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Torturé dans les prisons de l’Autorité de Ramallah

mardi 7 mai 2013 - 08h:19

Linah Alsaafin

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Mohammed Ghannam, un père de 8 enfants, a perdu la capacité de parler après avoir passé 48 heures aux mains des Forces de sécurité préventive de l’Autorité palestinienne.

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Supplétifs de l’Autorité de Ramallah, coordonnés, financés et entraînés par les États-Unis, Israël et l’Union Européenne, ici déployés à l’occasion de la visite d’Hillary Clinton à Ramallah en novembre 2012 - Photo : Reuters/Mohamad Torokman

Ghannam, 43 ans, qui travaille comme muezzin (crieur responsable des appels à la prière) pour le ministère des affaires religieuses, avait déjà été arrêté à trois reprises par l’occupation israélienne et à deux reprises par l’Autorité palestinienne (AP). La deuxième fois qu’il a été arrêté par l’AP, il a été libéré après deux semaines, avant d’être de nouveau arrêté le même jour par l’armée israélienne, qui l’a condamné à 25 mois d’emprisonnement à cause de son appartenance politique. Il a été libéré en octobre 2012.

S’adressant à Al-Monitor par téléphone depuis le village de Tarama près d’Hébron, le frère de Ghannam (qui a refusé de donner son nom à l’entrevue, par peur d’être kidnappé par Israël ou par l’Autorité palestinienne) a raconté que les forces de sécurité préventive l’avaient appelé le samedi matin 27 avril, pour lui dire que Mohammed était en état d’arrestation, sans donner une raison à cela, mais sans doute parce qu’il aurait été lié au Hamas.

Ils sont venus une demi-heure plus tard sur le lieu de travail de Mohammed Ghannam et l’ont transféré directement dans les bureaux de la sécurité préventive dont le siège se trouve à Hébron. Le frère de Mohammed a tenté de lui faire parvenir des vêtements, mais les officiers ont refusé de le laisser voir son frère.

Mohammed a ensuite raconté par écrit ce qui s’est passé. Après son transfert au siège des services de sécurité à Hébron, cinq officiers l’ont entouré, l’un d’eux se présentant comme l’interrogateur en chef. Les cinq hommes auraient commencé à battre Mohammed sévèrement sur son cou, la poitrine et le dos, et l’interrogateur en chef aurait cogné la tête de Mohammed au moins cinq fois sur le mur de béton, avant qu’il ne perde conscience.

Il a été emmené à l’hôpital Alia vers minuit, et enregistré sous le nom de « détenu » dans les dossiers de l’hôpital. Après une demi-heure, il a été ramené en prison.

Dans sa déclaration écrite au Centre palestinien pour les droits de l’homme, Mohammed déclare : « Le lendemain matin, j’ai réalisé que j’avais des difficultés à parler. Suite à cela, ils m’ont emmené à l’hôpital. J’ai essayé de décrire aux médecins ce qui s’était passé pour moi en écrivant sur une feuille de papier, mais ils ont refusé [de lire] et m’ont demandé de parler. Ils ont effectué certains tests médicaux et m’ont renvoyé à la prison ».

Mohammed a été libéré dimanche après-midi. Son frère est allé le chercher, et a été informé par l’officier en charge que Mohammed souffrait de séquelles de blessures subies dans le passé lorsqu’il jouait au football.

« Mohammed n’a pas joué au football depuis 15 ans », dit son frère. « Il avait l’habitude de jouer pour des clubs locaux, mais nous savions que sa perte de la parole était le résultat de la torture pratiquée par les forces de sécurité. »

La famille Ghannam a emmené Mohammed chez le neurologue Emad Talahma, qui les a informés que l’état de Mohammed pouvait être diagnostiqué comme une épilepsie partielle.

Suhaila, l’épouse de Mohammed, a déclaré à Al-Monitor que l’hôpital a refusé de leur transmettre ses dossiers médicaux et les Forces de sécurité préventive ont interdit aux médias de communiquer avec Mohammed, alors qu’il était dans la chambre d’hôpital.

« Nous avons décidé que ce serait mieux si mon mari se rétablissait à la maison, entouré de sa famille », a déclaré Suhaila. « Quand il est allé prendre une douche, nous avons vu tout son dos et sa poitrine complètement meurtris et bleus de coups. »

La famille Ghannam a décidé de poursuivre en justice le renseignement militaire de l’AP à travers le groupe Addameer.

« Ce n’est pas quelque chose qui doit rester ignoré », a déclaré Suhaila. « Nous sommes prêts à entrer dans une bataille juridique avec les parties responsables pour les obliger à rendre compte. »

Les Palestine Papers, des milliers de documents du Département d’Etat américain publiés par Wikileaks en janvier 2011, ont révélé que le gouvernement britannique jouait un rôle important dans l’équipement, la formation et le financement des services de sécurité de l’Autorité palestinienne. L’Organisation arabe pour les droits de l’homme, basée à Londres, a publié un rapport en décembre 2012 qui montre que, entre les années 2007 et 2011, plus de 13 000 Palestiniens ont été arrêtés par l’Autorité palestinienne, 96% d’entre eux subissant la torture. Parmi eux, six Palestiniens sont morts.

Musa Abu Dheim, un avocat de la Commission indépendante des droits de l’homme (CIDH) a déclaré que la torture dans les prisons de l’AP est une pratique courante depuis la création de l’Autorité palestinienne et s’est intensifiée après la cassure entre le Hamas et le Fatah en 2007.

À la suite des réactions de la société civile, « Il y a eu une baisse dans les cas de torture, mais elle est toujours présente et pratiquée par les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie et par le Hamas à Gaza », ajoute-t-il. « La principale raison de son maintien est dû à l’absence de procédures obligeant à rendre compte, même si la loi palestinienne stipule clairement que perpétrer des actes de torture doit être puni, et que la torture est illégale. »

Abu Dheim souligne que le ministère public est l’une des parties responsables et tenue de rendre des comptes, en plus des partis palestiniens à cause de leur position sur la question.

« La torture pratiquée aujourd’hui est surtout le fait d’individus, et n’est pas une politique systématique », a-t-il ajouté. « Il y a aussi un manque de sensibilisation sur ce qu’est la torture. À leur avis, si un détenu ne meurt pas, alors ces pratiques ne peuvent être considérées comme de la torture, même avec d’autres mauvais traitements imposés, tels que la privation de sommeil et les positions douloureuses, par exemple. »

Lorsqu’on l’interroge sur les détenus qui exigent réparation en justice après leur libération, Abu Dheim déclare que ce n’est pas une pratique courante, car les rapports médicaux qui indiquent qu’un détenu a été torturé sont difficiles à obtenir auprès des hôpitaux publics.

Quant à Mohammed, sa famille prie pour que son état soit temporaire et pour qu’il retrouve bientôt la capacité de parler.

* Linah Alsaafin, diplômée de l’université de Birzeit en Cisjordanie est née à Cardiff au pays de Galles et a été élevée en Angleterre, aux USA et en Palestine. Jeune palestinienne de 21 ans, à la fois de Gaza et de Cisjordanie, elle est active dans la résistance populaire non armée et blogueuse pour The Electronic Intifada.
Son site est : http://lifeonbirzeitcampus.blogspot.fr/

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2 mai 2013 – Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-palestine.eu - Naguib


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