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Le Fatah se transforme en perte collatérale

jeudi 22 janvier 2009 - 07h:35

Juan Miguel Muñoz

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Gaza se meurt sous ses cendres et la milice du Hamas encaisse des coups redoutables. Cependant, les images de la télévision ont suscité un coup mortel à son rival politique, le Fatah, parti fondé par Yasser Arafat, hégémonique pendant un demi siècle.

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Policiers du Fatah, formés par l’Union Européenne, s’acquittant avec zèle de leur mission de réprimer en Cisjordanie les manifestations de soutien à la population de Gaza - Phot : AP

Ce n’est pas à cause des photos d’enfants estropiés ou encore celles des corps brûlés ; ce sont celles des forces de police de l’Autorité Nationale Palestinienne (ANP) tirant contre les manifestants des villes de Cisjordanie.

Ils poussent les Palestiniens de Hébron, Naplouse ou Jénine à bout. On a annulé les protestations à cause d’un manque de renfort à Ramallah, tandis que le monde musulman sort dans la rue afin d’exprimer son indignation face au massacre qu’Israël perpétue sur la région méditerranéenne. Les Palestiniens sont en colère. Et cette colère a pour premier destinataire le Président Mahmoud Abbas et l’ANP. Sa popularité ainsi que celle du Fatah sont tombées au plus bas niveau.

Des véhicules officiels de l’autorité Palestinienne se voient attaqués à coups de pierres en Cisjordanie.
Des véhicules officiels ont été attaqués à coup de pierre dans des bastions du Fatah tandis que Abbas condamne les atrocités mais sans adopter aucune mesure. Plusieurs de ses assesseurs lui demandent non seulement qu’il « autorise les manifestations » mais aussi qu’il s’y joigne ou qu’il libère les centaines de prisonniers du Hamas qui ont été emprisonnés durant les mois derniers pour persécution fratricide contre les Islamistes. Ce qui servirait à réparer une image dévastée par des années de corruption et par l’échec de la voie de la négociation avec Israël. Seuls le clientélisme et les millions d’injections financières de l’Occident maintiennent vivant un parti voué à la mort.

La consternation face aux événements de Gaza ( même si certains analystes affirment qu’une partie de la direction du Fatah se réjouit du coup de bâton aux islamistes) s’ajoute à l’inquiétude pour l’avenir qui s’annonce obscur. « La population s’est sentie déçue car le processus de paix est un pur mensonge ; tout ce qu’elle voit c’est l’extension des colonies et la construction du mur. Israël a mis fin au processus d’Annapolis et le Fatah en paiera les conséquences. », affirme le député Fayez Saqqa. « Un de leur principaux objectifs de l’agression à Gaza », continue-t-il, « est d’affaiblir le Président. On essaie de placer les cadavres sur la table afin d’empêcher toute négociation. Pour n’importe quel dirigeant il serait douloureux de serrer la main à un des leaders à l’origine du massacre. »

Israël veut parvenir à la division politique entre Gaza et la Cisjordanie, renforcer le Hamas dans la région et rendre le Président invisible », remarque Saqqa. Ce ne serait pas la première fois. Avant les élections palestiniennes de 2006, les ministres d’Ariel Sharon ont qualifié Abbas d’ « insignifiant ». « Israël dira qu’il n’y a pas d’associé pour la paix. Mais ce qu’elle ne veut surtout pas c’est d’un Etat palestinien qui reviendrait aux frontières de 1967. Nous acceptons les colères des gens de l’ANP et du reste du monde mais pas celles du Hamas », conclut le député.

Les politiques du Fatah ont menacé plusieurs fois de suspendre le dialogue avec le gouvernement d’Ehud Olmert.

Pure lamentation vers la galerie. « Nous envisageons la possibilité de dissoudre l’ANP sans écarter la résistance armée. Nous ne pouvons permettre que les Palestiniens disent que nous sommes serviles face à l’occupation. », ajoute Saqqa. L’accusation de collaboration avec Israël, le pire des pêchés, est dans la bouche de nombre de Palestiniens.

C’est justement l’option que promeut Ali Jarbaui, professeur de Sciences politiques à l’Université de Bir Zeit. Hostile à la violence (« la négociation comme la résistance sont toutes deux inutiles » assure-t-il), l’académicien est catégorique : Nous devons dissoudre l’ANP et demeurer sous occupation. Notre autonomie est une blague. Acceptons que la Cisjordanie et Gaza soient Israël et qu’elle se charge de tout, parce que l’ANP libère Israël du poids de l’occupation et fait de nous des quémandeurs. Le problème est que ceux qui prennent les décisions vivent dans un monde virtuel. »

Les chefs fondamentalistes travaillent au ras des pâquerettes, conscients que leur stratégie n’a pas la contrainte des calendriers à court terme. Ils craignent que le Fatah ressorte plus fort politiquement de la campagne militaire lancée par Israël. « Le Hamas peut perdre son arsenal, mais il gagne des arguments. Ils affichent l’idée que la négociation est inutile. Israël le sait et alimente cette idée. », estime Saqqa. Et Jarabaui d’ajouter : « Aujourd’hui le soutien pour le Hamas se voit croître en Palestine et dans le monde arabe. Mais dans deux ou trois mois, on verra sa face réelle. Ce qui se passe à Gaza est un autre coup porté au Fatah. Ils devraient se rendre compte qu’on ne doit pas accepter une négociation sans limite dans le temps. Abbas en paie le prix politique ».

Du même auteur :

- « Nous vous attendons à chaque coin de rue et dans chaque maison » - 7 janvier 2009
- Tous contre le Hamas - 5 janvier 2009
- Le Likoud de Netanyahu se transforme en parti d’extrême droite - 27 décembre 2008

17 janvier 2009 - El Païs - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.elpais.com/articulo/inte...
Traduction de l’espagnol par A.B


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