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Pogrom à la mode d’Acre

dimanche 19 octobre 2008 - 09h:04

Khaled Amayreh

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Le mot pogrom prend un nouveau sens alors que les juifs célèbrent le jour du Grand pardon

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Des Israéliens regardent une voiture qui a été retournée pendant les émeutes entre les habitants juifs et arabes à Acre ; (en dessous) des policiers israéliens arrêtent un des émeutiers pour avoir utilisé sa voiture pendant le Yom Kippour.

Dans la ville côtière d’Acre, dans le nord d’Israël, le racisme a montré cette semaine son hideux visage dévoilant l’intolérance et le fanatisme choquants des Israéliens envers leurs citoyens non juifs, spécialement l’importante minorité palestinienne qui constitue près d’un quart de la population.

Tout a commencé le soir du 8 octobre, veille du Yom Kippour, jour le plus sacré du calendrier juif ; un résident arabe local, qui ne se doutait de rien, est passé en voiture dans un quartier majoritairement juif pour aller chercher sa fille à la maison de son fiancé.

En voyant cet homme d’âge moyen, des dizaines de fanatiques juifs se sont rués sur lui, ont jeté des pierres sur sa voiture, le blessant lui-même ainsi que son fils.

« Brusquement, à cinq mètres du bâtiment vers lequel nous nous dirigions, un groupe de jeunes est arrivé et a commencé à crier Mavet le Arabim [Mort aux Arabes] et à nous lancer de grosses pierres. Mon fils en a reçu sur le visage, dans le dos et la poitrine. J’ai sorti mon fils de la voiture et nous sommes précipités à l’étage » a dit Jamal Tawfiq.

Bientôt, des centaines de fanatiques juifs sont arrivés sur place en criant des slogans et en empêchant Tawfiq ainsi que son fils, qui saignait abondamment, d’arriver à l’hôpital.

« Nous avons réussi à quitter le bâtiment en enjambant plusieurs fossés et nous sommes allés vers une voiture de police. Nous sommes montés dans la voiture, mais le policier n’arrivait pas à la faire démarrer.

« Finalement, le policier nous a dit « laissons tomber. Courez sauvez-vous ! » Nous nous sommes donc mis à courir, mais nous ne savions pas où nous étions. J’ai vu un chantier. Nous sommes entrés dans la cabane du gardien et lui avons demandé de nous protéger. Nous nous sommes mis par terre et la foule est passée au large de la cabane. Le gardien, Nessim, nous a sauvé la vie ».

Ayant laissé filer l’homme « sous leurs propres yeux » - et rappelez-vous que ceci se passe au début du Jour du grand pardon lorsque les juifs demandent à Dieu de leur pardonner leurs péchés - les fanatiques ont fait le siège de la maison où se trouvait la fille de l’homme en criant Mavet le Arabim ! Et « les Arabes hors d’Acre ».

Selon la nouvelle qui s’est répandue comme une traînée de poudre dans la vieille ville où vivent la plupart des Arabes, un Arabe local était en train de se faire lyncher et de se faire tuer par des extrémistes juifs ; les juifs faisaient le siège d’une maison arabe dans un quartier majoritairement juif. Des dizaines de jeunes se sont lancés dans la rue pour sauver la famille arabe.

Toutefois, alors que les jeunes en colère se dirigeaient vers la maison en question dans la partie nord-est de la ville, des renforts de police sont arrivés et ont tiré des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et ont tabassé les protestataires arabes les empêchant d’arriver à la maison où la famille arabe était assiégée. Jusqu’à vingt protestataires auraient été blessés.

Rendus furieux par la brutalité policière, les protestataires se sont vengés sur des voitures juives en stationnement dont ils ont cassé les pare-brise, et sur des magasins juifs qu’ils ont dévastés. D’après des sources israéliennes, quelque quarante magasins et une centaine de voitures ont été endommagés ce qui a encore enragé davantage les habitants juifs de la ville.

En guise de représailles, les juifs ont mis le feu à plusieurs maisons arabes.

Pour justifier la réaction hystérique à la « provocation » initiale, on a répandu le bruit que le futur beau-père avait été payé par des « extrémistes arabes » pour provoquer les juifs, qu’il était ivre, qu’il fumait et qu’il faisait gueuler sa stéréo.

L’homme a catégoriquement nié toutes ces accusations et a affirmé : « je suis religieux et jamais je ne voudrais blesser les sentiments d’autrui. Je voulais seulement aller chez moi ; je suis un musulman pratiquant. Je ne bois absolument pas et je ne faisais pas marcher la radio. Je me demande d’où la police tient ces renseignements ».

D’après certaines sources, des dizaines de colons juifs de Cisjordanie, notamment des partisans du rabbin Meir Kahana qui préconise le nettoyage ethnique des non juifs d’Israël-Palestine, sont arrivés à Acre pour faire monter la violence contre les Arabes.

