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Obama et les perspectives pour la paix israélo-palestinienne (1°)

mardi 2 décembre 2008 - 06h:21

Ali Abunimah

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PREMIERE PARTIE

La victoire d’Obama, le président élu des USA a ravivé les espoirs que les négociations déclinantes de paix Palestino/israéliennes puissent finalement mener à une solution de deux états. Peu de présidents ont été acclamés avec un tel optimisme et avec de telles attentes.

Lien vers la seconde partie

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Obama et le Proche-Orient ... Une approche pour le moins sous forte influence...

Mais les chances de progrès ne dépendent pas seulement d’un nouveau président américain. Il y a plusieurs facteurs étroitement reliés entre eux : l’engagement des USA, la disponibilité d’un accord de paix viable, la politique interne israélienne et palestinienne et une situation internationale plus large.

Un examen de ces facteurs indique que l’optimisme n’est pas justifié et que le président Obama ne réussira pas non plus à amener une solution de deux états au conflit. Cela ne veut pas dire que la situation reste statique ni que ceux qui poursuivent une paix juste n’ont pas recours à des actions.

Un engagement précoce des Etats-Unis ne suffit pas

Brent Scowcroft, le conseiller de la sécurité nationale du président George Herbert Walker Bush, parlant sur CNN quelques jours après l’élection d’Obama, a conseillé au président élu de commencer rapidement à ranimer les négociations de paix comme moyen de « changer psychologiquement le climat de la région du Moyen Orient » et « parce que la question palestinienne...donne aux habitants de la région un sentiment profond d’injustice ». L’ancien président Jimmy Carter a répété ce point de vue, pressant Obama a éviter les erreurs des autres présidents qui avaient attendu leur dernière année au pouvoir pour pousser vers un accord. Dans un discours en juin à l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) (le lobby pro-israélien) Obama s’est engagé « à faire tout mon possible pour faire avancer la cause de la paix et ce, dès le début de mon gouvernement ».

Ces voix reflètent un consensus, un ingrédient qui manquait aux engagements américains. Le problème néanmoins n’a jamais été le manque d’engagement des Etats Unis mais plutôt que cet engagement était beaucoup trop orienté du mauvais côté. Les administrations précédentes qu’elles aient ou non encouragé activement des négociations, ont été très impliquées. Depuis 1967, les USA ont apporté un soutien croissant militaire, économique et diplomatique à Israël et de ce fait, ils sont profondément intervenus dans un côté du conflit.

Aaron David Miller, un ancien officiel supérieur du Département de l’Etat, a résumé succinctement le rôle américain dans la diplomatie arabe/israélienne durant ces dernières vingt-cinq années comme étant « le procureur d’Israël, prenant soin et coordonnant les Israéliens aux dépens de négociations de paix réussies. » L’administration de George W. Bush, comme celle de l’ancien président Bill Clinton, a adopté les positions israéliennes comme les siennes : la permanence d’importantes colonies israéliennes dans les territoires occupés, l’opposition aux droits des réfugiés palestiniens et le soutien à la demande israélienne d’être reconnue en tant « qu’état juif » malgré le fait que 20% des citoyens israéliens sont des Palestiniens dont le statut de citoyen de deuxième zone serait légitimé par une telle reconnaissance.

L’administration Bush sortante avait pris un engagement américain à des niveaux sans précédents à la fois ouvertement et en même temps secrètement. A l’opposé des initiatives publiques bien formées comme la conférence d’Annapolis et les tentatives visant à raviver le « processus de paix », ce sont les activités secrètes de l’administration Bush qui ont eu le plus d’impact. Intervenant directement sur la politique palestinienne interne, l’administration a poussé pour des élections palestiniennes et quand le Hamas a gagné, elle a essayé de nier le résultat.

L’administration a aidé à armer et entraîner les milices palestiniennes opposées au Hamas et a mis son veto à un « gouvernement d’unité nationale palestinien ». Elle a soutenu le blocus de la Bande de Gaza et utilisé l’aide financière pour appuyer les leaders palestiniens « amis ». Alors que ces réalités sont souvent ignorées, le fait de les confronter est essentiel pour comprendre comment la politique américaine devrait changer afin que les USA jouent un rôle constructif en vue de parrainer une paix juste, acceptable et consentie.

