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Gaza se reconstruit avec de la boue

dimanche 18 octobre 2009 - 06h:41

Eva Bartlett

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La technique des briques de boue, qui va au-delà des simples fours d’argile principalement utilisés dans la bande de Gaza pour la construction de maisons, répond potentiellement à certains des besoins des grands chantiers de Gaza.

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Le nouveau poste de police en construction avec de la boue
(Eva Bartlett/IPS)




Par un chaud matin d’été, des travailleurs posent des rangées de briques fabriquées avec de la boue pour construire le poste de police de Sheikh Zayed, dans le nord de la bande de Gaza.

«  Nous avons commencé le chantier le 20 juin » dit Mohammed al-Sheikh Eid, ingénieur consultant du ministère de l’Intérieur de Gaza. « Comme c’est la première fois que nous faisons une construction de cette importance avec des briques de boue, nous ne savons pas combien de temps il faudra pour le terminer. Peut-être encore deux mois, environ. »

Il est convaincu cependant qu’ils auront fini avant que n’arrivent les pluies d’hiver.

Depuis la fin de la guerre à Gaza, un certain nombre de maisons ont été construites en utilisant de la boue, pour faire des maisons simples, carrées, de deux ou trois pièces. Le nouveau poste de police de Sheikh Zayed est l’un des projets les plus importants et les plus ambitieux.

Un ensemble complexe de chambres voûtées profondes, aux murs épais, apparaît globalement beaucoup plus artistique que l’ancien commissariat carré, en ciment, qui fut bombardé durant les assauts. Une fois terminé, le commissariat fera 550 mètres carré et comprendra sept bureaux de 3,5 m sur 3,5 m et huit chambres de 8 m sur 3 avec le toit voûté.

Contrairement aux nouvelles maisons toutes simples faites en briques de boue à Gaza, avec une finition intérieure montrant une terre craquelée et un revêtement extérieur, rugueux, moucheté de paille, le poste de police est dans sa conception la réplique des élégants immeubles palestiniens traditionnels en pierres ou en briques : des alignements parfaits de briques dessinent les fenêtres et les entrées aux arcs gracieux ; avec des dômes étonnamment réguliers qui recouvrent des pièces et des couloirs voûtés. Le commissariat, d’un seul étage, avec ses multiples terrasses en dômes, semble reprendre l’architecture des maisons palestiniennes de la région de Naplouse à Jérusalem.

Le site, en bordure de la route côtière qui dessert Beit Lahiya, est ouvert et spacieux, il contraste avec, en arrière plan, des immeubles d’habitation en bloc de ciment, construits bien avant le siège israélien de Gaza, quand on pouvait trouver du ciment.

L’ingénieur et conducteur de travaux, Sameh al-Khalout explique le processus de la construction artisanale et à petite échelle.

«  Il faut entre une et deux semaines pour que les briques de boue sèchent et soit moulées, » dit-il, en désignant les rangées de briques en train de sécher au soleil. « Chaque brique revient environ à un shekel » (un quart de dollar - 18 centimes d’euro).

Al-Khlaout précise que l’argile est amenée depuis un endroit proche de Beit Lahiya, et la paille est fournie par des agriculteurs locaux. « Nous allons mettre du plâtre sur le toit, pour l’étanchéité et pour le protéger de la pluie. »

Le bois est utilisé uniquement pour le coffrage des voûtes et des fenêtres jusqu’à ce que le mortier d’argile soit durci. Le bois est ensuite enlevé et utilisé ailleurs de la même façon.

En dehors du bois qui sert au coffrage, les matériaux de constructions conventionnels qui sont excessivement coûteux ne sont pas utilisés.

Le ciment de contrebande qui arrive par les tunnels entre l’Egypte et Gaza est jusqu’à dix fois le prix d’avant le siège. Une tonne de ciment coûte 3 400 shekels (850 $ - 617 ?), à comparer aux 350 shekels qu’elle coûtait avant juin 2007.

Selon Husam Toubil, du Programme de développement des Nations unies, Gaza a besoin de 50 000 tonnes de ciment pour reconstruire les maisons démolies et de 41 000 tonnes pour les bâtiments publics.

Et pour Al-Khalout, les problèmes vont bien au-delà du manque de disponibilité des matériaux. « Pour la plupart de nos ouvriers, c’est la première expérience d’une construction avec des briques de boue. »

« Maintenant que nous avons à faire venir l’argile, la paille et le gravier, couler le ciment de boue, fabriquer les briques puis construire le poste de police, nous avons besoin de plus d’ouvriers qu’avant quand nous utilisions du ciment. »

Dans une bande de Gaza bouclée où le chômage approche les 50% et la pauvreté est arrivée à 90% - d’après un récent rapport du CNUCED (Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement) -, les ouvriers vont venir braver la chaleur pour gagner 40 shekels par jour (7 ?).

Depuis que le siège de Gaza s’est resserré en juin 2007, très peu de matériaux de construction ont pu entrer dans la bande de Gaza, selon le rapport de l’OCHA (Office pour la coordination des affaires humanitaires). Alors que 7 400 camions entraient chaque mois, de janvier à mai 2007, avant les attaques et le siège.

D’après les informations du Relief Web des Nations unies, 3 900 camions de matériaux sont entrés dans Gaza de janvier à mai 2007. Pour la même période en 2009, 6 camions ont été autorisés à entrer. Ils ont apporté des matériaux pour les projets pour l’eau, qui en avaient grandement besoin et dont l’achèvement est attendu depuis longtemps.

