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Wikileaks et le nouvel ordre mondial

mercredi 8 décembre 2010 - 06h:44

Jonathan Cook

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Le signal d’alarme est tiré pour les USA

La publication cette semaine par Wikileaks des télégrammes confidentiels envoyés par les ambassades étasuniennes a été discutée principalement eu égard aux dégâts que ces documents ont causés à la réputation de Washington ou aux questions qu’elle soulève en matière de sécurité nationale et de liberté de la presse.

Grands titres mis à part, la plupart des renseignements tirés jusqu’ici des 250 000 documents ne sont guère bouleversants même s’ils contrastent souvent fortement avec l’image officielle étasunienne du policier mondial bienveillant qui s’efforce de maintenir l’ordre dans une foule d’exécutants souvent indisciplinés.
Est Il vraiment surprenant que les officiels étasuniens aient essayé d’espionner les hauts fonctionnaires des Nations unies et en fait à peu près tous les autres ? Ou qu’ Israël ait fait des pressions énergiques pour que des actions militaires soient entreprises contre l’Iran ? Ou même que l’Arabie Saoudite se sente menacée par une bombe nucléaire iranienne ? Tout cela, on le savait déjà ; les fuites ont simplement fourni une confirmation officielle.

Les nouvelles révélations nous donnent toutefois un bon aperçu - capté dans la banalité même de la correspondance diplomatique - sur la manière dont Washington envisage son rôle dans le monde , chose beaucoup moins apparente dans les révélations précédentes de Wikileaks sur les guerres étasuniennes en Afghanistan et en Irak.

Dans les cancans et les analyses renvoyées à Washington, on voit que pour beaucoup de représentants étasuniens en poste à l’étranger la politique étrangère étasunienne est inefficace et souvent contre-productive.

Une fois de plus, la nation la plus puissante du monde se montre plus que capable de peser brutalement de tout son poids ; toutefois, une résignation cynique transparaît dans nombre de télégrammes, laissant entendre que même le chien dominant doit reconnaître ses limites.

Ceci ressort de la façon la plus manifeste dans les messages envoyés par l’ambassade US au Pakistan montrant que les officiels étasuniens se rendent compte de l’insensibilité de ce pays à leurs machinations et du risque de le voir tomber entièrement hors de la zone d’influence de Washington.

Les télégrammes envoyés de Tel-Aviv reflètent un fatalisme similaire. La possibilité qu’ Israël fasse cavalier seul pour attaquer l’Iran est envisagée comme si c’était une éventualité que Washington n’a aucun espoir de prévenir. Les largesses étasuniennes à hauteur de milliards de dollars en assistance et en aide militaire à Israël ne semblent leur conférer aucune influence par rapport aux politiques de leur allié.

Le même sentiment d’impuissance étasunienne ressort de l’épisode Wikileaks d’une autre manière. Autrefois, à l’époque où il n’y avait pas de communications numériques, le dénonciateur pouvait aspirer au maximum à dévoiler des documents secrets limités au domaine auquel il a un accès privilégié. Même alors, l’affaire pouvait être étouffée et elle n’avait pas d’ effets durables.

Il apparaît toutefois maintenant que le système USA de communications officielles court le risque d’ être presque entièrement dévoilé. Et quiconque possède un ordinateur, dispose d’ un registre permanent de preuves faciles à diffuser.

L’impression d’un monde échappant au contrôle des USA est devenue un thème qui touche toutes nos vies depuis 10 ans.

Les USA ont inventé et exporté la déréglementation financière en promettant que ce serait la quintessence du nouveau capitalisme qui allait offrir au monde le salut économique. Il en est résulté une crise bancaire qui menace maintenant de renverser les gouvernements européens mêmes qui sont les alliés les plus proches de Washington.

À mesure que la contagion des créances douteuses se répand dans le système, nous allons probablement assister à la déstabilisation croissante de l’ordre de Washington dans le monde.

En même temps, les invasions militaires US au Moyen-Orient poussent jusqu’au point de rupture ses possibilités financières et militaires, illustrant pour un public moderne le problème des excès impériaux. Ici aussi, le soulèvement offre des possibilités considérables à ceux qui veulent contester l’ordre actuel.

Et puis, il y a la crise la plus importante que confronte Washington, à savoir une catastrophe environnementale progressive causée principalement par la même course à la domination économique mondiale ayant dérapé dans le désastre bancaire.

Ce problème se pose à une échelle qui stupéfie la plupart des scientifiques et dont le public commence à se rendre compte même s’il est à peine reconnu au-delà des platitudes émanant des officiels US.

La débâcle écologique touchera non seulement les ours polaires et les tribus vivant sur des îles. Elle changera de manière imprévisible la manière dont nous vivons - si tant est que nous sommes en vie.

Ce qui est en jeu ici est une série de forces globales que les USA, dans leur orgueil, pensaient pouvoir dompter et dominer dans leur propre intérêt cynique. Au début des années 90, cette arrogance s’est manifestée dans la proclamation de la « fin de l’histoire » : les problèmes mondiaux étaient sur le point d’ être résolus par le capitalisme d’entreprise sponsorisé par les USA.

Les nouvelles révélations de Wikileaks contribueront à entamer ces présomptions. Si un petit groupe de militants peut embarrasser la nation la plus puissante du monde, que dire des ressources mondiales limitées et des lois de la nature dont la leçon sera beaucoup plus rude

Jonathan Cook est écrivain et journaliste, basé à Nazareth, Israël. Il est membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine dont une prochaine session se tiendra à Londres les 20, 21 et 22 novembre 2010.

Ses derniers livres sont : Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the Plan to Remake the Middle East (Pluto Press) et Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair (Zed Books)

Son site : http://www.jkcook.net
Son courriel : jcook@thenational.ae

Du même auteur :

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30 novembre 2010 - Cet article peut être consulté ici :
http://www.jkcook.net/Articles3/053...
Traduction : Anne-Marie Goossens


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