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Un drapeau plus noir que noir

jeudi 18 janvier 2007 - 20h:48

B. Michael - Yediot Aharonot

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Gravure de Falké


Vendredi prochain, 19 janvier 2007, si la Cour suprême ne nous sauve pas à temps de cette honte, prendra effet le règlement le plus scandaleux que la dictature militaire dans les Territoires entende infliger à ses sujets et à tous les citoyens d’Israël. Ce jour-là, tel que l’ordonne le major général du commandement central, Yair Naveh, il sera interdit aux Israéliens d’avoir des passagers palestiniens dans leur voiture, en Cisjordanie. Celui qui souhaitera emmener un passager palestinien sera obligé de demander une autorisation aux employés de l’occupation.

L’excuse invoquée - débile, usée, fausse - est, comme d’habitude, la sécurité.

La bonne blague ! Il n’y a aucun lien entre cette abomination et la sécurité. Ce nouveau décret du Royaume du Mal en Judée et Samarie n’est rien de plus qu’une nouvelle preuve qu’il n’y a pas de limite aux profondeurs de bestialité où la bureaucratie de l’occupation peut sombrer, quand il n’y a personne pour l’arrêter. Et ce règlement raciste n’est rien de plus qu’un nouveau boulon, particulièrement abject, dans la machine engagée, avec diligence et efficacité, à dépouiller les Palestiniens de leur dignité humaine, à les isoler, à les séparer, à les piétiner et à réduire en poussière ce qui reste de leurs droits.

Les détails du règlement de Naveh devraient être présentés avec précision : il ne concerne pas l’interdiction de faire venir des Palestiniens dans l’Etat d’Israël. L’entrée des Palestiniens en Israël est interdite depuis bien longtemps, par tous les moyens, sous toutes les formes. Ce règlement ne cherche pas à empêcher des tentatives visant à faire entrer en douce des Palestiniens dans une colonie, le ciel nous préserve ! Après tout, il leur est interdit d’entrer là aussi. Le major général Naveh souhaite simplement empêcher tout déplacement commun. Y compris une réunion sociale en Cisjordanie. Ou aider un ami à transporter jusque chez lui un chargement. Ou un simple trajet. Ne fût-ce que parcourir 200 mètres pour aller s’asseoir à un café et discuter. Inutile de dire que dorénavant, se rendre ensemble en voiture à une manifestation contre l’occupation ou à tout autre événement menaçant sera interdit.

Il y a bien sûr des exceptions : les seigneurs féodaux des colonies pourront continuer de conduire leurs esclaves indigènes sur leur lieu de travail. Après tout, il est impensable que la routine confortable des maîtres soit troublée. Et sûrement pas par un général qui permet de tout façon à cette lie de l’humanité de faire ce qui lui plaît - (voir la prestation de ce méprisable personnage de la « colonie juive d’Hébron » qui a eu la vedette sur les écrans de télévision, cette semaine).

L’Etat d’Israël dispose d’une quantité de lois, de dispositions temporaires et d’ordonnances de l’administration militaire qui dégagent une odeur infecte. Mais un mépris aussi flagrant des normes démocratiques les plus fondamentales, de toutes les règles de la guerre et de toutes les valeurs de dignité humaine et de libertés, ne s’était pas encore vu ici.

A dire vrai, même le mot « apartheid » est trop modéré pour décrire cette abomination. On n’a pas d’autre choix que de rechercher des précédents historiques ailleurs aussi. Des endroits où les Juifs eux-mêmes ont souffert de pareilles lois iniques. Pas les Noirs en Afrique du Sud, les Indiens en Amériques, les Arabes en Algérie ou les intouchables en Inde. Nous pouvons aussi tirer enseignement de notre propre expérience. Nous pouvons aussi nous alarmer au départ de notre histoire et de celle de nos aïeux, en tirer profit et tirer des conclusions, et une moralité.

Après tout, les lois qui ont été marquées dans notre chair prenaient souvent pour prétextes la « sécurité du peuple » et la défense contre l’ennemi juif qui manigance le sabotage de l’Etat et contamine de sa semence la pureté démographique.

Mes aïeux se sont vus eux aussi interdire de voyager dans le même véhicule avec des membres de la nation dominante. Mes aïeux se sont vus eux aussi interdire l’usage de moyens de transport, sauf pour rejoindre leur lieu de travail avec leurs maîtres. Mes aïeux se sont vus eux aussi interdire de circuler, de travailler, d’étudier, de se soigner, de prendre des congés ou d’honorer leur dieu, sauf si leurs maîtres leur en donnait la permission.

Et maintenant, je prends l’ordonnance du commandement central, je la contemple, désemparé et, l’estomac noué, je lis : « Il est interdit aux Palestiniens de voyager en voiture avec des Israéliens ». Les Palestiniens ne sont autorisés à se déplacer dans une voiture israélienne que pour rejoindre leur travail. Quel malheur que cette honte ! Quel malheur que cette disgrâce ! Quel malheur que le judaïsme se piétine ainsi lui-même.

Un drapeau plus noir que noir flotte au-dessus de cette ordonnance. Toute personne civilisée, toute personne attachée au droit doit se garder d’y obéir. Parce que cette ordonnance n’est pas seulement illégale. Elle est aussi malfaisante.

B. Michael - Yediot Aharonot, le 12 janvier 2007, relayé par New Profile
Traduit de l’hébreu par Michel Ghys

Voir aussi, par Amira Hass : "La cour suprême n’est pas pressée"


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