16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Des taxes sur le fioul paralysent l’unique centrale électrique de Gaza

jeudi 19 février 2015 - 07h:05

Asmaa al-Ghoul

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


En imposant ladite taxe bleue sur le fioul à destination de Gaza, le gouvernement d’unité nationale de Ramallah [supporté par le Fatah et le Hamas] paralyse fortement la seule centrale électrique de la bande de Gaza.

JPEG - 200.6 ko
Des policiers palestiniens, liés au Hamas, sont de garde, alors qu’un camion-citerne arrive à la centrale électrique de Gaza, dans le centre de la bande de Gaza - 15 décembre 2013 - Photo : Reuters/Ibraheem Abu Mustafa

GAZA, bande de Gaza — Les conflits politiques constituent un obstacle pour résoudre les nombreuses crises dans la bande de Gaza, telles le non-paiement des salaires en retard des employés du gouvernement, le bouclage du point de passage de Rafah, et l’approvisionnement en fioul de la centrale électrique de Gaza.

Le gouvernement de Ramallah impose une taxe - baptisée la « taxe-bleue » - sur le fioul avant sa vente à Gaza.

Le directeur adjoint de l’Autorité Palestinienne de l’Energie (APE) [compagnie d’électricité locale], de la bande de Gaza, Fathi al-Sheikh Khalil, a demandé l’annulation pure et simple de cette taxe sur le carburant de la centrale électrique, ce qui permettrait à cette dernière de fonctionner pendant de nombreuse heures supplémentaires. Toutefois, le président de l’Agence Pétrolière Palestinienne de Ramallah, Fuad Shobaki, a refusé cette option et a signalé que du fioul est stocké au sein même de la centrale de Gaza.

Selon le Protocole d’entente économique, signé à Paris en 1994 et repris dans les accords d’Oslo, Israël a exigé que la différence de prix du carburant consommé par les Palestiniens et celui consommé par les Israéliens n’excède pas 15%. Par conséquent, l’Autorité Palestinienne a imposé la taxe-bleue pour rattraper la différence.

Le journal Al-Monitor a obtenu une liste des prix du fioul acheté à l’Agence Pétrolière Palestinienne, organisme affilié au gouvernement de Ramallah. Le prix d’un litre de carburant au début de l’année 2014 oscillait entre 5,60 et 5,80 shekels israéliens (environ 1,40$), et atteignait 3,80 shekels (0,90$) en novembre et en décembre 2014.

Une source officielle de l’APE de Gaza a révélé au journal Al-Monitor, sous couvert de l’anonymat, que la variation du prix du litre de fioul est consécutive à la mise en place de la taxe-bleue. Le gouvernement palestinien de Ramallah a décidé d’exempter Gaza de cette taxe suite à la guerre israélienne en 2014, ce qui explique que le prix du litre ait chuté à 3,80 shekels. Cependant, l’exonération n’a été que de 50% au début de cette année, ce qui a contribué au doublement du prix d’origine du litre du fioul.

La source a indiqué que la taxe-bleue n’est pas la seule taxe imposée sur le fioul de la centrale électrique, puisqu’il y a aussi une taxe sur la valeur ajoutée qui s’élève à 18%, ainsi que la différence de taxe de 3%.

Shobaki a informé Al-Monitor par téléphone : « Nous ne faisons qu’appliquer. Nous suivons la décision du gouvernement sur la taxe bleue et nous la réduisons souvent de 50%, voire nous la supprimons complètement quand elle s’applique sur Gaza. »

Il a indiqué que quelquefois la taxe-bleue n’est pas complètement supprimée parce que les taxes sur les produits pétroliers sont un apport essentiel au gouvernement de Ramallah - spécialement à la lumière des récentes crises financières dont il a souffert. En outre, Shobaki a également expliqué qu’ils doivent payer à Israël et à l’Égypte 65 millions de shekels chaque mois (environ 16 millions de dollars) en contrepartie pour la consommation électrique de Gaza.