Faire en sorte que l’administration Obama réponde aux attentes et se détache de ses prédécesseurs nécessiterait que les USA : aide financièrement ou autrement Israël à la condition que celle-ci se conforme à la loi internationale et aux accords signés (tels que les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies trop longtemps ignorées qui exigent qu’Israël démantèle les colonies) ; arrêtent d’interférer dans les affaires internes palestiniennes et respectent les choix démocratiques du peuple palestinien ; demandent un arrêt immédiat du blocus de la Bande de Gaza.

Cela exigerait aussi que les Etats-Unis exercent son influence pour aplanir le déséquilibre dans les négociations plutôt que de peser de son poids pour la partie la plus forte. Cela inclut l’utilisation de standards pertinents pour juger des actes violents, négocier des cessez-le-feu et répartir les responsabilités lors des violations de cessez-le-feu par les Israéliens ou les Palestiniens.

L’approche d’Obama

Pour évaluer les perspectives d’un changement dans la politique sous administration d’Obama, il y a deux questions pertinentes : 1) quelles sont les positions d’Obama sur Israël/Palestine et les problèmes régionaux relatifs ; 2) une fois en fonction, jusqu’à quel point ses actions se conformeront-elles ou s’écarteront-elles de ses positions connues ?

Obama a exposé des positions détaillées dans ses discours devant l’AIPAC en mars 2007 et en juin 2008. Les éléments clé sont qu’Obama :

- a soutenu les bombardements du Liban par Israël en juillet-août 2006 et ceux à plusieurs reprises sur la Bande de Gaza comme étant le droit « légitime d’auto-défense » qu’Israël avait le droit d’exercer ;
- a soutenu l’attaque aérienne israélienne du 6 septembre 2007 sur la Syrie que des rapports non corroborés prétendaient être un site d’armes de destruction massive ;
- s’est opposé à la tenue d’élections palestiniennes en janvier 2006 qui incluaient le Hamas ;
- s’est opposé à l’Accord de la Mecque en février 2007 qui établissait un gouvernement d’unité nationale entre le Hamas et le Fatah pour résoudre pacifiquement les différences internes palestiniennes ;
- soutien « l’isolement » prolongé du Hamas tant qu’il ne répond pas aux conditions politiques imposées par Israël et le Quartet ;
- a déclaré qu’il « soutiendra toujours Israël devant les Nations Unies et dans le monde », suggérant l’utilisation prolongé du véto US pour bloquer toute action des Nations Unies sur le conflit ;
- a promis au moins 30 billions$ d’aide militaire à Israël durant la prochaine décennie et s’est engagé à intervenir pour qu’Israël ait accès aux armements réservés aux membres de l’OTAN ;
- a déclaré que « Jérusalem resterait la capitale d’Israël et qu’elle devait rester indivisible » ;
- s’oppose au « Droit au Retour » des Palestiniens (le Droit au Retour en Israël est quelque chose qui n’est pas une option au sens littéral) ;
- a déclaré que « tout accord avec le peuple palestinien doit préserver l’identité d’Israël en tant qu’état juif » ;
- a soutenu l’approche de l’administration Bush pour former une alliance de « modérés » incluant d’un côté Israël, l’Arabie Saoudite et l’Egypte dressés contre l’Iran, la Syrie, le Hezbollah et le Hamas ;
- considère que la prétendue poursuite de la mise au point d’armes nucléaires par l’Iran est « inacceptable », soutien des sanctions fortes et des désinvestissements et a refusé d’exclure l’utilisation de la force militaire.
- Obama n’a exprimé aucun soutien pour les droits des Palestiniens et n’a jamais utilisé en public le genre de langage émotionnel expansif assimilé aux aspirations des Palestiniens comme il le fait en ce qui concerne les Israéliens. Alors qu’il critique sévèrement les Palestiniens, il reste dépourvu de sens critique vis-à-vis des Israéliens.

A l’opposé de toute cette liste, il y a eu deux instants pendant la campagne qui ont entraîné des spéculations quant à une approche plus équitable. En mars 2007 Obama a déclaré que « personne ne souffrait davantage que le peuple palestinien. » Mais confronté aux protestations des groupes pro-Israël, il a repris ses propos, disant qu’il voulait signifier que « le peuple palestinien souffre du refus du gouvernement dirigé par le Hamas de renoncer au terrorisme et de se joindre comme véritable associé au processus de paix » (« Obama sous le feu des critiques pour son commentaire sur les Palestiniens, » Associated Press, 15 mars 2007).