Toutefois, même sans l’arrivée de ces colons, beaucoup de juifs d’Acre n’avaient pas besoin d’encouragement pour se joindre à la foule haineuse. Une femme juive a crié aux journalistes « Sortez tous les Arabes d’ici. Nous n’en voulons pas. Ils ont rendu nos vies misérables ».

Sur des sites d’extrémistes juifs, on peut lire un message particulièrement odieux « nous n’achèterons plus rien aux Arabes, nous ne respecterons pas leurs fêtes ni aucun de leurs lieux sacrés. Arabes d’Acre trouvez votre place dans les villages ». Le message était signé de l’épigramme suivant « le juif est fils de roi et l’arabe est fils de chien ».

Alors que la tension et les incitations à la haine se poursuivaient, des jeunes, juifs et arabes, se lançaient des pierres à la station de train d’Acre et dans d’autres « zones de friction », blessant plusieurs personnes.

D’après le centre Mosawwa (égalité) pour les droits humains arabes, 14 familles arabes comptant au total 50 personnes se sont retrouvées à la rue quand les hooligans juifs ont brûlé leurs maisons ou qu’ils les ont forcées à fuir après avoir volé ou détruit leurs biens. Des familles avaient déjà raconté aux journalistes comment des voyous juifs les avaient menacées de lynchage si elles ne quittaient pas leurs maisons ; elles ont donc été obligées de partir sans rien, avec seulement leur chemise sur le dos.

Des dirigeants arabes, y compris des membres de la Knesset, ont accusé la police de prendre le parti des émeutiers juifs contre les Arabes. Ces accusations sont étayées par le fait que la police n’a toujours pas mis fin aux destructions perpétrées par les fanatiques juifs, même cinq jours après le premier incident.

Le gouvernement israélien a demandé à la police de prendre des mesures décisives pour arrêter la violence et le premier ministre israélien sortant, Ehud Olmert, a dit que l’on avait l’impression que les habitants de la ville étaient tenus en otage par un groupe d’extrémistes ».

Toutefois en dépit de cette approche apparemment neutre face à la violence, il était évident que les politiciens israéliens hésitaient à appeler un chat un chat, dans cette période préélectorale en Israël.

Avigdor Leiberman , politicien de droite notoire et ancien ministre de cabinet, a dit que les événements d’Acre justifiaient ses appels à l’expulsion des non-juifs d’Israël.

Le lundi 13 octobre, la police a arrêté Jamal Jawfik, apparemment pour apaiser les juifs d’Acre. Ahmed Teibi, membre arabe de la Knesset, a dit que l’arrestation était « déraisonnable » et « équivalait à punir la victime plutôt que le criminel ». C’est par ce type d’apaisement que la police cherche à calmer les hooligans juifs aux dépens des citoyens arabes d’Israël."

Les dirigeants juifs et arabes reconnaissent que les violences communautaires d’Acre pourraient déclencher des affrontements plus importants dans ce que l’on appelle les villes mixtes, telles que Jaffa, Haïfa, Ramleh et Lod.

Selon le journal Haaretz, un organisateur communautaire de Lod (Al-Led) craint que la violence s’étende à sa ville. « Je ne sais pas si cela se produira dans un jour, deux jours ou dans deux mois, mais c’est certainement une possibilité » a dit Buthaina Debit, qui a signalé que la communauté arabe vit dans une détresse sociale et économique causée par la discrimination de longue date qu’elle subit de la part de l’État israélien.

« C’est arrivé à Acre, mais cela pourrait arriver à Lod parce que il y a des masses d’habitants arabes qui n’ont rien à perdre et qu’il y a beaucoup de juifs pauvres qui sont coincés là-bas. Acre pourrait n’être qu’un début ».
Un militant juif, également interviewé par Haaretz, a dit que ce qui est arrivé à Acre est un avertissement pour tous les intéressés. « Il y a trop de passivité. Le moment est venu d’agir au niveau aussi bien du gouvernement qu’à celui des organisations sociales. Nous devons investir dans les villes mixtes » a dit Aviv Wasserman.

Il est intéressant de relever qu’Olmert lui-même a reconnu que les citoyens arabes d’Israël sont victimes de discrimination et que cette discrimination crée de la frustration et de l’indignation parmi les Arabes contre l’État d’Israël.

Mais tout comme ses prédécesseurs, Olmert n’a pas dit pourquoi il n’a pas corrigé cette discrimination systématique qui vide de son sens l’expression "Israël, État démocratique ».

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Palestiniens et internationaux à la cueillette des olives. Malgré ce terrorisme des colons juifs, très peu de Palestiniens, s’il y en eut, ont quitté leur village et leurs terres.

Du même auteur :

- Permis de tuer
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Cet article peut être consulté ici :
http://weekly.ahram.org.eg/2008/918...
Traduction : amg


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