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Le livre le plus dangereux sur le Liban paraît en France

vendredi 1er mai 2009 - 05h:57

Mohamed Salmawy - Al-Ahram/hebdo

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La sortie de certains livres dévoilant des informations cachées sur des événements révolus peut renverser de fond en comble les conjonctures courantes. C’est ce qui s’est passé avec le livre qui sortira prochainement en France et qui affirme, à l’aide de preuves indéniables, que le meurtre du député libanais Tony Frangié, le fils de l’ex-président libanais Soliman Frangié, en 1978, a été planifié par le Mossad.

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Le dirigeant druze pro-occidental Walid Jumblatt devant une photo de l’ex premier ministre Hariri - Photo : AP

L’outil du Mossad dans ce massacre fut le chef des phalanges, Samir Geagea, devenu aujourd’hui l’une des figures de proue dans la coalition du 14 mars au Liban, côte à côte avec Walid Joumblatt, Amin Gémayel et Saad Al-Hariri.

J’ai eu l’occasion de passer en revue, les épreuves de ce livre dangereux publié cette année sur le Liban, pour reprendre les termes de son éditeur. J’ai tout de suite alors réalisé l’ampleur des pressions qui pèsent sur son auteur Richard Labévière, pour éviter que ce livre ne voit le jour et pour éclipser en l’occurrence les noms de ses personnages-clés.

L’importance de ce livre émane du fait que son auteur est un écrivain et journaliste ayant des rapports étroits avec les sources du ministère français de la Défense. Par ailleurs, il fut le rédacteur en chef de Défense, la revue de l’Institut des hautes études de défense nationale. Sans oublier également que l’auteur suit de près les développements politiques au Liban. En 2006, il a publié un autre livre, Le grand retournement : Bagdad-Beyrouth (Edition du Seuil, 2006) sur les dessous des négociations qui ont eu lieu aux Nations-Unies sur la conjoncture au Liban. Il a également publié l’un des premiers livres, Les dollars de la terreur, qui définit le rôle des Etats-Unis dans la fabrication de Bin Laden.

Le titre du nouveau livre est : La Tuerie d’Ehden ou La Malédiction des Arabes chrétiens et devrait paraître à la mi-mai prochain en France, aux éditions Fayard. L’édition arabe du livre sortira à Beyrouth fin mai prochain.

Labévière explique dans une partie de ce livre que j’ai pu consulter qu’Israël visait 4 objectifs derrière l’assassinat de Tony Frangié, qui a eu lieu le 13 juin 1978. Il s’agissait tout d’abord de mettre un terme à l’un de ses pires ennemis chrétiens au Liban, ensuite d’intervenir militairement au nord du Liban qu’il contrôlait effectivement, sécuritairement parlant, sans oublier le fait de créer les perturbations dans le camp chrétien, dans l’objectif de faciliter sa tâche, à savoir le fait de se trouver des alliés. Et pour terminer, affaiblir le camp chrétien allié à la Syrie.

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Richard Labévière

Labévière révèle que le Mossad avait décidé d’assigner cette mission au chef des phalangistes, le défunt Béchir Gémayel. Toutefois, l’étude psychologique effectuée par ses services secrets sur quelques-unes des personnalités libanaises avait désigné Samir Geagea comme étant la personne adéquate pour ce genre de mission.

Dans le chapitre 11, l’auteur narre les détails du scénario du jour du meurtre de Frangié, son épouse et son enfant de 3 ans, ainsi que certains de ses collaborateurs et de ses gardes du corps. L’auteur avance que le plan original consistait à kidnapper l’un des collaborateurs de Frangié, responsable du meurtre de l’un des chefs des phalangistes. Frangié ne devait pas se trouver dans son palais dans la région d’Ehden à cette heure, mais une panne de voiture l’a empêché de sortir ce jour-là. Lorsque Samir Geagea était arrivé pour accomplir sa mission, Tony Frangié était à son attente avec tous ses gardes du corps. Il a alors refusé catégoriquement de remettre son collaborateur qui était demandé à Samir Geagea.

