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Le cessez-le-feu ne signifie « rien » pour les pêcheurs de Gaza
jeudi 20 décembre 2012 - Eva Bartlett - IPS
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Mohammed Baker, 70 ans, a pêché pendant un demi-siècle. Il se souvient des jours où les pêcheurs palestiniens pouvaient sortir en mer sans être agressés, arrêtés ou tués.
Photo : Eva Bartlett/IPS



Le Centre palestinien pour les Droits de l’homme (PCHR) a rapporté que 14 pêcheurs, d’une même famille, qui stationnaient seulement à trois miles nautiques de la côté de la bande de Gaza, ont été arrêtés le 1er décembre.

Certains pêcheurs n’étaient qu’à deux miles de la côte gazaouie quand ils furent agressés par des tirs de mitrailleuses et arrêtés par la marine israélienne. Allant de 14 à 52 ans, la plupart en fin d’adolescence et proches des 20 ans, ces pêcheurs appartiennent aux familles les plus pauvres de Gaza.

Selon Mifleh Abu Riyala, représentant du Syndicat général des marins pêcheurs, le cessez-le-feu ne change rien pour les pêcheurs palestiniens.

Les Palestiniens sont autorisés, d’après le cessez-le-feu en cours Israël/Hamas, à « pêcher jusqu’à six milles de la côte », dit-il à IPS, « mais les canonnières israéliennes continuent de nous attaquer, que nous soyons à six ou à trois miles ».

Les Accords d’Oslo garantissaient aux pêcheurs palestiniens le droit de pêcher à vingt miles nautiques au large, un droit auquel la marine israélienne a mis son veto unilatéralement, réduisant les « limites » de pêche depuis les années quatre-vingt-dix à seulement trois miles, jusqu’à ce dernier cessez-le-feu de novembre qui accorde une légère amélioration, jusqu’à six miles nautiques.

« Sauf qu’il n’y a pas de poissons à six miles, le fond de la mer est partout sablonneux. Ce n’est qu’à partir de sept miles que le fond devient rocheux et que les poissons abondent » souligne Abu Riyala.

« C’est notre mer, pour vivre nous avons besoin d’y accéder ».

Mohammed Baker, 70 ans, a pêché pendant un demi-siècle. Il se souvient des jours où les pêcheurs palestiniens pouvaient sortir en mer sans être agressés, arrêtés ou tués par la marine israélienne.

Deux de ses fils, Amar, 34 ans, et Omar, 21 ans, sont parmi les 14 pêcheurs agressés par les canonnières israéliennes le 1er décembre. La marine israélienne n’a pas encore rendu leur « hassaka » (petit bateau de pêche).

Comme beaucoup de pêcheurs de Gaza ville, les Baker vivent dans le camp de la Plage, l’un des camps de réfugiés les plus surpeuplés de la Bande.

Amar, marié avec six enfants, était toujours retenu en détention par les autorités israéliennes le 5 décembre, quand son père, Mohammed, raconte à IPS ce qu’il s’est passé ce jour fatidique.

« Les canonnières des Israéliens et leurs petits zodiacs ont entouré la hassaka de mon fils, ils les ont faits se déshabiller, sauter dans la mer, et nager jusqu’à l’un de leurs bateaux », raconte Mohammed à IPS.

« Ils ont mis un sac sur la tête d’Amar et l’ont emmené à Ashdod. Amar a de l’asthme, je suis très inquiet pour sa santé  ». Mohammed n’a toujours pas pu parler avec son fils.

Quatre jours après l’enlèvement d’Amar, Mohammed est allé au Comité international de la Croix-Rouge, dont la mission inclut la visite et le suivi des prisonniers palestiniens et de leurs conditions de détention dans les prisons et centres de détention israéliens.

« Au Comité, ils m’ont dit qu’Amar avait l’interdiction de parler à quiconque. Il est soumis à des interrogatoires » dit Mohammed.

Amar est maintenant accusé de « faire partie de la résistance palestinienne », une accusation qui s’appuie sur son travail précédent qui consistait à faire du café et du thé pour les officiers du Hamas.

« Mon fils était "garçon de cuisine". Les gens qui travaillent pour le gouvernement sont toujours des civils  », souligne Mohammed, faisant référence aux principes du droit humanitaire international.

Privés de leur unique bateau et d’un membre de leur famille, les Baker se trouvent confrontés à des circonstances plus désespérées que jamais.

«  Il n’y a aucun cessez-le-feu pour les pêcheurs. Nous sommes des gens ordinaires, nous travaillons pour gagner seulement 30 ou 40 shekels (6 ou 8 €) par jour, pour nourrir nos familles », déplorent Mohammed.

Khadr Baker, 20 ans, a eu de la chance de ne pas être tué lors d’une démêlée avec la marine israélienne le 28 novembre, durant laquelle son bateau a été mitraillé et coulé comme punition pour avoir pêché à un peu plus de trois miles de la côte au large du camp de la Plage.

Son père, Jamal Baker, 50 ans, évoque avec IPS l’arrestation de Khadr, expliquant que les canonnières israéliennes avaient surgi sans prévenir et tiré à bout portant sur le petit bateau à moteur de Khadr.

« Les Israéliens ont ordonné aux quatre pêcheurs du hassaka de Khadr de se dévêtir et de sauter dans la mer, qui est extrêmement froide à cette époque de l’année  », dit Jamal à IPS.

« Ils ont laissé Khadr à l’eau pendant une demi-heure, tout en tirant à la mitrailleuse autour de lui  » dit Jamal. Le hassaka a finalement pris feu et explosé, coulant en peu de temps.

« Les Israéliens ont ensuite pris Khadr sur leur bateau, l’ont menotté alors qu’il était nu, ils l’ont frappé et interrogé pendant trois heures, l’accusant de travailler avec la résistance palestinienne  » raconte le père du garçon à IPS.

Sans son bateau, la famille de dix enfants n’a aucune ressource. « J’ai vendu mes filets pour pouvoir manger » dit Jamal simplement.

Le PCHR rapporte d’autres agressions contre les pêcheurs ce même jour : dans un cas, la marine a attaqué et enlevé cinq pêcheurs de la famille al-Hessi, endommageant – et finalement confisquant – le gros chalutier sur lequel ils naviguaient. Le bateau n’a toujours pas été rendu.

En février 2009, Rafiq Abu Riyala, alors âgé de 23 ans, a reçu une balle dans le dos – par un soldat israélien qui se tenait à moins de mètres de lui -, une balle dum-dum qui explose à l’impact (voir vidéo ci-dessous).

Le hassaka du pêcheur était à seulement deux miles de la côte de Gaza quand il a été agressé. Rafiq Abu Riyala est l’un des deux membres de la famille à pouvoir assurer la subsistance, mais il ne peut plus pêcher maintenant par temps froid. « Avec les éclats de la balle dans mon dos, la douleur est trop forte quand il fait froid » dit-il à IPS.

Seize personnes dépendent de Mahar Abu Amia, 40 ans, pour vivre. «  Mon épouse pêche aussi  » dit-il à IPS. « Mais nous n’avons aucune chance : nous arrivons à six miles et ils nous tirent dessus, nous restons à seulement trois miles, et ils tirent aussi. C’est quoi ce cessez-le-feu ? Il ne signifie rien pour nous ».




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Gaza ville, le 17 décembre 2012 - IPS - traduction : Info-Palestine/JPP