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Une cause à défendre : la dignité du Monde Arabe

jeudi 8 novembre 2007 - 06h:53

Ramzy Baroud

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Les problèmes socio-économiques et politiques constants qui compliquent les progrès possibles au Moyen-Orient peuvent en grande partie être attribués à la politique étrangère mal inspirée des Etats-Unis.

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Photo : Ma’an Images

Des situations tout à fait désespérées sont apparues là où les clients des Etats-Unis règnent avec une main de fer, ramenant les perspectives pour une réelle démocratie à leur niveau le plus bas. Ce serait cependant s’aveugler que de mettre uniquement sur le compte de l’agressivité militaire et politique israélo-américaine tous les maux sociaux, économiques et politiques ; il y a un besoin d’introspection et de sens des responsabilités pour que soient rendues possibles toutes les étapes pratiques vers le progrès et la justice.

L’ « Arabe Human Development Reports » a établi la liste des regressions sur les plans politiques et économiques, de la corruption rampante, des graves inégalités, de l’oppression exercée sur les femmes et également sur les hommes, du manque de cohésion, de planification et de circulation des idées, comme étant les problèmes les plus significatifs dans les pays Arabes. Le rapport de l’année 2005 s’est escrimé à trouver un aspect positif à des situations négatives, choisissant de se focaliser sur l’augmentation du pouvoir des femmes arabes, qui dans certaines sociétés sociétés se voient refuser l’accès aux écoles, à l’indépendance économique et à la représentation politique.

Le boom pétrolier des années 70 et la vague de néo-libéralisme des années 90 a transformé la plupart des pays arabes en sociétés divisées en classes, créant de nouvelles disparités ou approfondissant celles qui existaient déjà. Mais il est difficile aujourd’hui de parler de « conflit » de classes ; les pauvres, dans beaucoup de cas, en sont littéralement réduits à lutter pour assurer leur survie quotidienne alors que les riches ont dépassé en arrogance et en accumulation les élites centro-américaines. Leur accès au pouvoir politique, à la richesse économique et leur contrôle total sur les médias ont de façon significative creusé le fossé. Beaucoup de Marocains pauvres bravent les flots tumultueux de la Méditerranée pour arriver en Europe afin de trouver de maigres emplois avec de maigres salaires, et une quantité innombrable d’Egyptiens sont en recherche permanente d’opportunités pour aller n’importe où. La situation partout empire, ouvrant la voie à encore plus de corruption et de népotisme.

Il ne faut pas compter sur les médias pour représenter la réalité sur le terrain. Al Jazeera et Al-Arabiya restent des exceptions mais ces deux chaînes sont également sensibles aux pressions politiques et économiques. Et même sans ces dernières, il faudrait plus qu’une paire de stations de télévision pour répondre aux besoins locaux et nationaux de centaines de millions de personnes dont les cultures, les réalités immédiates et les défis économiques et politiques sont trop variés pour être décrits dans quelques bulletins d’informations, d’erratiques débats et quelques slogans.

Le plus triste est que les masses arabes manquent de la capacité même d’exprimer leurs frustrations, ayant vécu sous une poigne de fer pendant des décennies et ayant été impitoyablement écrasées toutes les fois qu’elles ont osé se soulever pour leurs droits.

Tandis que les élites régnantes dépensent largement pour se placer à part de ceux qui restent en arrière, ces derniers sont forcés d’apprendre le langage du pouvoir, de satisfaire à chaque caprice venant des élites. Il n’est pas surprenant que beaucoup se tournent vers les solutions les plus immédiates pour échapper à une telle réalité. L’Internet prospère dans les principales villes arabes, pas tant comme outil d’une communication signicative, mais la plupart du temps pour la causerie [chatting] et la pornographie. Les deux créent des réalités alternatives. La causerie peut également représenter le début de nouvelles opportunités, celle de « l’amour » prémédité, ou peut-être seulement celle d’une carte verte ou de son équivalent dans un pays européen.

