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Le Fatah dans la tourmente

jeudi 30 octobre 2008 - 07h:12

Khalid Amayreh

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Le renvoi d’un responsable de la sécurité de l’autorité palestinienne parait donner du crédit aux accusations de connivence directe du Fatah avec Israël, rapporte Khaled Amayreh depuis Ramallah.

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Portrait du défunt Président palestinien et fondateur du Fatah et de l’OLP, Yasser Arafat, dans une rue du camp de réfugiés palestiniens de Shatila à Beyrouth - Photo : Matthew Cassel

Le renvoi par Mahmoud Abbas, le président de l’autorité palestinienne [AP de Ramallah] de Tawfiq Tirawi, responsable des services de renseignements, semble être plus qu’une simple « formalité » liée à un départ pour avoir atteint l’âge de la retraite, comme l’a prétendu un porte-parole de l’AP. Tirawi, avec un certain nombre d’autres responsables de la sécurité de l’AP, a mené une campagne implacable contre les partisans et les organisations du Hamas en Cisjordanie, jusqu’à se coordonner et collaborer activement avec Israël.

Ce fait, qui est à présent bien connu de beaucoup de Palestiniens y compris des partisans du Fatah, a fini par rendre beaucoup de chefs de la sécurité responsables de la détérioration de l’image du Fatah comme mouvement de libération nationale. Les critiques, y compris dans le Hamas, ont exploité ces « excès » pour dépeindre l’AP comme une organisation s’activant de concert avec Israël contre la cause nationale.

Le mois dernier un certain nombre de responsables de la sécurité ont rencontré des commandants de l’armée israélienne dans la colonie juive de Beit El près de Ramallah et leur ont déclaré : « Israël et l’AP sont alliés contre un ennemi commun : le Hamas. »
Selon le journaliste israélien Nahom Barnea qui a assisté à la réunion avec l’accord des dirigeants palestiniens, les participants palestiniens ont demandé à leurs « collègues » israéliens, des armes et des stages d’entraînement afin de « reconquérir la bande de Gaza ».

De plus, selon Barnea, les Palestiniens ont également cherché à impressionner les commandants israéliens des forces d’occupation en invoquant leur campagne répressive contre le Hamas en Cisjordanie, l’un d’entre eux allant jusqu’à dire : « nous faisons habituellement plus que ce que vous nous demandez de faire, » et « nous n’hésitons pas même à entrer dans les mosquées quand nous le devons. »

Les informations diffusées dans la presse israélienne à propos de cette réunion ont plongé le Fatah dans un profond embarras et certains de ses plus anciens responsables ont demandé à Abbas de limoger immédiatement les responsables de la sécurité.

Munzer Irsheid, un ancien maire de Jéricho, ancien responsable d’un service de sécurité et habitant aujourd’hui la Jordanie, a estimé dans un article publié en septembre que les responsables de la sécurité étaient « traîtres au Fatah » et des « traîtres à la Palestine ». De la même façon, Qaddura Fares, un député du Fatah et proche du dirigeant du Fatah Marwan Al-Barghouti emprisonné en Israël, a exigé « le renvoi immédiat » des responsables de la sécurité qu’il dit ne pas représenter le Fatah.
La réunion de Beit El, avec la collaboration étroite évidente entre les agences de sécurité de l’AP et l’armée israélienne d’occupation, continue à produire son effet dans l’arène palestinienne, le Hamas disant à Abbas : « évincez les traîtres qui vous entourent ».

Un responsable du Hamas dans la région d’Hébron a remarqué : « Comment pourrions-nous envisager un dialogue sérieux sur l’unité nationale avec des gens qui prétendent être des Palestiniens patriotes le jour et qui la nuit coordonnent avec l’armée israélienne la prochaine vague d’arrestations de citoyens palestiniens ? » Plus tôt dans le mois, le député du Fatah Isa Qaraqui a vertement critiqué des officiers des agences de sécurité, les qualifiant « de lapins peureux ». Il a précisé que les milliers d’agents des services de sécurité de l’AP qui sont censés assurer la protection du peuple palestinien se sauvent dans leurs « terriers » toutes les fois que les troupes israéliennes d’occupation donnent l’assaut à des quartiers palestiniens.

Les commentaires caustiques de Qaraqi ont entrâiné une réaction acerbe de Tirawi et d’autres officiels qui ont répondu en arguant du fait que les agences de sécurité ont donné de nombreux martyres pour la Palestine et que les gens qui conduisent de belles voitures et perçoivent des salaires élevés n’étaient pas bien placés pour questionner la crédibilité des convictions nationalistes des soldats de la Palestine.

Tirawi a aussi laissé entendre que Qaraqi faisait le jeu du Hamas en remettant en cause l’intégrité des agences de sécurité. Les défenseurs de Qaraqi ont répliqué avec virulence, disant que « les vrais soldats de la Palestine » ne passent pas leurs nuits dans des réunions conviviales avec les chefs de l’armée israélienne d’occupation. « Si vous n’êtes pas capables de nous protéger, et si vous n’êtes pas capables de vous protéger vous-mêmes, qu’elle est alors la justification de votre existence ? » a écrit un militant du Fatah la semaine dernière.

