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Le vrai but d’Annapolis, et pourquoi cela ne pouvait pas marcher

jeudi 13 décembre 2007 - 06h:26

Ramzy Baroud

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Olmert, comme beaucoup de dirigeants sionistes, se rend de plus en plus compte que l’euphorie colonialiste israélienne est en train de leur exploser à la figure.

La conférence commanditée par les Etats-Unis à Annapolis dans le Maryland n’a été ni un succès ni un échec, si on part de l’idée que son prétendu objectif était en effet « l’établissement de la paix ».

Dans la perspective américaine, la réunion était au mieux une manoeuvre diplomatique de la part de l’administration Bush, une dernière chance pour jouer un rôle dans une région qui est en train d’échapper rapidement à sa poigne. Au pire, la conférence était une pantomime désespérée de relations publiques pour convaincre le public américain que les plans de l’administration pour la démocratie et la paix dans le Moyen-Orient se déroulaient sans à-coup. Dans les deux cas, la conférence était une distraction obligée, mais aux effets passagers, face à la critique de la guerre en Irak vue comme un « cauchemar » sans fin.

Les mots de Bush à Annapolis laissent entendre qu’il a joué exactement le rôle qu’Israël attendait de lui. Sa sortie sur l’identité juive d’Israël, une violation brutale des principes de la laïcité, semble plus qu’un simple geste pour apaiser les soucis d’Israël et de ses alliés aux Etats-Unis ; c’était une véritable acceptation du nettoyage ethnique qui caractérise la façon dont Israël traite les Palestiniens. Après tout, des millions de Palestiniens pendant des décennies ont été expulsés de leur terre pour aucune autre raison que de ne pas être juifs, alors que des millions de juifs de par le monde sont « revenus » en Israël - une terre où ils n’ont jamais vécu et avec laquelle ils n’ont jamais eu de liens. Se pourrait-il que Bush ne l’ai pas su lorsqu’il a évoqué le besoin d’un état juif ? J’en doute.

Ainsi de quel genre de processus de paix parlons-nous ? En partant de n’importe quelle définition raisonnable, la paix se réalise habituellement en jetant un pont par-dessus un fossé et résoudre des désaccords entre des antagonistes ; des amis n’ont pas besoin « de négocier » par le biais « d’initiatives » et « de compromis douloureux » pour trouver « un terrain commun ». Alors que les Israéliens et les Palestiniens sont dans un besoin si urgent de remplacer par la paix l’hostilité provoquée par l’occupation militaire illégale israélienne, le président palestinien Mahmoud Abbas et le premier ministre israélien Ehud Olmert pourraient difficilement se considérer comme « ennemis » prisonniers d’une situation « d’hostilité » dont ils auraient besoin de s’extraire.

En effet, les deux hommes sont chacun cernés de beaucoup de façons et engagés dans une guerre avec leur propre camp - mais pas l’un contre l’autre. En tout cas, Abbas et Olmert sont dans un état de symbiose politique, de dépendance mutuelle qui s’apparente assez étrangement à de la solidarité.

Annapolis était la tribune idéale pour que les deux dirigeants échappent à leurs soucis respectifs. Abbas avait besoin du blanc-seing international après sa réponse anticonstitutionnelle au conflit avec le Hamas dans Gaza. Impopulaire parmi des Palestiniens, la survie de son régime dépend seulement de sa capacité à maintenir son autorité sur la Cisjordanie. Sans fonds internationaux, sans l’accord des Etats-unis et la permission israélienne, Abbas ne peut pas maintenir en place son despotisme, celui-ci étant lui-même sous occupation israélienne. Par conséquent il doit maintenir un équilibre, et il ne faut pas s’attendre à ce qu’il prenne des risques en fâchant Israël en mettant en avant des demandes sérieuses dans le cadre des négociations qui doivent commencer le 12 décembre.