La situation est particulièrement désespérante pour les Palestiniens piégés entre une brutale occupation israélienne et leurs propres élites corrompues. Tandis que beaucoup d’entre eux vivent sous divers régimes avec un statut juridique presque impossible en tant que personnes apatrides, les Palestiniens riches dans le Golfe (et ailleurs) semblent avec bonheur éloignés de tout cela ; l’immense richesse palestinienne à l’étranger doit bénéficier aux 1,4 million de Palestinien dans la bande de Gaza, 80% d’entre eux étant dépendants de l’aide internationale pour leur survie.

Les USA et les divers pays européens contribuent au chaos, additionnant le néolibéralisme au néo-impérialisme, contrôlant les anciens avant-postes coloniaux par l’intermédiaire de la dépendance économique sous forme d’aide, des actions politique et militaires et des ONG [Organisations Non-Gouvernementales]. La Dotation Nationale pour la Démocratie (NED) et l’USAID sont deux exemples flagrants. La NED, approvisionné la plupart du temps par un vote annuel du Congrès, a été fondé en 1983 pour appuyer la politique étrangère des Etats-Unis. Elle prétend « être guidée par l’idée que la liberté est une aspiration humaine universelle qui peut être achevée par le développement d’institutions, de procédures et de valeurs démocratiques. » Si on prend en compte le rôle de la NED dans la tentative de coup d’état contre la démocratie vénézuélienne en avril 2002 et d’autres exemples d’interventions insidieuses, on ne peut que contester les principes démocratiques de cette organisation.

Les peuples arabes sont dans une situation qui suscite peu d’envie. Dans les pays tels que l’Irak, un fonctionnement socio-économique et une structure politique — en dépit de leurs imperfections — ont été simplement rayés de la carte en mai 2003 avec la signature de Paul Bremer, premier consul des Etats-Unis pour l’Irak. La démobilisation de l’armée a été suivie de la « de-baathification » du pays (affaiblissant la position des Sunnites pour simplement avoir été le groupe le plus favorisé sous Saddam), montrant une indifférence complète au bien-être des Irakiens.

Le scénario irakien a créé un redoutable précédent. Ceux qui n’étaient pas satisfaits de leurs dirigeants ont été forcés de repenser leurs priorités après avoir constaté le chaos produit en Irak par l’action américaine. Ceux qui ont voulu sans discernement créer une opportunité pour la démocratie ont été impitoyablement écrasés. Des Palestiniens ont été forcés à la soumission et la démocratie refusée à ses propriétaires légitimes, c’est-à-dire la majorité du peuple, puis remise aux mains des quelques corrompus. En Egypte, l’oppression et la corruption lors des élections sont parvenues à maintenir le statu quo.

Il n’y a aucune réponse facile ici, aucune recommandation ou solution éprouvée. La tâche est vraiment écrasante. Mais il est clair que les véritables intérêts des peuples arabes ne peuvent être servis que par les Arabes eux-mêmes. Il est vrai que des réformes ne peuvent pas être imposées, mais elles sont impossible à réaliser dans le contexte des rapports de force actuels — dirigeants se considérant eux-même comme incontestablement supérieurs à leurs peuples, chaînes de télévision favorisant un consumérisme effréné et fournissant des distractions sans fin, et des multitudes innombrables voulant s’affranchir ou s’échapper et devenant souvent la proie de l’extrémisme.

Pour que les pays arabes aient un certain espoir d’un futur qui ait du sens (et aussi un présent), le travail sur le terrain doit remplacer le détachement intellectuel, la richesse doit être investie pour que les sociétés se suffisent à elles-mêmes, et encore plus important, il faut que la dignité des femmes et des hommes Arabes soit avant toute chose préservée.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com »

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- Défendre la vérité : le débat sur la Palestine et Israël
- Pourquoi la Birmanie n’est pas l’Irak
- Liban - Syrie : la politique d’assassinats
- Mourir sans avoir été vaincu

6 novembre 2007 - Communiqué par l’auteur - Traduction : Claude Zurbach


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