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Israël fait un écart vers le fascisme

mardi 17 février 2009 - 06h:00

Ali Abunimah

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Quel que soit le gouvernement israélien qui émergera, il présidera à coup sûr à de nouvelles implantations, à la discrimination raciale et à l’escalade de la violence, écrit Ali Abunimah.

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La police anti-émeute israélienne aux prises avec des citoyens palestiniens et juifs protestant contre le racisme près d’un bureau de vote à Um al-Fahem lors des élections israéliennes du 10 février 2009. (Oren Ziv/ActiveStills)

Chaque fois qu’il y a des élections en Israël, les experts entonnent le refrain habituel : l’espoir de paix dépend du « camp de la paix » - représenté auparavant par le parti travailliste mais maintenant par le Kadima de Tzipi Livni - l’emportant sur la droite anti-pacifiste menée par le Likoud.

Cela n’a jamais été vrai, et cela a moins de sens encore alors que les partis israéliens entament des discussions de coalition après les élections de mardi. Oui, le « camp de la paix » a aidé à lancer le « processus de paix », mais il a fait bien davantage pour miner les chances d’un règlement équitable.

En 1993, le premier ministre travailliste Yitzhak Rabin signait les accords d’Oslo. Les ambiguïtés de l’accord - qui ne mentionnent ni « auto-détermination » ni « indépendance » pour les Palestiniens, ni même « occupation » - ont facilité la conclusion d’un accord à court terme. Mais la confrontation à propos d’attentes irréconciliables était inévitable. Tandis que les Palestiniens espéraient que l’Autorité Palestinienne, créée par cet accord, serait le noyau d’un état indépendant, Israël la considérait comme à peine plus qu’une police autochtone pour supprimer la résistance à la poursuite de l’occupation et des peuplements coloniaux dans la Bande de Gaza et en Cisjordanie. La collaboration avec Israël a toujours été la mesure pour juger si un dirigeant palestinien est un « partenaire de paix ». Rabin, selon Shlomo Ben-Ami, ancien ministre israélien des affaires étrangères, “n’a jamais cru que [Oslo] déboucherait sur un état palestinien à part entière ». Il avait raison.

Tout au long du processus de paix, les gouvernements israéliens, quel que soit leur dirigeant, ont étendu les implantations mono-ethniques juives dans le c ?ur de la Cisjordanie, territoire supposé former l’essentiel de l’état palestinien. Dans les années 1990, le gouvernement mené par le travailliste Ehud Barak a en fait approuvé davantage d’expansion des colonies que le gouvernement précédent, mené par le Likoud et dirigé par Benjamin Netanyahu.

Barak, naguère considéré comme une « colombe », a fait passer une image sanguinaire dans la campagne, soutenu par les massacres de civils à Gaza, qu’il dirigeait en tant que ministre de la Défense. « Sur qui a-t-il jamais tiré ? » a plaisanté Barak raillant Avigdor Liebermann, leader du parti proto-fasciste « Israël Beiténou », tentant de dépeindre ce dernier comme insignifiant.

Aujourd’hui le parti de Liebermann, qui l’a emporté sur les travaillistes à la troisième place, va jouer un rôle décisif dans un gouvernement. Immigrant venu en Israël depuis l’ancienne république soviétique de Moldavie, Liebermann a été membre du parti raciste hors-la-loi Kach qui réclame l’expulsion de tous les Palestiniens.

Selon le manifeste de Israël Beiténou, 1,5 million d’Arabes palestiniens d’Israël (survivants ou descendants autochtones de la majorité palestinienne victime de nettoyage ethnique en 1948) seraient soumis à un serment de loyauté. S’ils ne jurent pas allégeance à « l’état juif », ils perdraient leur citoyenneté et seraient expulsés de leur pays natal, rejoignant des millions de Palestiniens sans état, en exil ou dans les ghettos contrôlés par Israël. Man ?uvre instiguée par Liebermann mais soutenue par le Kadima dit « centriste » de Livni, la Knesset a récemment promulgué l’exclusion des partis arabes des élections. Même si la cour suprême l’a fait annuler à temps pour le vote, c’est un présage de mauvais augure.

