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Pourquoi la « Journée des réfugiés » d’Israël est un écran de fumée pour refuser les droits des Palestiniens

lundi 8 octobre 2012 - 06h:50

Jonathan Cook - E. I.

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Pour la première fois dans son histoire, Israël cherche à assimiler les millions de Palestiniens des camps de réfugiés du Moyen-Orient aux millions de citoyens israéliens descendant des juifs qui, avant l’établissement d’Israël en 1948, vivaient dans les pays arabes.

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La prévenance d’Israël à l’égard des juifs arabes est vraiment une tentative pour saper les droits des réfugiés palestiniens.
(Abed Rahim Khatib/APA Images)




Dans l’ombre de la théâtralité du Premier ministre, Benjamin Netanyahu aux Nations-Unies, armé de sa bombe iranienne de dessin animé, les autorités israéliennes ont lancé une initiative, plus discrète mais aussi plus combative, pour étouffer quelque espoir qui survivrait d’une relance du processus de paix.

Pour la première fois dans son histoire, Israël cherche à assimiler les millions de Palestiniens des camps de réfugiés du Moyen-Orient aux millions de citoyens israéliens descendant des juifs qui, avant l’établissement d’Israël en 1948, vivaient dans les pays arabes.

Selon le vice-ministre des Affaires étrangères israéliens, Danny Ayalon, dont les parents étaient originaires d’Iraq et qui a dirigé la campagne du gouvernement, près d’un million de juifs ont fui des pays comme l’Iraq, l’Égypte, le Maroc et le Yémen (Israël exige une indemnisation pour les juifs qui ont fui les pays arabes - Globes, 23 septembre 2012).

Ce chiffre dépasse celui généralement admis des 750 000 réfugiés palestiniens, déracinés durant la Nakba (catastrophe), la vague de nettoyage ethnique qui a conduit à la fondation d’Israël en 1948.

Un objectif transparent

L’objectif d’Israël est transparent : il espère pouvoir persuader la communauté internationale que la souffrance des réfugiés palestiniens est en fait neutralisée par ce qu’ont éprouvé les « réfugiés juifs ». Si rien n’a pu être fait pour les juifs arabes tant d’années après, alors les Palestiniens devraient s’attendre à ce qu’il n’y ait pour eux aucune restitution.

Au cours des semaines passées, cela a été le message implicite de la campagne dans les médias sociaux, appelée « Je suis un réfugié », avec des vidéos YouTube dans lesquelles des juifs disent avoir été terrorisés alors qu’ils vivaient dans des États arabes après 1948. Ayalon a même annoncé des projets pour une nouvelle journée de commémoration nationale, la Journée des réfugiés juifs.

Le ministère des Affaires étrangères israélien et des organisations juives des États-Unis ont récemment lancé l’initiative officiellement, organisant une conférence à New York quelques jours avant les sessions d’ouverture de l’Assemblée générale. Le choix de l’arène par Israël - les Nations-Unies - n’est pas fortuit. La campagne visait surtout à étouffer l’initiative annoncée par le Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, dans son discours à l’Assemblée générale d’engager une démarche pour un statut onusien pour la Palestine en tant qu’État non-membre.

Après que l’opposition des États-Unis ait contraint l’Autorité palestinienne à abandonner sa candidature à un État au Conseil de sécurité des Nations-Unies l’an dernier, Abbas s’attendait à ce que sa nouvelle requête soit repoussée jusqu’en novembre, après la campagne des présidentielles U.S. pour éviter d’embarrasser le Président Barack Obama.

Cynique

L’initiative d’Abbas a poussé Israël à prendre l’offensive.
Quiconque douterait que la préoccupation du gouvernement israélien pour les juifs arabes est profondément cynique n’a qu’à retracer la provenance de la campagne. Elle a été envisagée pour la première fois en 2009, quand Netanyahu a été obligé - sous la pression d’Obama -de prononcer un discours de soutien à un État palestinien. Immédiatement après, Netanyahu a demandé à son Conseil de la Sécurité nationale, dont c’est le rôle de mesurer les menaces stratégiques posées par les Palestiniens, d’examiner les points forts prenant fait et cause pour les juifs arabes dans les forums internationaux.

