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10 janvier 2009 : le cas de Wafa al-Radea

dimanche 26 février 2012 - 07h:49

PCHR Gaza

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« J’étais blessée lorsque j’ai quitté mes enfants, mais je marchais et je ne laissais rien apparaître devant eux. Le moment le plus difficile reste sans doute le jour où je suis retournée à la maison avec une seule jambe. J’étais une nouvelle Wafa, différente de celle que j’étais. J’étais supposée être heureuse à mon retour ainsi que les gens autour de moi, mais tout le monde pleurait. »

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Sur la photo : Wafa al-Radea, 39 ans avec son fils Iyad, 3 ans

En ce 10 janvier 2009, vers 16h30, Wafa al-Radea, âgée de 39 ans était en compagnie de sa s ?ur Ghada, de 32 ans, le long de l’avenue Haboub, l’une des principales rues de Beit Lahiya lorsqu’elles ont été frappées par deux missiles d’un drone israélien. Profitant d’une heure de cessez-le-feu annoncée par Israël, les s ?urs étaient en route pour la clinique car Wafa se sentait sur le point d’accoucher. Les deux femmes ont été grièvement blessées suite à l’attaque.

En évoquant le moment qui a suivi la frappe, Wafa se souvient : « Les gens se sont accourus pour nous apporter de l’aide, je pouvais les entendre parler mais ne parvenais pas à répondre. Ils ont cru que j’étais morte. En effet, les personnes présentent ont couvert Wafa, comme ont couvre les morts, quand elle a été évacuée à l’hôpital, souffrant de plusieurs blessures au niveau des jambes.

Une ambulance a fini par la transporter à l’hôpital où les médecins avaient décidé de procéder à une césarienne pour tenter de sauver le bébé. Et c’est seulement au cours de l’opération que les médecins s’étaient rendus compte que la patiente était toujours vivante. Le bébé Iyad né, les médecins se sont ensuite retournés vers les blessures de Wafa en commençant par lui amputer la jambe droite, puis en tentant de soigner les autres blessures.

Le 12 janvier, les deux s ?urs ont été transférées dans un hôpital en Egypte pour un traitement médical intensifié. Wafa a subi une série d’opérations pendant 3 mois (soit jusqu’à la fin du mois d’avril), puis trois autres mois de rééducation. Ce n’est que le 29 juin 2009 que Wafa a pu retourner à Gaza, sa s ?ur Ghada était rentrée deux jours avant, le 27 juin 2009.

Wafa se souvient comme si c’était hier des mois passés en Egypte. Elle révèle : « Je me souviens très bien des douleurs insupportables au moment où les infirmières devaient me changer les pansements. Cette opération durait chaque fois entre 5 et 6 heures. J’ai également subi plusieurs chirurgies. Une fois, alors qu’on venait de me transplanter la peau de ma cuisse gauche sur la partie inférieure de ma jambe, les infirmières ont, au moment du nettoyage de la plaie enlevé par erreur les cellules greffées. On a dû m’opérer une nouvelle fois pour la même intervention, mais cette fois, en utilisant la peau de mes bras. Ce jour-là, mon frère était présent mais ne pouvait pas supporter mes cris de douleur et la scène de souffrance, il a perdu connaissance et a eu des saignements du nez. J’étais de très mauvaise humeur après l’opération et courroucée contre tout le monde. »

En effet, Walid, le frère de Wafa âgé de 25 ans était le seul membre de la famille au chevet de sa s ?ur durant tout son séjour en Egypte. Elle confie : « Je n’ai pas vu les autres membres de ma famille restés à Gaza. En fait, le voyage n’était pas simple, et ils ne pouvaient se permettre les coûts des déplacements, sans oublier la garde des enfants ».
 
Wafa est mère de 8 enfants : Ehab, 20 ans, Lina, 19 ans, Hani, 17 ans, Shourouq, 15 ans, Mo’taz, 13 ans, Saher, 12 ans, Jehad, 9 ans et Iyad, 3 ans. Pendant sa période de traitement en Egypte, Wafa avait choisi de réduire ses contacts avec ses enfants et explique : « J’ai refusé d’avoir mes enfants au téléphone pendant les 3 premiers mois de mon hospitalisation. Je ne pouvais pas parler. Les pauvres ont dû attendre 6 mois et ils étaient curieux de savoir ce qui m’était arrivé ».