Liebermann, ex-vice-premier ministre, traîne une longue histoire d’incitation au racisme et à la violence. Avant la récente attaque israélienne par exemple, il avait exigé qu’Israël soumette les Palestiniens à la violence brutale et sans discrimination utilisée par la Russie en Tchétchénie. Il a également appelé à l’exécution des membres arabes de la Knesset qui rencontreraient des responsables du Hamas.

Mais il est trop facile de faire de lui le croquemitaine. L’étroit spectre politique israélien comporte actuellement à un bout l’ancien « camp de la paix », qui n’a jamais arrêté l’expropriation violente de terres palestiniennes pour les colonies juives et s’enorgueillit des crimes de guerre commis à Gaza, et à l’autre bout, une extrême-droite montante dont les « solutions » varient de l’apartheid au nettoyage ethnique caractérisé.

Ce qui n’est pas pour aider, c’est le cynisme de l’hypocrisie occidentale. Déjà le porte-parole du Département d’Etat étatsunien a affirmé que l’administration Obama travaillerait avec toute coalition issue de la « florissante démocratie » israélienne et il promettait que les USA n’interfèreraient pas dans la « politique intérieure » israélienne. En dépit des douces paroles du Président Barack Obama à propos de nouvelles relations avec le monde arabe, d’aucuns auront noté qu’il y a deux poids deux mesures. En 2006, le Hamas remportait des élections démocratiques dans les territoires occupés, il observait de nombreuses trêves unilatérales ou de commun accord qui furent violées par Israël, il offrait à Israël une trêve d’une génération pour préparer la paix, et pourtant il est toujours boycotté par les USA et l’UE.

Pire, les USA ont financé un coup raté contre le Hamas et ils continuent d’armer et d’entraîner les milices anti-Hamas de Mahmoud Abbas, dont le mandat de Président de l’AP expirait le 9 janvier dernier. Dès son arrivée aux affaires, Obama réaffirmait ce boycott de la démocratie palestinienne.

Le message le plus clair issu des élections israéliennes est qu’aucun parti sioniste ne peut résoudre le problème de base d’Israël et qu’aucune négociation ne mènera à la solution bi-étatique. Israël n’a pu être créé que comme « état juif » par l’expulsion forcée de la majorité non juive, la population palestinienne. Si les Palestiniens redeviennent la majorité dans un pays qui a défié toutes les tentatives de partition, le seul moyen de maintenir le contrôle juif passe par une violence et une répression encore plus cyniques de la résistance (voir Gaza). Quel que soit le gouvernement qui émergera, il présidera à coup sûr à de nouvelles implantations, à la discrimination raciale et à l’escalade de la violence.

Il y a des alternatives qui ont aidé à mettre un terme à des conflits semblant naguère insolubles et sanglants : démocratie dans le style sud-africain « une personne- un vote », ou dans le style nord-irlandais de partage du pouvoir. Ce n’est que dans un système démocratique accordant les droits à tous les habitants du pays que des élections ont le pouvoir de transformer le futur des gens.

Mais aujourd’hui Israël fait un écart vers le fascisme ouvert. Il est irresponsable de continuer à prétendre - comme tant le font - que ses dirigeants ratés et criminels détiennent la clé pour sortir du bourbier. Plutôt que d’attendre qu’ils aient formé leur coalition, nous devons renforcer la campagne internationale menée par la société civile, campagne de boycott, de désinvestissement et de sanctions, afin de forcer les Israéliens à opter pour une voie plus sensée.

* Ali Abunimah est co-fondateur de The Electronic Intifada, et l’auteur de « One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse » (Metropolitan Books, 2006). Cet article est paru initialement sur le site du Guardian « Comment is Free », sous le titre « No peace for Israel ».

Du même auteur :

- Pourquoi Israël ne survivra pas - 22 janvier 2009
- Les massacres dans Gaza doivent nous faire agir - 30 décembre 2009
- « Les frontières d’Auschwitz » d’Israël revisitées - 11 décembre 2008
- Obama et les perspectives pour la paix israélo-palestinienne (1è et 2è parties) - 2 et 6 décembre 2008

12 février 2009 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article ici :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Marie Meert


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