurgés en Afghanistan et en Irak.

Il n’est donc pas étonnant que Oussama Ben Laden ait décidé de s’adresser au « peuple américain » cette semaine. « Vous menez une guerre perdue et sans espoir », a-t-il affirmé dans l’enregistrement audio publié pour le huitième anniversaire du 11 septembre. « Le temps est venu de vous libérer de la peur et du terrorisme idéologique des néo-conservateurs et du lobby israélien ». Il n’était plus question d’un Obama présenté comme le « nègre de la maison », bien que ce soit sa « faiblesse », soutient Ben Laden, qui l’empêche de mettre un terme aux guerres en Irak et en Afghanistan. En tout état de cause, les combattants musulmans déferaient la coalition dirigée par les USA en Afghanistan « comme nous avons défait l’Union soviétique durant 10 ans jusqu’à ce qu’elle s’effondre ». C’est drôle, ça. C’est exactement ce que Ben Laden m’a dit personnellement en Afghanistan - quatre ans avant le 11 septembre et le début des aventures américaines au sud de la rivière Amou-Daria, en 2001.

Vinrent ensuite cette semaine les déclarations de ceux qui aux USA et en Amérique du Nord sont d’accord avec Obama - mais ne s’associeraient en aucun cas avec le Diable, et oseraient encore moins remettre en question l’enthousiasme d’Israël pour la guerre en Irak. « Je ne crois pas que nous puissions construire un État démocratique en Afghanistan », a déclaré Dianne Feinstein, la Démocrate californienne qui préside la commission du renseignement du Sénat. « Je crois que cela restera une entité tribale ». Et Nancy Pelosi, la Présidente de la Chambre, ne croit pas qu’« il y ait un large soutien pour l’envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan ».

Colin Kenny, le président de la Commission sénatoriale canadienne sur la Sécurité nationale et la Défense, a déclaré cette semaine que « ce que nous espérions accomplir en Afghanistan s’est avéré impossible. Nous nous précipitons vers une issue à la vietnamienne ».

Fermez les yeux et imaginez que ces dernières phrases nous soient parvenues de la grotte d’Al-Qaida. Pas très difficile à croire, n’est-ce pas ? Il n’y a apparemment qu’Obama qui ne parvienne pas à entendre le message. L’Afghanistan reste pour lui la « guerre nécessaire ». Il faut envoyer encore plus de renforts, plaident ses généraux. Et nous sommes censés suivre la logique de cette absurdité. Les Talibans ont perdu en 2001. Puis ils ont commencé à gagner de nouveau. Ensuite nous devions protéger la démocratie afghane. Alors nos soldats eurent pour mission de protéger - et de mourir pour - un second tour dans des élections démocratiques. Puis ils durent protéger - et mourir pour - des élections frauduleuses. L’Afghanistan n’est pas le Vietnam, nous assure Obama. Et puis la bonne vieille armée allemande demande une frappe aérienne - et tue encore plus de civils afghans.

Il est instructif de tourner son regard sur l’armée canadienne, qui a moins de troupes en Afghanistan que les Britanniques, mais qui a souffert tout aussi durement - le 130ème soldat a été tué près de Kandahar, cette semaine. Tous les trois mois, les autorités canadiennes publient un tableau de bord sur leurs « progrès » militaires en Afghanistan - un document qui est infiniment plus honnête et plus détaillés que tout ce qui est publié par le Pentagone ou le ministère de la Défense - qui prouve indéniablement (comme Enoch Powell l’aurait dit) que c’est mission impossible ou, comme l’a titré 3 jours avant le National Post de Toronto, que c’est l’opération « somnambule ». Le dernier rapport, publié cette semaine, montre que la province de Kandahar est de plus en plus en proie à la violence, moins stable et moins sûre - et que les attaques dans tout le pays sont plus fréquentes - qu’à aucun autre moment depuis la chute du régime taliban en 2001. La fréquence des attentats au printemps a été « exceptionnellement élevée » par rapport à 2008.

Le nombre d’attentats avec des mines artisanales a augmenté de 108%. Les Afghans estiment qu’ils sont moins satisfaits de l’enseignement et de la situation de l’emploi, principalement en raison de la sécurité qui est faible ou inexistante. Le Canada se concentre maintenant uniquement sur la sécurité de la ville de Kandahar, abandonnant toute tentative réelle de contrôle de la province.

L’armée canadienne quittera l’Afghanistan en 2011, mais jusqu’à présent, seuls 5 des 50 écoles de son programme de construction ont été achevés. 28 autres sont seulement « en construction ». Mais sur les 364 écoles de la province de Kandahar, 180 ont été contraintes de fermer. Concernant les progrès dans la « gouvernance démocratique » à Kandahar, le rapport canadien indique que la capacité du gouvernement afghan est « chroniquement déficiente et [qu’il est] miné par la corruption généralisée ». Au sujet de la « réconciliation » - quoi que ce terme puisse signifier de nos jours - on lit que le «  début de la saison d’été des combats, et la focalisation des politiques et des militants sur les élections du mois d’août ont découragé les attentes d’initiatives dignes d’attention... ».

Même l’objectif basique de l’éradication de la poliomyélite - le projet d’assistance civile le plus important pour Ottawa en Afghanistan - a eu raison de l’International Development Agency canadienne, bien que cet aveu se dissimule derrières des mensonges véritablement dignes d’un Blair (ou d’un Brown). Comme l’a révélé le Toronto Star en effectuant un travail sérieux de journalisme d’investigation cette semaine, l’objectif d’ « éradiquer » la polio avec l’aide des fonds de l’ONU et l’Organisation Mondiale de la Santé a été discrètement modifié pour devenir « la prévention de la transmission » de la polio. Au lieu de mesurer le nombre d’enfants « immunisés » contre la polio, la cible a été modifiée pour se référer uniquement au nombre d’enfants « vaccinés ». Mais les enfants doivent être vaccinés à plusieurs reprises avant qu’ils ne soient effectivement immunisés.

Qu’ont donc à dire les faucons républicains américains - qui étaient le sujet du dernier sermon de Ben Laden - sur la catastrophe afghane ? « Les troupes supplémentaires ne vont pas garantir le succès en Afghanistan », a déclaré cette semaine l’ancien candidat Républicain et ex-vétéran du Vietnam John McCain. « Mais échouer à les envoyer serait une garantie d’échec ». Oussama a dû avoir un petit rire lorsque cette déclaration absurde a résonné dans la grotte obscure d’Al-Qaïda.


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19 septembre 2009 - The Independent - Traduction : Contre Info


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