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Cadenassés, les Palestiniens de Gaza craignent le pire

jeudi 19 septembre 2013 - 07h:14

Haidar Eid

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On a largement rapporté que l’Autorité palestinienne (AP), dépourvue de mandat en Cisjordanie, a succombé à la pression de l’administration US insistant pour un retour aux négociations.

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Que ce soit aux frontières ou aux aéroports, les Palestiniens sont systématiquement harcelés par la police ou l’armée égyptiennes - Photo : Reuters

Toutefois, on a peu parlé de la contrepartie de l’AP à Gaza. Pareillement dépourvu de mandat, Hamas ressent la pression de la tourmente politique égyptienne qui l’a privé de ce que certains considéraient comme un allié avec le gouvernement des Frères Musulmans.

Mais on a encore moins parlé des Palestiniens ordinaires, femmes, hommes et enfants piégés dans Gaza dont tous les liens vers le monde extérieur sont effectivement bouchés. Pire, les Gazaouis sont devenus la cible d’une campagne de diabolisation d’un niveau jamais atteint dans le passé contemporain de l’Égypte, culminant dans « l’accusation » répandue que l’ancien président Mohamed Morsi serait un Palestinien. Mais comment en est-on venu là ?

La politique du régime de Moubarak envers Gaza était généralement répressive. Il participait au siège draconien de l’enclave par Israël en cours depuis 2006. Les Gazaouis ne peuvent pas oublier la vision de l’ancien Ministre des affaires étrangères Ahmed Aboul Gheit aux côtés de sa contrepartie israélienne Tzipi Livni quand, lors d’une visite au Caire, elle déclara la guerre à la bande de Gaza en 2008.

Nouvel espoir avec l’élection de Morsi

Le pouvoir transitoire du Conseil suprême des Forces armées (SCAF) qui prit le pouvoir après la chute de Moubarak ne leva pas le siège de Gaza ni ne changea la politique égyptienne à son égard. Quand Morsi fut élu, beaucoup de Palestiniens eurent de grands espoirs qu’un président élu démocratiquement mettrait fin au blocus de la bande de Gaza et reconsidérerait les accords de camp David.

Pourtant une fois au pouvoir, il devint apparent que les Frères musulmans n’avaient pas de vision politique claire. Sur le front intérieur, ils échouèrent à faire des progrès mêmes limités dans la réalisation des demandes de la révolution du 25 janvier. L’économie s’effondra presque et l’insécurité empira. Des groupes islamistes radicaux Takfiri s’installèrent dans le Sinaï et Israël semble aller et venir librement dans cette zone.

Les slogans des Frères contre Israël et les États-Unis disparurent après leur arrivée au pouvoir et ils adoptèrent à la place une position bien à la droite du spectre politique, avec un engagement pour les accords internationaux, une relation spéciale avec les États-Unis et des prêts du Fonds monétaire international.

Quant à Israël, Morsi envoya une lettre très amicale au président Shimon Peres le décrivant comme un « cher et grand ami » et exprimant son « désir fort de maintenir et de renforcer les relations cordiales” - ceci tandis que presque tous les tunnels de Gaza étaient en cours de fermeture et que le passage de Rafah fonctionnait à une vitesse d’escargot.

La présidence de Morsi s’attribua le mérite d’avoir négocié un accord de cessez-le-feu pour finir le court et violent conflit entre Israël et les factions palestiniennes en novembre 2012, qui tua plus de 160 Palestiniens, surtout des civils. Mais elle fit grâce à Israël de ses engagements, qui incluaient la levée du blocus de Gaza. La direction palestinienne de Gaza fut amèrement déçue parce qu’elle pensait avoir tenu ses positions avec succès contre l’attaque israélienne et en espérait des gains politiques en retour.

Politique inchangée

A la place, Morsi profita de son rôle de médiateur « victorieux » pour pousser ses objectifs. Tout juste trois jours après la fin de la guerre sur Gaza, il publia sa fameuse Déclaration constitutionnelle lui donnant des pouvoirs sans précédents dans l’histoire égyptienne moderne.

En bref, les Frères continuèrent la politique de Moubarak vis-à-vis de la cause palestinienne et spécialement vis-à-vis de Gaza. Ils n’osèrent jamais remettre en question ce que les organisations des droits humains et les Nations unies ont qualifié de punition collective, malgré que ceci ait lieu à la frontière de l’Égypte.

Le régime militaire égyptien au pouvoir depuis le 3 juillet diabolise maintenant tout ce qui est palestinien. La bande de Gaza fait face à un blocus bien plus dur qui affecte tous les passages, et à la destruction des tunnels. Une campagne incitative sans précédent a cours dans plusieurs médias égyptiens, particulièrement ceux qui sont financés par les hommes d’affaires affiliés avec le régime Moubarak et avec des pays du golfe hostiles à la révolution du 25 janvier. Les Palestiniens sont régulièrement réprouvés sur les télés égyptiennes.

Dans les médias arabes, certains commentateurs disent leur joie à propos du sort qui attend les Palestiniens de Gaza tandis que d’autres affirment que Hamas se mêle des affaires internes égyptiennes et appellent l’armée égyptienne à lancer une attaque militaire contre la bande de Gaza.

Diabolisation des Palestiniens

Les Palestiniens, étant le lien le plus faible de la chaîne arabe, sont à nouveau devenus la cible du complexe sécuritaire des autorités égyptiennes. Ils sont régulièrement brimés et déportés aux aéroports égyptiens et aux points de passage, même s’ils transitent simplement depuis et vers Gaza.
Cette campagne chauvine tenant Gaza pour responsable de la plupart des maux de l’Égypte - des pénuries en carburant au terrorisme dans le Sinaï - sert les restes (feloul) du régime Moubarak, qui sont maintenant en pleine réapparition.

Aucune preuve n’a été trouvée d’une implication palestinienne en Égypte, y compris au Sinaï. Même s’il y en a eu, la punition collective que les autorités égyptiennes appliquent aux Palestiniens de Gaza viole le droit international. Notez que l’Égypte n’a jamais imposé aucune restriction aux Israéliens visitant l’Égypte malgré, par exemple, l’assassinat de cinq soldats égyptiens par un bombardement israélien en 2011.

Il ne fait pas de doute que le peuple égyptien dans son ensemble reste passionnément engagé pour la Palestine et pour son peuple, malgré tous les efforts des feloul. Plusieurs intellectuels et politiciens ont protesté publiquement contre la campagne médiatique qui vise le peuple palestinien.

Nous souhaitons une Égypte pluraliste et démocratique avec une pleine souveraineté sur son territoire, une Égypte honorant les principes pour lesquels tant ont donné leurs vies dans la révolution de 2011, et qui ne fait pas de ses frères palestiniens de Gaza des boucs émissaires.

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* Le Dr. Haidar Eid est un professeur associé aux Etudes Culturelles à l’université gazaouie d’Al-Aqsa. Il est au conseil d’administration de la Campagne Palestinienne pour le Boycott Académique et Culturel d’Israël, et analyste politique au Al-Shabaka : The Palestinian Policy Network

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- Sharpeville 1960, Gaza 2009 - 27 janvier 2009

17 septembre 2013 - Al-Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/indepth/op...
Traduction : JPB-CCIPPP


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