Les autorités israéliennes disent que l’interdiction sur les matériaux de construction vise à empêcher le Hamas de se servir des matériaux à « double usage » pour ses activités militaires.

Pourtant, les organismes, les écoles et les centres de santé que ne dirige pas le Hamas sont confrontés aux mêmes restrictions globales sur l’importation du ciment, du gravier, du bois, des tuiles, des tuyaux, de la peinture, du verre et des barres de fer, note le rapport d’OCHA.

La technique des briques de boue, qui va au-delà des simples fours d’argile principalement utilisés dans la bande de Gaza pour la construction de maisons, répond potentiellement à certains des besoins des grands chantiers de Gaza.

A l’est de Gaza ville, dans le district d’al-Shejayia, les ingénieurs ont relevé le défi de construire des bâtiments en briques d’argiles à plusieurs étages : une école de trois étages pour 600 enfants malades est en construction, en utilisant un mélange de briques de boue et de décombres de maisons et immeubles détruits durant les attaques israéliennes.

Selon un article du Guardian, l’ingénieur Maher al-Batroukh et les ingénieurs de l’université ont expérimenté l’argile pour créer des briques solides. Une fois terminée, l’école aura à peu près deux fois la taille du poste de police de Sheikh Zayed, avec les mêmes plafonds en forme de dôme et le même revêtement de plâtre.

Constatant le succès des essais de construction avec l’argile, le ministre Hamas des Travaux publics reprend la même alternative avec des briques de boue, pour des projets de construction de maisons à multiples étages et de reconstruction d’édifices publics démolis.

Si certains trouvent le moyen de contourner l’interdiction israélienne pour pratiquement tout ce qui est nécessaire pour reconstruire Gaza, le siège en cours contre la bande de Gaza continue de frapper la vie quotidienne à tel point que le dernier rapport des Nations unies note que les frontières fermées et les retards dans les autorisations pour les marchandises sont « dévastateurs pour les moyens de subsistance  » et provoquent une régression graduelle du développement.

Le rapport OCHA cite en outre les préjudices causés à l’enseignement, notamment le surpeuplement du fait des écoles détruites ou endommagées, et du manque de matériel d’éducation dont l’entrée est interdite ou retardée.

Dans une déclaration d’août 2009, Maxwell Gaylard, coordinateur humanitaire des Nations unies pour les Territoires palestiniens occupés, note que « la dégradation de la qualité de l’eau et le manque d’eau et de bâtiments sanitaires dans la bande de Gaza constituent un déni grave et durable de la dignité humaine dans la bande de Gaza. »

Gaylard, comme l’Association des agences internationales pour le développement (AIDA), note que le refus d’Israël de laisser entrer les équipements et les fournitures nécessaires à la construction, à l’entretien et à l’exploitation de l’eau et des sanitaires depuis juin 2007 a conduit à une « détérioration graduelle de ces services essentiels ».

Evoquant plus loin les destructions causées par les attaques israéliennes, la déclaration indique que les services sanitaires et d’eau dans la bande de Gaza sont à la « limite de l’effondrement », notant que les rares fournitures autorisées étaient « loin d’être suffisantes pour rétablir un fonctionnement normal de l’eau et du système sanitaire. »

Environ 60% de la population n’ont pas un accès permanent à l’eau, note la déclaration. Environ 10 000 personnes dans Gaza n’ont absolument aucun accès à un réseau d’eau. Tout cela, ajouté aux 50 à 80 millions de litres d’eaux usées non traitées, ou partiellement, qui se déversent quotidiennement depuis janvier 2008, ne fait qu’aggraver la crise de l’eau et du sanitaire.

Même si certaines personnes débrouillardes réussissent à construire des maisons en dépit de l’interdiction sur le ciment, ces différents rapports soulignent que les problèmes multiples engendrés par le siège permanent et les attaques israéliennes contre Gaza sont trop nombreux pour être solutionnés seulement par l’improvisation et la boue.

Le Centre palestinien pour les droits humains (PCHR) indique que 60 postes de police ont été détruits ou endommagés durant l’agression israélienne de l’hiver 2008/2009 sur Gaza.

Selon le rapport de l’OCHA d’août 2009, plus de 6 400 maisons ont été détruites ou sérieusement endommagées, et plus de 52 000 ont subi des dommages mineurs sous les bombardements israéliens de cet hiver.

Le rapport OCHA note que le siège conduit par Israël et qui se poursuit sur la bande de Gaza a empêché la reconstruction ou la réparation de 13 900 maisons, dont environ 2 700 qui ont été endommagées ou détruites dans des opérations militaires israéliennes antérieures, et la construction de 3 000 unités de logements prévues pour remplacer les maisons inhabitables dans les camps de réfugiés surpeuplés.

Plus de 20 000 Palestiniens sont encore des déplacés dans la bande de Gaza, avec environ 100 familles qui vivent toujours dans des tentes de dépannage fournies par des agences d’aides.

Le PCHR rapporte également que 215 usines et 700 entreprises privées, 17 universités ou collèges, 15 hôpitaux et 43 centres de santé, ainsi que 58 mosquées, ont été détruits ou endommagés durant les agressions. Et selon les Nations unies, ce sont 298 écoles qui ont été détruites ou endommagées.

Toutes et tous, attendent la reconstruction, tout comme l’économie anéantie de la bande de Gaza.

Du même auteur :

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Sheikh Zayed, bande de Gaza, le 13 octobre 2009 - The Electronic Intifada - IPS - traduction : JPP


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