« J’étais blessée lorsque j’ai quitté mes enfants, mais je marchais et je ne laissais rien apparaître devant eux. Le moment le plus difficile reste sans doute le jour où je suis retournée à la maison avec une seule jambe. J’étais une nouvelle Wafa, différente de celle que j’étais. J’étais supposée être heureuse à mon retour ainsi que les gens autour de moi, mais tout le monde pleurait. »

Elle poursuit : « J’ai remarqué que mes enfants guettaient mes moindres mouvements. Jehad par exemple me suivait des yeux et scrutait mes déplacements vers le salon et comment je m’asseyais. Il refusait de sortir jouer avec les enfants préférant rester avec moi à la maison. La situation de mes enfants m’affecte énormément, surtout quand je vois qu’ils sont toujours prêts à m’aider dans chacun de mes mouvements ».

Durant l’absence de Wafa en Egypte, ce sont ses filles aînées Lina, 19 ans et Shourouq 16 ans, qui se sont occupées de leur frère Iyad. A ce titre, Wafa raconte : « Les filles gardaient leur jeune frère à tour de rôle. L’une d’elle va à l’école le matin, laissant sa s ?ur avec l’autre, et l’après-midi, c’est le tour de la seconde. Quand je suis retournée à la maison, ils ont posé Iyad sur mon genou. Je pensais que c’était mon neveu tellement il était blond et beau. Je ne pouvais pas imaginer que c’était mon fils, d’ailleurs j’avais demandé à ce qu’on m’apporte Iyad et c’est là qu’ils m’ont dit qu’il était sur mon genou ».

En effet, Wafa puise son énergie dans la présence de ses enfants autour d’elle. Elle reconnaît : « Je suis très reconnaissante et heureuse d’avoir mes enfants. Ils sont aux petits soins avec moi et m’aident à maintenir un bon moral. Même quand je suis triste, je finis par sourire quand ils m’entourent. Je veux seulement qu’ils sentent que je suis heureuse d’être parmi eux ».

Ceci dit, Wafa ne parvient pas à accepter le fait d’être assistée par ses enfants. Elle confie : « J’ai toujours été celle qui aide les enfants. Avant, j’allais à l’école pour les contrôler, je partais faire mes emplettes. A présent, si je dois sortir, je dois partir en voiture, et si je dois bouger à la maison, je dois utiliser un fauteuil roulant. J’utilise également des marcheurs et des fois, Iyad demande à prendre ma main que je ne peux donner de peur de tomber, mes deux mains doivent être sur les marcheurs ».

Outre les soins prodigués en Egypte, Wafa a, pendant une année, suivi des séances de physiothérapie à Gaza pour son dos, son bassin et sa jambe gauche. Quant à la jambe amputée, Wafa n’a pas réussi à obtenir une prothèse malgré les tentatives répétées dans ce sens. Au sujet de sa jambe gauche, toujours sous traitement, Wafa raconte : « L’état de ma jambe s’améliore mais je dois quand même partir à l’hôpital de temps en temps, surtout si j’ai une inflammation. Le mois dernier, j’ai été admise à l’hôpital pendant 6 jours. J’avoue que c’est en hiver que mes douleurs s’accentuent surtout au niveau du bassin, du dos, de l’abdomen et des jambes ».
 
Aujourd’hui, Wafa vit encore avec les séquelles du passé. Toutefois, elle tente de se projeter vers l’avenir « Je souhaite que la vie de nos enfants dans l’avenir sera différente de la notre et qu’ils ne témoignent jamais des horreurs qui empoisonnent notre quotidien. Mes enfants ont été traumatisés par la guerre et appréhendent à chaque instant le retour des hostilités et me demandent fréquemment s’il y aura une autre guerre qui tuera cette fois tout le monde », raconte-elle.

S’agissant du crime qui a touché les deux s ?urs, Wafa se sent frustrée à l’idée que toute la souffrance endurée reste impunie « Trois ans déjà depuis l’attaque israélienne et aucune réponse ne nous est parvenue. Je lance un appel à tous ceux qui ?uvrent pour les organisations des droits de l’homme et leur fait part de mon cas et de ce que je suis devenue. Hélas, il n’y a aucune suite ni action entreprise pour punir les agresseurs ».

En date du 7 octobre 2009, le PCHR a soumis aux autorités israéliennes une plainte pénale au nom de Wafa al-Radea. A ce jour, aucune réponse n’a été donnée.

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http://www.pchrgaza.org/portal/en/i...
Traduction : Info-Palestine.net - Niha


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