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Jeff Halper, lauréat 2009 du Prix "Citoyen du monde"

mardi 2 juin 2009 - 06h:35

L’équipe de l’ICAHD

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Si l’Allemagne a vraiment une "relation spéciale" avec Israël et si elle est sincèrement [devenue] une démocratie multiculturelle engagée pour les droits humains, alors, elle est éminemment bien placée pour aider Israël à se sortir de sa propre idéologie [...] et de l’occupation qu’elle a engendrée.

Jeff Halper, directeur de l’ICAHD, a reçu le Prix Kant 2009 de Citoyen du monde, conjointement avec l’évêque brésilien, Mgr Luiz Flavio Cappio. Ce prix a été décerné à deux militants éminents des droits humains par la Fondation Kant de Fribourg, en Allemagne.

Le premier objectif de la fondation est de promouvoir un travail courageux, instructif et critique de communication et d’enseignement visant à préserver la paix, la démocratie et l’environnement, et de promouvoir le maintien des principes démocratiques constitutionnels dans les politiques nationales et internationales. La Fondation a honoré les lauréats du prix 2009 pour leur « engagement courageux en faveur des droits humains et de la dignité humaine de groupes de populations politiquement et socialement marginalisés. »

La Fondation a rendu hommage à l’acitivité de Jeff Halper « pour libérer tant le peuple palestinien que le peuple israélien du joug d’une violence structurelle. » L’évêque Dom Cappio est devenu un héros national au Brésil pour sa position contre le projet de détournement du fleuve Sao Francisco qui menaçait l’environnement et les moyens d’existence des populations vivant sur ses rives. Son action a comporté une grève de la faim de 23 jours et un long pèlerinage d’une année, avec trois autres militants, le long des 2 700 kilomètres du Rio Sao Francisco.

Dans son allocution, Halper a interpellé les Etats pour leur irresponsabilité dans leur façon d’aborder les questions de la paix, de la justice et des droits humains.

« A ma connaissance, en tant que militant de la société civile depuis plus d’un demi-siècle, bien qu’ils aient la responsabilité et l’autorité dans ce monde moderne, les Etats n’agiront pas dans le bon sens s’ils sont laissés à eux-mêmes. Même dans des cas précis où la paix du monde est menacée, où l’injustice frappe des millions de personnes, les gouvernements trouveront des prétextes pour poursuivre tel ou tel programme politique - mélange d’intérêts politiques nationaux et internationaux - qui n’aura rien à voir avec le bien-être de leurs propres citoyens (la politique d’un Etat est invariablement élaborée ainsi) ou de la communauté mondiale. Le fait qu’Israël ne tienne aucun compte, en 43 années d’occupation - et avec l’autorisation des autres Etats - des droits humains, du droit international, des dizaines de résolutions des Nations unies ainsi que de la décision de la Cour internationale de Justice contre la construction du mur, ce fait en dit long sur la carence des gouvernements (et au premier chef, de l’Allemagne et des Etats-Unis) à s’acquitter de leurs obligations. Si, en août dernier, j’ai risqué ma vie en m’embarquant sur un vieux bateau de pêche de Chypre à Gaza, défiant la marine israélienne afin de briser un siège illégal de deux ans, un siège cruel, imposé sur une population déjà appauvrie et traumatisée, c’est seulement parce que les gouvernements à qui il appartient de faire respecter le droit international et d’assurer un ordre pacifique dans le monde se sont dérobés devant leur responsabilité. »

Jeff Halper a ensuite abordé la responsabilité de l’Allemagne pour aider à mettre fin au conflit israélo-palestinien, au regard de sa position de grande puissance mondiale mais aussi de l’Holocauste.

« L’Allemagne semble être un pays qui oscille toujours entre sa culpabilité de l’Holocauste et ses intérêts politiques de grande puissance mondiale renaîssante. Ce que j’ignore, c’est comment l’expiation pour l’Holocauste, laquelle se poursuit et fut ordonnée par jugement en Allemagne, comment cette expiation est reliée à l’émergence d’une Allemagne où les leçons apprises se transposes en politique étrangère - et en particulier pour la primauté absolue des droits humains et du droit international en tant que protections fondamentales des personnes et des peuples. C’est une question essentielle, non seulement parce que l’Allemagne a réapparu en tant grande puissance européenne et mondiale, mais aussi parce que, ou cela va jouer un rôle constructif dans la résolution du conflit israélo-palestinien, ou il y aura confusion entre soutien à la politique d’occupation israélienne et expiation, et cela eviendra alors un obstacle.