Olmert, qui est à la tête d’une coalition précaire, est confronté à deux faits importants : un, il n’a aucun mandat pour faire un quelconque « compromis », douloureux ou non, et deux, une solution à deux états est devenue quasi désuète. Etant d’une rare franchise, il a exprimé ses craintes à l’occasion d’une entrevue avec le quotidien Haaretz juste après son retour d’Annapolis. « Le jour viendra où la solution à deux états va s’effondrer, et nous ferons face à une lutte sur le modèle de l’Afrique du Sud pour l’obtention de l’égalité par le droit de vote... Dès que cela se produira, l’état d’’Israël (comme état exclusivement juif) sera mort. »

Rétrospectivement, ceci aide à comprendre l’insistance de Bush sur l’identité juive d’Israël.

Quelle ironie que les mêmes qui ont par le passé considéré le mot de « Palestine » comme blasphématoire et anti-sémite puissent préconiser aujourd’hui un état palestinien. David A. Harris, le directeur exécutif du Comité juif américain a indiqué au Los Angeles Times, le 30 novembre, que même la solution de deux états doit être reconnue. « Non, non. Deux ?espace-nations’ et ?espace-états’. Pas simplement deux états, mais deux états-nations. Un état juif appelé Israël, et un état arabe palestinien appelé Palestine. C’est le langage dont le premier ministre Olmert s’est servi, que la ministre des affaires étrangères Livni avait employé, que le Président Bush a adopté, et (qui a été également adopté par) le Président Sarkozy (de France). »

Olmert, comme beaucoup de dirigeants sionistes israéliens et juifs (par opposition aux juifs de non-sionistes qui refusent de souscrire à cette mentalité archaïque) se rend de plus en plus compte que l’euphorie colonialiste israélienne est en train de leur exploser à la figure ; l’absence de définition des frontières d’Israel - laissées ouvertes pour les besoins d’une constante expansion territoriale - rend impossible pour Israël une domination totale des Juifs sur les Arabes tout en prétendant toujours être une démocratie. Il n’est pas douteux que les mauvais choix faits par Israël dans le passé sont maintenant irrévocables, et qu’en effet le combat à venir sera celle de l’égalité dans un seul état.

Plutôt que d’être une vraie ou fausse étape vers la paix entre deux parties opposées, Annapolis a été une étape pour des discussions feutrées, des espérances ténues et des chuchotements pour des chefs ayant de pressantes motivations. Des journalistes s’étaient vus expliquer par le porte-parole d’Olmert qu’Annapolis offrait « un espoir ... un espoir prudent, mais un espoir », mais ni l’espoir, ni la rupture avec sept années « de blocage » - comme l’avait prophétisé le négociateur palestinien Saeb Erekat - n’ont leur place ici. Les réunions et l’année des « négociations » prévues à la suite sont à inscrire dans le cadre de la dernière tentative d’Israël de « préserver » son identité juive, et de créer un état palestinien sur le modèle des Bantustans de l’ancienne Afrique du sud.

On accordera si nécessaire aux Palestiniens la liberté de nommer de la façon dont ils le souhaiteront de tels îlots déconnectés les uns des autres et de faire monter les couleurs dans des entités mises en cage, mais sans rien de plus.

Bien que Bush et Abbas soient disposés à collaborer dans cet effort antidémocratique, les Israéliens doivent réaliser que leur pays est profondément enfoncé dans l’Apartheid, et que rien n’est assez bon pour remplacer leur démocratie « raciale » excepté une vraie démocratie. Il est temps pour des personnes comme Harris d’arrêter de parler « d’espace-nations espace-états » et de tout autre non-sens du même genre, mais d’engager à la place de sincères efforts pour trouver une formule qui garantisse la paix, la justice et la sécurité pour les Palestiniens et les Israéliens, sans nier la responsabilité historique d’Israël à l’égard de la douloureuse situation des Palestiniens et de leur dépossession.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com »

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- Paix et démocratie
- Une cause à défendre : la dignité du Monde Arabe
- Défendre la vérité : le débat sur la Palestine et Israël
- Pourquoi la Birmanie n’est pas l’Irak

10 décembre 2007 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://ramzybaroud.net/articles.php...
Traduction : Claude Zurbach


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