Obama a également attiré l’attention quand il a déclaré face aux responsables de la communauté juive : « je pense qu’il y a une pression au sein de la communauté pro-israéliennel qui dit qu’à moins que vous n’adoptiez une approche constamment pro-Likud, vous êtes anti-israélien, et ceci ne ne peut pas être la mesure de notre amitié avec Israël » (Hilary Leila Krieger, « Obama : Etre pro-israélien ne nécessite pas d’être pro-Likud, » le Jerusalem Post, 25 février 2008). Ceci a été interprété comme une évidence qu’Obama pourrait préférer un gouvernement israélien plus « pacifique ». Si cela est vrai, cela ne fait que joindre Obama à la liste des précédents gouvernements des États-Unis qui auraient officieusement préféré également des gouvernements non-Likud. Cela présuppose aussi qu’il y ait des différences substantielles entre le Likud et les autres partis importants en Israël, ce qui est loin d’être évident en soi comme cela a été démontré.

La disposition d’Obama à discuter avec l’Iran a également suscité l’espoir d’une approche moins conflictuelle. Cependant, même l’administration Bush durant ses derniers mois a montré une volonté d’avoir des contacts avec l’Iran sans abandonner nécessairement ses positions sur le fond.

Pendant la campagne, Obama s’est activement distancé des figures de l’ « establishment », y compris le vétéran de la politique Zbigniew Brzezinski et Robert Malley, l’ex-conseiller de Clinton, qui ont tous les deux été accusés d’être « pro-Palestiniens. » En même temps, « les conseillers les plus intimement impliqués dans les relations d’Obama avec Israël sont des vétérans de l’administration Clinton et sont issus du milieu pro-Israël » (Ron Kampeas, « Un aperçu sur les conseillers d’Obama et de McCain, » Jewish Telegraphic Agency, 28 octobre 2008). La première nomination faite par le président nouvellement, à savoir Rahm Emanuel de la Chambre des Représentants et pro-israélien radical, comme responsable de l’équipe de la Maison Blanche confirme cette tendance.

En définitive, les positions d’Obama ne sont remarquables que par leur conformité avec les politiques de longue date des Etats-Unis. Comme Obama le disait à l’AIPAC en juin : « j’ai été fier de faire partie d’un consensus bipartisan fort pour se tenir aux côtés d’Israël face à toutes les menaces. C’est un engagement... que [le sénateur] John McCain et moi-même partageons parce que le soutien à Israël dans ce pays est au-dessus des partis. »

Quelles sont alors les possibilités que dans ses fonctions Obama puisse dévier de manière significative de ces positions ? Même s’il avait une inclination à le faire, ce serait au coût d’une forte riposte venant des siens et d’une baisse de crédibilité pour son parti par rapport à ses engagements. L’équipe de politique extérieure d’Obama sera composée à partir de l’ « Establishment » du parti Democrate qui est impliqué dans le même consensus.

Il devrait également s’opposer à la direction de son propre parti au Congrès. Étant donné qu’Obama est arrivé au pouvoir en gagnant l’appui de l’appareil de son parti plutôt qu’en construisant une coalition alternative, il risquerait de s’aliéner sa base politique. La politique ne disparaît pas après une élection ; une autre est toujours attendue au coin de la rue, que ce soit à mi-mandat en 2010 ou pour une réélection en 2012.

Ceci ne signifie pas qu’un changement important est totalement impossible. Mais cela suggère qu’il est difficile et peu probable qu’Obama investisse l’énorme capital politique nécessaire alors qu’il a publiquement lui-même rejeté pourtant l’idée largement partagée que « le conflit israélo-palestinien est à la racine de tous les problèmes dans la région [du Moyen-Orient] » pendant son discours de juin devant l’AIPAC. Son agenda sera dominé par la crise économique qui s’approfondit aux Etats-Unis et dans le monde, et les guerres en Irak et en Afghanistan. Un changement, au cas où il s’en produise un, est susceptible d’être léger et donc insuffisant pour avancer de manière significative vers une solution viable et à deux-états.

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Ali Abunimah

* Ali Abunimah est cofondateur de The Electronic Intifada et l’auteur de One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse (Metropolitan Books, 2006)

Du même auteur :

- Le rôle d’Israël dans la guerre entre la Géorgie et la Russie - 13 août 2008
- Ce qu’a raté Obama au Moyen-Orient - 25 juillet 2008
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Sur le même thème :

- Comment Barack Obama a appris à aimer Israël - 17 mars 2007
- Le problème palestinien d’Obama - 1° juillet 2008
- Obama vire à droite sur les questions de l’Irak et du militarisme - 6 juillet 2008

10 novembre 2008 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Ana Cléja et Claude Zurbach


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