Il a souligné que le PEA n’intervient pas dans les décisions du gouvernement, bien qu’il lui soit possible de recommander une réduction de cette taxe. Il a néanmoins avoué : « Si cela ne tenait qu’à moi, je n’exempterais pas la bande de Gaza de la taxe bleue parce que la centrale électrique appartient à une compagnie privée, et qu’elle peut acheter du fioul avec l’argent qu’elle collecte des factures de ses consommateurs. »

Il a ajouté : « Quand l’occupation israélienne a bombardé la centrale électrique lors de sa dernière agression, nous avons découvert que 3 millions de litres de fioul étaient stockés dans la centrale. »

Entre temps, Sheikh Khalil a informé Al-Monitor que le paiement des factures concerne moins de 23% des habitants de Gaza, totalisant 4 millions de dollars mensuels. Cette somme est insuffisante pour acheter le carburant à cause des taxes croissantes imposées par le gouvernement unifié de Ramallah, et parce que pour le bon fonctionnement de la centrale électrique, environ 10 millions de dollars sont nécessaires chaque mois pour le seul carburant.

Il a indiqué que la subvention du Qatar a été d’environ 62 millions de dollars l’an dernier, dont la moitié a été versée au gouvernement unifié de Ramallah parce que ce dernier a imposé le paiement de la taxe-bleue à 100%. Il a ajouté : « Nous payons le prix du fioul et les taxes qui lui sont appliquées deux fois. Cela avait été réduit après la récente agression sur Gaza, mais ils l’ont désormais réinstauré. »

Sheikh Khalil a exigé l’annulation complète de la taxe-bleue, expliquant qu’une telle mesure peut être décidée par le gouvernement de Ramallah dès aujourd’hui, considérant le fait que la crise de l’électricité de Gaza est essentiellement politique.

« Quand nous avons une subvention pour l’achat de carburant, le gouvernement unifié impose la valeur maximale de la taxe-bleue. Par exemple, les 10 millions de dollars du Qatar versés pour le mois de janvier 2015, ont été alloués sur la base qu’ils permettraient de faire fonctionner la centrale pendant un mois. Toutefois, à cause de cette taxe, la centrale n’a pu produire l’électricité que pendant deux semaines » ajouta-t-il.

La crise de l’électricité s’est durcie en juillet 2013, quand les autorités égyptiennes ont décidé de détruire les tunnels à sa frontière avec la zone Sud de la bande de Gaza. Le fioul était acheminé par ces tunnels pour alimenter la centrale électrique, à bas prix - environ 1,50 shekels (0,30$) le litre.

Selon un rapport de l’APE dont Al-Monitor possède une copie, la proposition de programme de fourniture d’électricité pour atteindre 8 heures de fonctionnement par jour - la meilleure proposition de programme de l’APE depuis que les avions de guerrre israéliens ont bombardé la centrale électrique en juin 2006 - nécessite le fonctionnement de deux générateurs, soit 300 000 litres de fioul chaque jour.

Cependant, à cause du prix élevé du fioul, la quantité approvisionnée est insuffisante et limite le bon fonctionnement de la centrale, le nombre d’heures n’atteignant souvent que six heures par jour, et quelquefois seulement quatre.

Dans ce contexte, le président de l’APE Omar Kettaneh a informé Al-Monitor par téléphone depuis Ramallah que l’APE réclame l’annulation de la taxe bleue sur la bande de Gaza, mais qu’en parallèle, l’organisation connait les limites du gouvernement ainsi que les pertes qu’il a endurées. Il a expliqué que cette annulation requière l’accord de 24 ministres, et que certains ne cessent de s’y opposer.

De façon générale, Kettaneh a souligné que tous les problèmes qui subsistent, dont celui sur la taxe bleue, sont dus au conflit politique entre la Cisjordanie et la bande de Gaza. « Le fait que le gouvernement unifié de Ramallah n’ait pas le pouvoir d’intervenir pleinement à Gaza fait obstacle à la résolution de nombreux problèmes, comme la crise de l’électricité, » a-t-il expliqué.

* Asma al-Ghoul est journaliste et écrivain, du camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

De la même auteure :

- Ecrire ou ne pas écrire, telle est la question qui préoccupe les journalistes palestiniens - 13 février 2015
- Gaza après la guerre : mariages arrangés contre aides financières - 21 janvier 2015
- Les universités de la bande de Gaza connaissent une grave crise financière - 11 janvier 2015
- Société gazaouie au lendemain de la guerre : individualisme et éclatement familial - 15 décembre 2014
- 3500 palestiniens bloqués à l’extérieur de Gaza après le bouclage du point de passage de Rafah - 29 novembre 2014
- L’après-guerre : les habitants de Gaza font face à de terribles difficultés - 25 octobre 2014
- A Gaza, le café est un rituel de chagrin et de créativité - 3 octobre 2014

11 février 2015 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Vénus


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.