Les Israéliens qui sont perdus pour la démocratie
mercredi 4 novembre 2015 - 06h:04
Gideon Levy
Ceux qui écrasent un adolescent délibérément puis le rouent sauvagement de coups de pied, qui menacent de tuer en masse à l’aide de gaz et attaquent des équipes médicales sont des citoyens perdus pour la démocratie.
- Colons juifs agressant des paysans palestiniens. Être sioniste, c’est être d’extrême-droite, tout simplement - Photo : Flickr
Les Palestiniens n’ont pas gagné (et vraisemblablement ne gagneront jamais), mais Israël a perdu une fois de plus. Les vestiges de son humanité disparaissent à une vitesse inouïe et terrifiante. Des horreurs d’un niveau jamais vu sont perpétrées dans les territoires occupés à une fréquence inédite
Les pierres ou les coups de couteau qui pourraient justifier de tels crimes n’ont pas encore vu le jour – et sont accueillis par le public israélien d’un haussement d’épaule. Il ne connaît les agissements de ses soldats et de sa police que par le filtre des médias israéliens, qui, on peut leur faire confiance, édulcorent et cachent le plus possible. Mais les réseaux sociaux nous crachent les images, horreur après horreur. Un premier coup d’oeuil et on ressent de la gêne ; un deuxième et c’est une sensation de nausée mélangée à de la colère qui nous accable.
Ce qui n’a pas eu lieu ce weekend (sauf les coups de couteau qui ont eu pour conséquence des blessures mineures chez les Israéliens) : Un bébé palestinien de huit mois est décédé, après qu’il aurait inhalé du gaz lacrymogène à Biet Fajjar, au sud de Bethlehem. « Nous vous lancerons du gaz lacrymogène jusqu’à ce que vous mourriez. Enfants, adultes, vieux, tout le monde, tout – jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus un seul d’entre vous, » a aboyé un policier des frontières dans le micro de sa jeep blindée dans le camp de réfugiés d’Al-Aida, au nom de tous les Israéliens.
Une autre jeep blindée de la police des frontières a délibérément écrasé un Palestinien qui jetait des pierres près de Beit El. Ce qui se produisit ensuite est difficile à regarder : Le Palestinien gravement blessé git sur le sol, des policiers lui donnent des coups de pied et repoussent brutalement les équipes de secours palestiniennes avant qu’elles ne puissent le soigner.
Un autre policier des frontières, dans un lieu différent, frappe un journaliste portant un masque à gaz qui osait prendre des photos. Quelque part d’autre, du gaz poivre est pulvérisé directement dans le visage d’un photographe, qui tombe, les traits crispés de douleur.
Ahmed Manasra, le garçon de 13 ans qui aurait poignardé deux Israéliens, les blessant grièvement, a été présenté, menottes aux poignets, en comparution pour mise en détention provisoire. Il est accusé de tentative de meurtre, mais ses accusateurs vont essayer de faire traîner la procédure pendant plus de deux mois, jusqu’à ses 14 ans. Alors, il a devant lui des décennies de prison s’il est jugé coupable – et cela ne fait guère de doute. Le procureur débonnaire a promis de poursuivre « les terroristes » « quelque soit leur âge. »
Israël a aimablement daigné rendre les corps de sept Palestiniens après une attente ignoble qui a suscité des explosions de rage dans les territoires. Les corps des assaillants qui ont été abattus sont dépouillés de leurs vêtements en public par les soldats et policiers, et les photos de leur corps nu sont mises en circulation sur les réseaux sociaux. Le désir de démolir les maisons des terroristes – rapidement et en grande quantité- est inassouvissable. Un civil, Mashiah Ben Ami, se vante d’avoir tiré 15 balles, pas moins, sur un Palestinien qui a essayé de le poignarder et de déchirer sa chemise.
Le débat concernant la politique du tirer pour tuer, à balles réelles, sur toute personne qui en poignarde une autre ou tient un couteau, quelque soit la dangerosité de la situation, n’a même pas encore commencé en Israël. Il ne commencera jamais. Plus de 70 Palestiniens ont été tués de cette manière depuis le début du soulèvement.
Il est tumultueux, ce soulèvement, et c’est la chose la plus prévisible qui ne se soit jamais produite ici. On ne peut le supprimer par la force, et les soldats et policiers qui affrontent la foule furieuse et essaient de le faire ne peuvent qu’être pris en pitié.
Mais quand cette vague refluera, en mode pause jusque la prochaine, il nous restera le vrai désastre : Regardez les soldats, et tout particulièrement la Police des Frontières, observez leur comportement barbares de troupes d’assaut à l’égard de quiconque se trouve sur leur chemin, et vous comprendrez ce qui nous attend, et le caractère qu’aura le pays, s’il ne l’ a pas déjà.
Ceux qui écrasent un adolescent avec préméditation puis le rouent sauvagement de coups de pied ; qui menacent de tuer en masse à l’aide de gaz et attaquent des équipes médicales et des journalistes sachant qu’ils ne seront pas punis et ne recevront que des éloges – sont des citoyens perdus pour la démocratie. Ce sont des kalgasim, comme nous disons en Hébreu (« des envahisseurs brutaux »). Et ceux qui les couvrent, qui regardent avec passivité ou indifférence - ceux là sont leurs complices. Complices à part entière.
* Gideon Levy : Né en 1955, à Tel-Aviv, journaliste israélien et membre de la direction du quotidien Ha’aretz, Gideon Levy dénonce inlassablement les violations commises contre les Palestiniens et le recours systématique à une violence qui déshumanise les peuples dressés l’un contre l’autre.
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31 octobre - Haaretz - Vous pouvez consulter cet article à :
https://zcomm.org/znetarticle/israe...
Traduction Info-Palestine.eu - MJB