L’échange violent reflète une polarisation croissante entre deux camps dans le mouvement du Fatah : le camp nationaliste, ou camp « arafatiste », qui se veut fidèle au legs de Yasser Arafat et est déterminé à maintenir la « pureté » de la lutte nationale pour l’indépendance et la liberté ; et le ainsi nommé « camp pragmatique », à savoir les carréristes du processus d’Oslo qui ont immensément profité du statu quo.

Le premier camp est représenté par des personnes telles que Marwan Al-Barghouti et ses partisans : Hani Al-Hassan, Farouk Qaddumi et un grand nombre de députés et de responsables du Fatah, particulièrement à la base et aux niveaux intermédiaires du mouvement. Le deuxième camp se compose des responsables de la sécurité, les agents et fonctionnaires de l’AP qui bien qu’en nombre réduit sont puissants grâce au soutien de l’étranger — spécialement celui des Etats-Unis — et contrôlent les coffres de l’AP, du Fatah et de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP).

Le président Abbas et ses principaux assistants, tels qu’Ahmed Qurei, Saeb Ereikat, Nabil Amr et Nabil Shaath tentent régulièrement de maintenir le lien entre les deux camps afin de présenter le Fatah comme un front uni, particulièrement face au Hamas. Mais ces efforts fédérateurs n’ont pas eu de succès.

La semaine dernière, alors que les principaux chefs du Fatah se rencontraient à Amman pour essayer de fixer une date pour que se tienne le sixième congrès du Fatah — congrès déjà reporté à plusieurs reprises — les échanges aigres entre Abbas et Qaddumi ont mis en évidence l’abîme sérieux entre les camps pro et anti-Oslo. Qaddumi a été cité comme disant à Abbas : « Tu n’es en rien Yasser Arafat » et aussi : « Tu ne peux pas porter toutes les casquettes en même temps. »

Abbas est le chef de l’OLP, le chef du Fatah et le président de l’autorité palestinienne [de Ramallah], ce qui signifie que les gens comme Qaddumi sont en réalité marginalisés.

Mais la vraie raison qui empêche et même interdit la tenue d’un congrès est que les « pragmatiques » (c’est-à-dire ceux qui veulent maintenir un « processus de paix » quoiqu’Israël fasse) sont inquiets à l’idée qu’ils pourraient être démis de leurs fonctions si la base du Fatah était autorisée à choisir ses prochains dirigeants.

Il y a quelques temps, Intesar Al-Wazeer [Um Jihad] la veuve de Khalil Al-Wazeer, commandant militaire du Fatah assassiné à Tunis par le Mossad en 1989, a déclaré au journal londonien Al-Hayat qu’il y a « une conspiration pour affaiblir et marginaliser le Fatah » par « des gens qui prétendent être le Fatah ». Al-Wazeer a accusé des « individus de l’entourage de Mahmoud Abbas » d’être « indifférents au sort du Fatah » et « de s’activer uniquement dans le sens de leurs propres intérêts ». Elle a également accusé Abbas « de consulter seulement une petite coterie de personnes autour de lui » qui selon elle ont leurs propres objectifs.

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27 octobre 2008 - Deux supplétifs arrêtent un Palestinien dans un village près d’Hébron. La collaboration déclarée des services de sécurité de l’AP avec l’armée israélienne a mis le feu aux poudres dans une partie du Fatah - Photo : AP

La réunion d’Amman s’est terminée sans que soit définie de date pour un congrès, bien qu’un rapport publié par Hakam Balaawi, le secrétaire du Fatah, disait qu’il y avait une volonté ferme de tenir le congrès avant la fin 2008.
Le rapport de Balaawi ne peut pas être considéré comme tout à fait crédible pour plusieurs raisons.

D’abord, plus de deux ans de réunions intensives avec Israël aussi bien que plusieurs conférences internationales pour la paix n’ont pas réussi à réaliser la moindre percée pour en finir avec l’occupation israélienne vieille de 41 années. Il est peu probable qu’Abbas et ses partisans veuillent aller « les mains vides » à une convention de la plus haute importance qui déterminerait leur futur politique.

En second lieu, la nouvelle administration aux Etats-Unis et l’instabilité politique en Israël ne favorisent pas pour le Fatah la tenue d’un congrès qui soit un succès, et qui pourrait même jouer en faveur des « radicaux » qui sont excédés par un processus de paix qui n’a eu pour résultat que le vol supplémentaire de terre palestinienne par Israël et la destruction du rêve d’un état palestinien.

Pour finir, ne pas tenir de congrès avant la fin 2008 compliquera indubitablement la situation à l’intérieur du Fatah et augmentera le sentiment de frustration dans le mouvement et particulièrement à la base, ce qui fait présager des soucis supplémentaires pour Abbas.

Du même auteur :

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23 octobre 2008 - Al Ahram weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2008/919...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


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