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Cible : l’Université islamique

jeudi 1er janvier 2009 - 12h:35

Neve Gordon et Jeff Halper - Counterpunch

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Où est l’indignation des universitaires face au bombardement de l’Université de Gaza ?

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L’Université islamique de Gaza (photo : Wesam Saleh/MaanImages)

Pas un seul de ces 450 présidents d’établissements supérieurs et universités américains qui ont contesté avec force contre l’action des universitaires britanniques pour le boycott des universités israéliennes, en septembre 2007, n’a élevé la voix pour s’opposer au bombardement israélien de l’Université islamique de Gaza, début de cette semaine. Lee C. Bollinger, président de l’Université de Columbia, qui a lancé la pétition, s’est tu, comme ses co-signataires des Universités de Princeton, Northwestern et Cornell, et de l’Institut de technologie du Massachusetts. La plupart des autres signataires de pétitions semblables, tels ces 11 000 professeurs des 1 000 universités dans le monde, se sont aussi abstenus d’exprimer leur indignation face à l’attaque d’Israël sur l’éminente université de Gaza. Les astucieusement nommés Universitaires pour la paix au Moyen-Orient qui ont lancé le dernier appel n’en ont pas dit davantage à propos de l’agression.

Bien qu’on ne connaisse pas l’ampleur des dommages causés à l’Université islamique, touchée par six attaques aériennes différentes, les dernières informations montrent qu’ont été atteints au moins deux bâtiments importants, un laboratoire de sciences et le bâtiment des femmes où les étudiantes suivent leurs cours. Il n’y a pas eu de victimes car l’université avait été évacuée quand les raids israéliens ont commencé samedi.

Pratiquement tous les commentateurs conviennent que si l’Université islamique a été attaquée, c’est notamment parce qu’elle représente un symbole culturel du Hamas, parti majoritaire dans le gouvernement palestinien élu qu’Israël a pris pour cible dans ses attaques répétées sur Gaza. Mystérieusement, pratiquement aucune information dans les médias n’a souligné l’importance éducative de l’université, qui dépasse de loin son symbolisme culturelle ou politique.

Créée en 1978 par le fondateur du Hamas - avec l’accord des autorités israéliennes - l’Université islamique est la première et la plus importante institution d’enseignement supérieur de la bande de Gaza, elle accueille plus de 20 000 étudiants, dont 60% sont des femmes. Elle comprend 10 facultés - éducation, religion, art, commerce, loi Shariah, sciences, ingénierie, technologie de l’information, formation de médecins et d’infirmiers - et elle décerne tout un ensemble de baccalauréats et de maîtrises. Si on prend en compte que les universités palestiniennes ont été régionalisées du fait que les étudiants palestiniens de Gaza sont empêchés par Israël d’aller étudier en Cisjordanie ou à l’étranger, la valeur éducative de l’Université islamique apparaît encore plus clairement.

Ces restrictions furent connues internationalement l’été dernier quand Israël refusa d’accorder le visa de sortie à sept étudiants de Gaza qui avaient été soumis à une enquête minutieuse, et qui bénéficiaient d’une bourse Fulbright attribuée par le Département d’Etat pour étudier aux Etats-Unis. Après intervention d’officiels du Département d’Etat, les bourses des étudiants furent restituées - mais Israël a permis à quatre étudiants seulement sur les sept de partir, en dépit d’un appel de la secrétaire d’Etat, Condoleezza Rice. Selon The New York Times : « C’est une heureuse victoire, pour les étudiants, et pour Israël qui voudrait voir plus de jeunes gens de Gaza suivre la voie de l’espoir et de l’éducation plutôt que celle du désespoir et du martyr ; et pour les Etats-Unis, dont l’image au Moyen-Orient a grand besoin de brillant. »

En dépit de l’importance de l’Université islamique, Israël a tenté de justifier son bombardement. Un porte-parole de l’armée a déclaré à The Chronicle que les bâtiments ciblés étaient utilisés comme « centre de recherche et de développement pour les armes du Hamas, notamment les roquettes Qassam... L’une des structures qu’on a touchée abritait des laboratoires pour explosifs qui étaient intégrés dans le programme de recherche et de développement du Hamas, ainsi que d’autres endroits qui servaient de dépôts d’armes pour l’organisation. Le développement de ces armes se fait sous les auspices des maîtres de conférence qui sont des activistes du Hamas. »

Les responsables de l’Université islamique contestent ces allégations israéliennes. Mais même si on peut leur attribuer quelque crédit, il est de notoriété publique que pratiquement toutes les grandes universités américaines et israéliennes sont engagées dans la recherche et le développement des applications militaires et bénéficient de financements de la part du Pentagone et des grandes sociétés de défense. Le développement de l’armement, et même la fabrication d’armes, sont malheureusement devenus des projets importants dans les universités du monde entier - ce qui ne justifie pas leur bombardement.

En lançant une attaque contre Gaza, le gouvernement israélien a une fois encore fait le choix de la stratégie de la violence qui est tragiquement semblable à celle déployée par le Hamas - seulement, les tactiques israéliennes sont autrement plus meurtrières.

Comment les universitaires devraient-ils réagir à cette agression sur une institution d’enseignement supérieur ? Indépendamment de la position prise sur le boycott proposé des universités israéliennes, celles et ceux qui, si soucieux de la liberté universitaire, ont mis leur son nom au bas de la pétition contre le boycott, ne devraient pas être moins indignés quand c’est Israël qui bombarde une université palestinienne. La question, alors, est de savoir si les présidents et professeurs d’universités qui ont signé les différentes pétitions dénonçant les actions de boycott d’Israël, vont se prononcer contre la destruction de l’Université islamique.

Neve Gordon est président du Département Politique et Gouvernement à l’Université Ben Gourion du Néguev et auteur de Israel’s Occupation (Presse de l’Université de Californie - 2008).

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Jeff Halper est directeur du Comité israélien contre les démolitions de maisons (ICAHD) et auteur de An Israeli in Palestine : Resisting Dispossession, Redeeming Israel (Pluto Press, 2008). Son adresse mel : jeff@icahd.org

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31 décembre 2008 - Counterpunch - traduction : JPP


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