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Une romance française

dimanche 16 décembre 2007 - 18h:30

Daniel Ben-Simon - Ha’aretz

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Le 13 février 2008, un nouveau chapitre s’ouvrira dans l’histoire d’amour entre les juifs de France et leur pays. Ce soir-là, le président Nicolas Sarkozy sera dans la salle chic où le CRIF [Conseil représentatif des Institutions juives de France], l’organisation-parapluie de la communauté juive française, tient son dîner annuel. Quand Théo Klein, ancien président du CRIF, avait inauguré l’événement le 13 février 1985, il espérait organiser une réunion modeste qui rapprocherait les responsables juifs de la communauté et les dirigeants politiques français.

Ce n’est pas chose facile. Dans un pays qui se revendique laïque, toute évocation mentionnant l’origine, la foi religieuse ou la race est considérée comme quelque chose qui détruit le tissu républicain de l’Etat. Dans le passé, des hommes politiques n’ont accepté l’invitation des responsables juifs de la communauté que pour calmer les invités du dîner à la suite d’un certain nombre d’actes antisémites.

Au cours de ces dernières années, des premiers ministres aussi ont commencé à fréquenter ce dîner annuel mais personne n’imaginait que le président participerait à un événement communautaire. Sarkozy a confirmé qu’il serait présent, provoquant une énorme excitation parmi les responsables de la communauté. "C’est une gigantesque démonstration de force pour les juifs de France, c’est sans précédent," s’est extasié Haim Musicant, directeur général de CRIF à Paris. "Il n’y a aucun autre événement en France qui regroupe autant de dirigeants."

Le geste de Sarkozy témoigne du grand changement intervenu dans les vies au sein de la communauté juive française depuis qu’il a été élu président. Après des années d’inquiétude et d’incertitude, une sensation de calme peut maintenant être ressentie. En 2006, le nombre d’incidents contre les cibles juives a chuté de 30 pour cent - soit moins de 200 incidents, c’est-à-dire le même nombre qui avait été enregistré en seulement un mois pour l’année 2001.

Le nombre d’incidents hostiles en lien à Israël a également diminué considérablement. L’ambiance légèrement plus calme entre Israël et les Palestiniens influe également sur les relations entre les musulmans et les juifs de France et a créé une dynamique positive entre les communautés. Les chaînes de télévision arabe [française] ont cessé de diffuser les images sanglantes des territoires [occupés palestiniens]. Musicant indique qu’il n’y a plus d’attaque sur des synagogues ou des établissements juifs. "Ca et là, il y a des plaintes au sujet de cris et d’insultes, qui ont tous lieu dans les quartiers mélangés [mixed] et pauvres", dit-il.

Le nombre de menaces contre des juifs a chuté, de 139 en 2006 à quelque 90 cette année. L’année 2007 semble être une des plus tranquilles pour la communauté juive française depuis longtemps. Les émeutes récentes dans certaines banlieues n’ont pas affecté les juifs qui y vivent. Au cours des précédentes émeutes de l’automne 2005, des casseurs s’en étaient pris à des synagogues et des magasins appartenant aux juifs.

L’"effet Sarkozy" agit sur les juifs de France comme par magie. Ils n’ont pas pas le souvenir d’un autre président français qui leur ait parlé aussi affectueusement et qui ait même admis ouvertement qu’il est pro-israélien. En mai, Sarkozy doit effectuer une visite en Israël au cours de laquelle il affichera certainement son amitié et tiendra un discours agréable aux oreilles israéliennes. Le président n’a pas besoin des rapports de ses conseillers pour savoir que huit juifs de France sur 10 ont voté pour lui, de même que neuf Israéliens qui ont le droit de voter aux élections françaises sur 10.

Il est possible que cette idylle ne soit pas partagée par tous. Le calme dans les vies des juifs français est susceptible de ruiner les espoirs mis sur eux par les émissaires de Agence juive chargés de l’aliyah. Avant l’élection de Sarkozy, des milliers de juifs avaient démontré un intérêt croissant à déménager en Israël et beaucoup ont même ouvert un dossier d’aliyah, au cas où Segolène Royal, la candidate socialiste, serait élue présidente. La victoire de Sarkozy a changé la donne et beaucoup de ceux qui étaient des candidats pour l’aliyah ont maintenant abandonné ce projet. Du moins, pour l’instant.

L’avenir de la communauté juive [française] dépend, en grande partie, de la colère réprimée des immigrés musulmans. Certes, Sarkozy a nommé deux femmes musulmanes comme membres de son gouvernement, mais il n’a pas encore fait prendre l’ascenseur social, du fond de la société française, à la communauté immigrée de l’échelon inférieur. Si, à l’avenir, ils se rebellent, la France payera le prix, et les juifs se trouveront de nouveau dans le tourbillon duquel ils ont été juste dégagés.


Avec nos remerciements à Yann


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Daniel Ben-Simon - Ha’aretz, le 7 décembre 2007 : A French romance
Traduction : Blog d’Alain Gresh, Nouvelles d’Orient


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