Le palais de Frangié, à Ehden, ce jour-là a été alors témoin d’un massacre atroce entre les deux côtés, faisant des morts et des blessés. Le bilan était lourd, Samir Geagea a été blessé à la main et au bras et la famille de Tony Frangié a été décimée ainsi que tous ceux qui se trouvaient dans le palais à cette heure et qui étaient au nombre de 35 personnes.

Richard Labévière affirme n’avoir pas voulu publier ces détails avant d’écouter la version de Samir Geagea pour laquelle il consacre le 14e chapitre au complet. Le chef des phalangistes reconnaît les incidents sanglants de ces années perturbées de l’histoire du pays du Cèdre. Cependant, il nie totalement avoir assassiné Tony Frangié, apportant comme preuve la blessure qui l’a affecté au bras et qui l’a empêché de blesser quiconque.

L’aspect le plus dangereux du livre est d’avoir inséré les noms de tous les protagonistes de cette opération, qu’ils soient libanais ou membres des services israéliens. Parmi lesquels il y avait 3 ex-collaborateurs de Samir Geagea et qui vivent aujourd’hui une autre vie dans leur exil volontaire en Australie.

En réalité, le visage sanguinaire du chef des phalanges, Samir Geagea, ne faisait aucun objet de doute avant la parution de ce livre. Car ce crime n’est pas le premier qu’il ait commis. Ce n’est pas un secret de dire que deux semaines avant le meurtre de Tony Frangié, Geagea avait assassiné en personne le Premier ministre Rachid Karamé, le 1er juin 1978. Il n’en demeure pas moins que sa relation avec le Mossad n’avait jamais été dévoilée de manière aussi scandaleuse avant ce livre.

La question qui se pose maintenant est celle de savoir si les efforts déployés parviendront à suspendre la sortie du livre qui, sans doute, donnera lieu à d’énormes problèmes. Non seulement à l’intérieur du Mossad, surtout que quelques-uns de ceux qui ont planifié ce massacre sont encore vivants et encore actifs dans ce service, mais également au Liban. D’autant que certains noms que l’on retrouve dans le livre sont sur le devant de la scène actuelle dans le pays du Cèdre. Le danger ici n’émane pas uniquement de ces pressions, mais de l’évolution qu’elles peuvent éventuellement prendre, pour se solder par des opérations d’assassinat qui peuvent cibler les noms de personnages évoqués dans le livre. Dans ce cas, la vie de l’auteur se trouverait elle aussi menacée.

Il est digne de mentionner qu’il y a quelques mois, l’un des collaborateurs du député défunt Tony Frangié, appelé Joseph, est apparu sur l’écran de la chaîne libanaise Orange et qu’il avait fait ses aveux concernant cet événement. Il a dit avoir participé à la défense du palais de Frangié et il a reconnu qu’il était responsable de la blessure de Samir Geagea. Quelques jours après la diffusion du programme, l’homme octogénaire fut assassiné.

Richard Labévière était sur la liste des persona non grata par les cercles israéliens de pression qui étaient à l’origine de son licenciement, en août dernier, de Radio France Internationale à cause des ses avis politiques. Surtout après qu’il ait fait des objections sur l’alignement des médias français au service des intérêts israéliens.

Le nouveau dans le livre de Richard Labévière qui fera couler beaucoup d’encre dans les milieux de publication en France aura de larges échos lors de sa parution, s’il est en vente tel quel, sans censure. Il affectera certes également l’actuelle donne politique au Liban avec ses nouvelles coalitions.

De Mohammed Salmawy :

- Croissant-Rouge égyptien : Un rôle inoubliable dans la crise de Gaza
- La guerre médiatique d’Israël
- La Cour pénale internationale et la justice sélective
- L’UPM est-elle en faveur des Arabes ?
- La course à la présidentielle et celle du terrorisme

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 29 avril au 5 mai 2009, numéro 764 (Opinion)


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