L’avis du CSN est que les juifs arabes, connus en Israël sous le nom de Mizrahim et constituant une petite majorité de la population juive totale, doivent être une question centrale dans le processus de paix. Comme Israël le sait, cela crée un obstacle permanent à un accord.

Le CSN a proposé des demandes impossibles : une contribution de tous les États arabes avant un accord de paix avec les Palestiniens peut être obtenue ; un découplage du statut de réfugiés et du droit au retour ; et le droit pour les juifs arabes à une indemnisation plus élevée que pour les réfugiés palestiniens, se fondant sur leur richesse plus grande.
Israël travaille sur d’autres fronts aussi pour saper le cas des réfugiés palestiniens. Ses lobbyistes américains demandent à ce que l’UNRWA, l’agence des Nations-Unies pour les réfugiés de Palestine, soit démantelée.

Une pression bipartite est en train de monter au Congrès U.S. pour compter comme réfugiés seulement les Palestiniens qui ont été personnellement déplacés de leurs foyers en 1948, dépouillant des millions de descendants de leur statut. Tandis qu’une autre initiative législative - et apparemment contradictoire - insiste pour qu’il soit accordé aux juifs arabes le même statut de réfugiés que pour les Palestiniens.

Les Palestiniens sont profondément opposés à tout lien entre juifs arabes et réfugiés palestiniens. Ils font valoir particulièrement qu’ils ne peuvent être tenus responsables de ce qu’il s’est passé dans les autres pays. La justice pour les réfugiés palestiniens est totalement distincte de celle pour les juifs arabes.

En outre, un grand nombre, si ce n’est la plupart, des juifs arabes ont quitté leur pays volontairement, contrairement aux Palestiniens, pour commencer une nouvelle vie en Israël. Même là où des tensions ont conduit les juifs à fuir, comme en Iraq, il est difficile de savoir qui se trouvait toujours derrière le conflit ethnique. Il existe des preuves solides que l’agence d’espionnage Mossad d’Israël a mené des opérations camouflées dans des États arabes pour alimenter la peur et l’hostilité nécessaires pour conduire les juifs arabes vers Israël.

Un embrochage des mythes sionistes

De même, la revendication d’Israël du droit de représenter les juifs arabes collectivement et sa prétention à être indemnisé en leur nom ignore la réalité qu’Israël a été grassement indemnisé pour l’absorption des juifs, à la fois par des réparations massives d’après-guerre par des pays, telle que l’Allemagne, et par les milliards de dollars de subventions en provenance des États-Unis.

Mais il y a une raison encore plus fondamentale d’être sceptique à propos de cette campagne. La classification des juifs arabes comme « réfugiés » embroche le principal motif avancé par les sionistes pour la création d’Israël : que c’est la patrie naturelle pour tous les juifs, et le seul endroit où ils peuvent être en sécurité. Comme un ancien parlementaire israélien, Ran Hacohen, l’a fait un jour observé : « Je suis venu sur l’ordre du sionisme, en raison de l’attrait que cette terre exerce, et de l’idée de rédemption. Personne ne va me définir comme réfugié ».

Le gouvernement de Netanyahu met en avant un argument profondément antisioniste, un argument qu’il a été forcé d’adopter à cause de sa propre intransigeance dans le processus de paix.

Son refus d’admettre un petit État palestinien dans les limites de 1967 signifie que la communauté mondiale se sent obligée de réexaminer les évènements de 1948. Pour la plupart des juifs arabes, cette période est maintenant close. Pour la plupart des réfugiés palestiniens, c’est toujours une plaie ouverte.

* Jonathan Cook a remporté le prix spécial de journalisme Martha Gellhorn. Ses derniers livres sont “Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the Plan to Remake the Middle East” (Pluto Press) et “Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair” (Zed Books). Voici l’adresse de son site : http://www.jkcook.net.

Du même auteur :

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Nazareth, le 5 octobre 2012 - The Electronic Intifada - traduction : Info-Palestine/JPP


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