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L’Irak accuse la Syrie d’abriter des poseurs de bombes baasistes

mercredi 16 septembre 2009 - 05h:06

Robert Fisk - The Independent

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À Damas et à Bagdad, l’on se sent presque comme autrefois. Accusations réciproques, rappel des ambassadeurs ... Et ce n’est peut-être qu’une question de temps avant que la Syrie et l’Irak ne rompent leurs relations diplomatiques.

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Sur les lieux d’un attentat suicide au camion piégé jeudi à Wardek, à 30 km à l’est de Mossoul dans le nord de l’Irak - Photo : Reuters

Le premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, exige un tribunal international parce que la Syrie ne livre pas deux baasistes irakiens qu’il accuse d’être responsables de la mort par un attentat suicide d’au moins 100 civils à Bagdad. La Syrie rétorque qu’elle a toujours été un refuge pour ceux qui font face à « l’injustice ».

Il y a de cela vingt ans, Saddam Hussein et Hafez el-Assad avaient expédié des poseurs de bombes à Damas et à Bagdad pour faire sauter ces villes. Maintenant Maliki et le fils de Hafez, Bachar, s’en prennent l’un à l’autre. Avec tous leurs liens tribaux et relations historiques, leur amour « fraternel » de l’unité arabe - la Syrie aime à s’appeler le « « c ?ur battant de l’arabisme » - il semble que les deux pays voisins vont poursuivre leurs rugissements comme ils savent le faire depuis si longtemps.

A l’époque de Saddam Hussein et Hafez, les poseurs de bombe des uns et des autres étaient pendus en public, les agents syriens se balançant doucement dans la brise sur les places publiques de Bagdad tandis que les tueurs de Saddam Hussein faisaient de même à Damas. Aujourd’hui, les choses sont un peu plus civilisées. Les Irakiens n’ont effectivement capturé aucun poseur de bombe - ils se sont déjà tous volatilisés - mais ils invoquent le droit international alors que les Syriens disent être un refuge au Moyen-Orient.

Mais la Syrie a clairement la meilleure mémoire, M. Maliki ayant la plus courte. Dans le bon vieux temps du baasisme syro-irakien avec leur mutuelle hostilité, M. Maliki et Jalal Talabani - ce dernier est maintenant président en Irak - avaient cherché refuge à Damas, à la grande colère du régime de Saddam. Tous deux étaient reconnaissants à Hafez - ou tout au moins l’étaient-ils à l’époque - d’avoir eu pitié d’eux et de les avoir accueillis dans la mère « de la nation arabe » (autre surnom que se donne la Syrie). Aujourd’hui, les Syriens n’ont pas tardé à rappeler à ces deux-là cet acte de générosité, tout en soulignant leur hypocrisie.

« La Syrie n’a jamais livré quiconque y a trouvé refuge sous la menace de l’injustice, l’arbitraire et la mort, » a annoncé le très officiel journal Al-Thawra. « ... Ils [Maliki et Talabani] savent très bien quel aurait été leur sort si la Syrie n’avait pas cette morale politique ».

Les Syriens n’ont pas contesté le fait que Mohamed al-Younis et Satam Farhan soient à Damas - Al-Younis a été un membre éminent du parti Baas de Saddam Hussein - mais ils ont demandé des preuves de leur implication dans les attentats de Bagdad, et Damas considère (à juste titre) que les Irakiens auront du mal à les fournir.

Mais l’hypocrisie que la Syrie condamne est visible des deux côtés de la frontière. J’ai rencontré le général syrien en charge de la construction des barrières et des miradors, le long de la frontière syro-irakienne dans ce qu’il voyait manifestement comme un véritable effort pour empêcher le passage des insurgés en Irak. Mais la dernière fois que j’ai rencontré la famille d’un attaquant-suicide au Liban - il avait attaqué un convoi américain dans l’ouest de l’Irak, tout près de la frontière syrienne - je me lui laissé dire par son oncle que l’homme en question « était allé en Irak parce qu’il était plus facile de franchir la frontière syrienne afin d’aller attaquer les soldats américains que de franchir la frontière libanaise pour attaquer l’ennemi israélien ».

En vérité, il y a toujours eu des conflits mais parfois de la compréhension dans les relations entre le parti Baas en Irak et la Syrie, même quand Saddam Hussein était au pouvoir. Le fondateur du parti, Michel Aflaq, était un chrétien syrien qui a fini ses jours en Irak. D’après sa famille, sa tombe a été gravement endommagée après l’invasion américaine de 2003 - elle est située dans ce qui est maintenant « la zone verte » sous contrôle américain. Du fait qu’ils sont baasistes, Younis Al-Farhan se considèrent simplement comme « frères » - des frères, en effet, qui sans aucun doute renforcent le redoutable travail de renseignement de la Syrie sur la stratégie militaire américaine et les forces de Maliki en Irak.

Mais l’éloge par Al-Thawra de l’intégrité politique de la Syrie doit être pris en compte tout en ayant un regard sur l’histoire. La Syrie n’a jamais livré des gens menacés de mort, nous dit-on. Mais n’y avait-il pas eu un chef de la guérilla kurde - un homme qui s’appelait Abdullah Ocalan - nourri par les Syriens, aidé par les Syriens, menacé de mort par les Turcs, et à qui ont a sommairement ordonné de quitter Damas, lorsque les Turcs ont menacé le régime d’Assad d’une action militaire ? Et après diverses pérégrinations en Afrique, n’a-t-il pas fini dans les mains des services secrets turcs ? Il languit depuis dans une prison turque.

Du même auteur :

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11 septembre 2009 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/opinio...
Traduction : Info-Palestine.net


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