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Yémen : une mobilisation exemplaire et qui ne faiblit pas
jeudi 14 juillet 2011 - Ramzy Baroud
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Un jeune Yéménite lors d’une manifestation anti-Saleh, le 1er avril 2011 à Sanaa - Photo : AFP/Ahmad Gharabli

Les Yéménites font cependant face à de grands défis, avec parmi ceux-ci les hésitations politiques de leur opposition nationale et les intérêts militaires et stratégiques des Etats-Unis au Yémen.

Al-Jazeera décrit Abdul Hameed Abu Hatem comme un simple « contestataire ». Cependant, les exigences de cet homme montrent une pureté et une authenticité qui s’accordent avec les slogans de millions de Yéménites dans tous les coins du pays. « Nous appelons à la liberté, à la justice, à l’ordre et à un gouvernement civil. Nous exigeons que le revenu public soit utilisé par le public et que tout le monde aient des chances égales pour un emploi », a déclaré Abou Hatem, lors d’un rassemblement pro-démocratie à Sanaa en présence de quelque 250 000 Yéménites.

Pour qu’une telle demande, aussi réfléchie, puisse être satisfaite, une transition politique transparente doit avoir lieu. Ali Abdullah Saleh, le président du Yémen depuis 33 ans est évidemment incapable de diriger le pays. Il souffre actuellement de blessures physiques et il semble que même s’il pouvait s’en remettre, les Yéménites ont aujourd’hui vraiment très peu de confiance dans sa capacité à impulser des réformes significatives.

Le leadership de Saleh est maintenant soutenu par des liens tribaux, ses propres forces de sécurité et la puissante garde républicaine commandée par des membres de sa famille. Des unités de l’armée ont déjà fait défection par pans entiers. Les plus notables d’entre elles regroupent les troupes du général Ali Mohsen al-Ahmar, qui assurent la sécurité - face aux attaques des forces du régime - de la jeunesse qui proteste. De nombreux Yéménites ont été tués ou blessés dans ces attaques.

En l’absence de Saleh, les affaires du pays ont été confiées au vice-président, Mansour Hadi Abdrabuh. Mais tout indique que c’est le fils du président, Ahmad, qui est réellement aux commandes. Les neveux, Tariq et Ammar, gèrent respectivement la garde privée du président Saleh et le service de sécurité de l’Etat.

Alors que ces individus ne représentent qu’un segment minuscule de la population du pays, leurs méthodes à base de poigne de fer et de répression brutale continuent de s’interposer entre le peuple yéménite et la démocratie que celui-ci réclame.

Un autre obstacle majeur est l’indécision de l’opposition du pays, qui a co-existé avec le parti au pouvoir au Yémen depuis des années, et qui semble incapable de fonctionner sous n’importe quel autre système que la cooptation gouvernementale.

La coalition des partis (JMP, ou Joint Meeting Parties) a changé de position à plusieurs reprises depuis les premiers jours de la révolution yéménite. A certains moments, elle a choisi d’agir indépendamment de la demande populaire, acceptant le partage du pouvoir avec le parti de Saleh. Cela n’a servi qu’à prolonger le statu quo rejeté par la majorité des Yéménites.

Le JMP menace maintenant de préparer de façon unilatérale un conseil de gouvernement transitoire, sans le Congrès Général du Peuple (assemblée) et le président par intérim, selon l’agence de nouvelles Xinhua (1° juillet). Cette position peut changer encore une fois, à la lumière des intérêts qui se chevauchent des nombreuses parties impliquées, depuis l’intérieur comme l’extérieur du Yémen.

L’engagement unilatéral du JMP vise à former un conseil de gouvernement transitoire composé notamment « des représentants des manifestants, des séparatistes du Mouvement du Sud et du mouvement Houthi dirigé par les rebelles chiites », selon un responsable yéménite parlant avec l’agence Xinhua. Une telle combinaison politique pourrait être dangereuse pour les intérêts des parties extérieures les plus influentes et dirigées par les États-Unis.

Le Yémen est l’un des pays les plus importants pour les guerres des États-Unis en cours. Son emplacement stratégique dans la péninsule arabique, sa proximité géographique avec les principales voies navigables et la proximité de la Somalie (laquelle est sous les radars militaires US depuis des années), font que ce pays est impossible à ignorer pour les planificateurs militaires américains. Même durant les manifestations pacifiques à travers le Yémen, les Etats-Unis ont effectué des frappes aériennes répétées sur des positions présumées d’al-Qaïda dans le pays.

C’est cette réalité-là qui a sapé l’autorité de Saleh en premier lieu aux yeux de son peuple. Par ailleurs, Saleh a exploité le poids géostratégique de son pays pour gagner le soutien politique et militaire occidental et américain.

Une récente étude de l’Université Brown sur les coûts humains et financiers des guerres américaines place le Yémen au quatrième rang sur la liste des guerres menées par les Etats-Unis, après l’Irak, l’Afghanistan et le Pakistan, comme cela a été rapporté par l’AFP le 1° juillet.

Le président du Joint Chiefs of Staff, l’amiral Mike Mullen, a cependant mis à jour la position du Yémen en le présentant comme un pays qui est « en train de devenir le centre de gravité d’Al-Qaïda », selon un rapport du Magazine Défense nationale mis en ligne le 30 juin. Mullen s’exprimait lors d’une conférence de presse présentant pour cette année ce que l’on appelle l’index des États défaillants. Compte tenu de la corruption et de l’oppression interne, et des fortes interventions étrangères, le Yémen a été classé comme 13e pays le moins stable.

« Alors que le leadership (d’al-Qaida) réside toujours sur la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan ... le groupe qui lui est fédéré au Yémen est un groupe incroyablement dangereux qui a tiré pleinement parti du chaos », a-t-il dit. Par « chaos », il entend la révolution pro-démocratie, et la répression impitoyable du gouvernement à l’encontre des manifestants.

Ce dit-chaos a également obligé de nombreuses tribus à assurer leur propre sécurité en s’affrontant avec les forces gouvernementales et des militants mal identifiés. Il est difficile d’estimer la nature du pouvoir d’al-Qaïda au Yémen, d’autant que les différences entre les militants d’al-Qaïda et ceux que al-Qaïda a inspirés (c’est-à-dire opérant en dehors des ordres d’un pouvoir central) deviennent très floues.

Mullen a suggéré le maintien de « relations de militaires à militaires avec ces pays pour construire de la stabilité » selon le Magazine Défense nationale. Toutefois, l’armée yéménite est divisée, et les forces de sécurité du président sont encore engagées dans une lutte contre les militants anti-américains. Celles-ci sont également résolument du côté opposé de la révolution pro-démocratie. Il n’y a pas de doute que les Etats-Unis sont du côté de l’ordre ancien au Yémen.

Le pays déjà appauvri est maintenant confronté à un possible effondrement économique - des coupures d’électricité durent jusqu’à 20 heures par jour dans la capitale, selon l’AP (citée dans le Washington Post en ligne et daté du 27 juin).

Mais le peuple yéménite continue à se mobiliser pour la liberté, la démocratie et les droits civils. Il attend chaque vendredi pour descendre par centaines de milliers au coeur des villes, transportant un message extrêmement clair qui aspire à la paix, à la stabilité et aux droits humains fondamentaux.

« Main dans la main pour atteindre notre but », scandait l’imposante foule à Sanaa, et le tout d’une seule voix.

Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com.

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8 juillet 2011 - Communiqué par l’auteur
Traduction : Claude Zurbach