« L’Allemagne est effectivement allée très loin dans ce que j’appelle un processus de rachat national, dans lequel tout ex-Etat colonial et oppresseur doit entrer. Elle a reconnu l’épouvantable injustice qui a ravagé la population juive et autres et en accepté la responsabilité. L’Allemagne nazie en a été tenue responsable par la communauté internationale, et sous la forme d’une justice réparatrice, l’Allemagne nouvelle s’est reconstituée en tant que république prenant globalement ses responsabilités dans les affaires du monde ; elle a aussi apporté une aide importante à Israël depuis la création du pays (et parfois trop "efficace", notamment en lui fournissant des sous-marins à capacité nucléaire). A un certain moment dans leur processus de rachat, les pays doivent pouvoir être capables de renaître, quand le besoin de repentance des actes passés laisse la place à celui de jouer un rôle dans les affaires internationales où les leçons tirées et cette responsabilité acceptée se retrouvent dans un plaidoyer en faveur d’un ordre mondial juste, fondé sur les droits humains.

Le choix d’aider Israël à s’extirper d’un conflit dégradant qui compromet de plus en plus sa sécurité devrait, selon moi, constituer l’acte le plus authentique et le plus significatif d’expiation et de réparation. »

Israël, pense Halper, n’a pas encore engagé son processus de rachat, de prise de responsabilité pour sa terrible destruction de la société palestinienne et la poursuite de son occupation durant laquelle il a démoli 24 000 maisons de gens innocents (ces maisons n’ont pas été démolies pour des raisons de sécurité).

« Au contraire, Israël est toujours dans un mode völkish (*) de tentative d’imposer un Etat exclusivement juif sur toute la terre d’Israël - Palestine - poursuivant les crimes de nettoyage ethnique, d’occupation, de guerre et d’oppression pour lesquels nous devrons, nous aussi, rechercher la rédemption. Ainsi, ce doit être le "recadrage" qui fut celui de l’Allemagne que moi, juif israélien luttant pour une paix juste entre mon peuple et les Palestiniens, je dois proposer : si l’Allemagne a vraiment une ?relation spéciale’ avec Israël - basée non seulement sur l’Holocauste mais aussi sur l’expérience ratée d’un modèle völkish qu’Israël tente d’imposer sur la Palestine - et si l’Allemagne a sincèrement remplacé ce modèle tribal de violence par une démocratie multiculturelle engagée pour les droits humains, alors, elle est éminemment bien placée pour aider Israël à se sortir de sa propre idéologie völkish et de l’occupation qu’elle a engendrée, pour aller vers le soutien à des valeurs d’un monde post-Holocauste des droits humains.

Israël doit aussi en finir avec l’Holocauste. Entre les mains de politiciens cyniques s’en servant pour justifier la politique oppressive d’Israël et étouffer toute critique, spécialement en Europe, l’héritage de l’Holocauste se trouve lui-même en danger d’être minimisé, profané et dénaturé. Ce serait terrible si la jeunesse, d’Israël, d’Allemagne et d’ailleurs, en arrivait à ne voir dans l’Holocauste guère plus qu’un prétexte commode pour empêcher la critique d’Israël, vidé de toute sa signification et de sa potentialité pour les conduire vers d’autres directions.

Comme Avraham Burg, ancien président du parlement israélien et chef de l’agence juive, l’affirme dans le titre de son dernier livre : L’holocauste est fini, renaissons de ses cendres. Et Marc Ellis, théologien de la libération juive, qui soutient que la communauté juive se définit par ce qui nous est arrivé, à nous les juifs, dans l’Holocauste, et par ce que nous faisons aux Palestiniens. »


(*) - Mouvement völkisch : le mouvement völkisch désigne un conglomérat libre d’associations, de partis et de publications nationalistes et racistes allemands qui ont, à partir de la fin du XIXè siècle, exercé une influence sur le débat politique et culturel au sein de l’Allemagne et en Autriche-Hongrie. Wikipédia.


Jeff Halper a écrit un nouveau livre : Un Israélien en Palestine, livre disponible. Il est le coordinateur du Comité israélien contre la démolition des maisons(ICAHD). Il peut être joint à l’adresse : jeff@icahd.org.

Sur Jeff Halper :

- La Palestine est le laboratoire de l’armée israélienne de Patricia R. Blanco
- Un Israélien dans Gaza : tour d’horizon avec Jeff Halper de Frank Barat
- Jeff Halper entame son tour d’Australie de Sonja Karkar
- Jeff Halper à Gaza : “Nous sommes l’oppresseur” de Rami Almeghari

De Jeff Halper :

- Cible : l’Université islamique avec Neve Gordon
- La Palestine est un os en travers de la gorge d’Obama
- Palestiniens : le stockage d’un "peuple en trop"
- Fin d’une odyssée

21 mai 2009 - ICAHD - traduction : JPP


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