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Obama et les perspectives pour la paix israélo-palestinienne (2°)

samedi 6 décembre 2008 - 05h:45

Ali Abunimah

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DEUXIEME PARTIE

Obama hérite d’une situation où le consensus pour la solution à deux-état est beaucoup plus faible qu’en 2000 et où le processus en cours manque de crédibilité et d’appui dans de larges secteurs des populations israéliennes et palestiniennes.

Lien vers la première partie

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Juillet 2008 - Obama rend visite aux forces américaines d’occupation en Irak - Photo : AFP

L’absence d’accord

La tâche d’Obama serait beaucoup plus facile si les Israéliens et les Palestiniens avaient déjà ébauché une solution sur les questions centrales qui les séparent. Cependant, en dépit d’une année de négociations fortement soutenues par les Etats-Unis, le président de l’autorité palestinienne, Mahmoud Abbas et la ministre israélienne des affaires étrangères, Tzipi Livni, n’ont pu afficher aucun progrès substantiel et précis lors d’une réunion avec le Quartet international ce mois-ci. La déclaration finale du Quartet a tenté de présenter de la meilleure façon une boîte vide, déclarant que « sans minimiser les lacunes et les obstacles qui demeurent, » Abbas et Livni « sont tombés d’accord sur le fait que les négociations actuelles sont substantielles et prometteuses et qu’ils ont réussi à mettre en place une structure de négociation pour de constants progrès dans l’avenir » (communiqué du Quartet, 9 novembre 2008).

L’attention accordée par le Quartet au processus ne peut masquer la réalité que confirment les rapports des officiels israéliens et palestiniens après plusieurs mois durant lesquels pratiquement aucun progrès n’a été fait sur des questions centrales telles que les frontières, Jérusalem, les réfugiés et les colonies. Les parties en cause ont à peine bougé sur ces questions et ont même régressé sur certains sujets par rapport aux positions établies au sommet infructueux de Camp David en juillet 2000. En Cisjordanie occupée il y a eu huit années supplémentaires d’une implacable extension coloniale israélienne avec la construction par Israël du Mur annexant de vastes zones.

Obama hérite d’une situation où le consensus pour la solution à deux-état est beaucoup plus faible qu’en 2000 et où le processus en cours manque de crédibilité et d’appui dans de larges secteurs des populations israéliennes et palestiniennes.

La scène politique israélienne

Les Israéliens éliront un nouveau gouvernement en février 2009. L’opinion qui domine est que pour que des négociations de paix aboutissent, il faut que le parti Kadima qui gouverne actuellement et est dirigé par la ministre des affaires étrangères Livni, prenne le pas sur le parti du Likud dirigé par l’ancien premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. « Livni représente la volonté israélienne de poursuivre le processus de paix, » a écrit un commentateur israélien, tandis que Netanyahu serait sur une « trajectoire de collision » avec une administration Obama supposée être fortement motivée pour solutionner le conflit (Amir Oren, « Sur une trajectoire de collision avec Obama, » Haaretz, 12 novembre 2008). Cependant, n’importe quel gouvernement israélien issu des élections est susceptible de suivre un cours tout à fait similaire.

Censée être partisante de la solution à deux-états, Livni a récemment déçu les espoirs pour un programme ambitieux pour la paix en critiquantt vertement les commentaires faits par Ehud Olmert du Kadima, l’actuel premier ministre israélien, disant qu’Israël devrait se retirer presque jusqu’aux frontières de 67 (voir « Livni se distance des propos d’Olmert sur les frontières de 67, » Haaretz, 11 novembre 2008). Livni, il faut le rappeler, a échoué à former une coalition après la démission d’Olmert parce qu’elle n’a pas réussi à attirer un partenaire-clé à moins de garantir qu’il n’y aurait aucune négociation sur Jérusalem.

Livni a également prévenu l’administration entrante d’Obama de ne pas jouer un rôle actif dans le processus de paix. « Vous [la nouvelle administration] n’avez nul besoin maintenant de faire quoi que ce soit d’important à ce sujet. La situation est calme. Nous avons ces discussions de paix, » a-t-elle déclaré devant les responsables de la communauté juive à New York. Livni a également dit à destination du Quartet, « nous ne vous demandons pas d’intervenir. S’il-vous-plait, c’est une question bilatérale. Nous ne voulons pas que vous tentiez d’établir des ponts entre nous. Ne mettez pas de nouvelles idées sur la table. » Elle a également réaffirmé son opposition au retour des réfugiés palestiniens, « pas même pour l’un d’entre eux » (Shlomo Shamir, « Livni : Israël ne compte pas sur Obama dans des entretiens pour la paix, » Haaretz, 13 novembre 2008).

Netanyahu, qui s’est nommément opposé à un état palestinien, peut adopter une approche semblable comme il l’a fait lors de son mandat précédent [comme premier ministre] de 1996 à 1999 où en dépit des prévisions il s’est engagé dans ce processus même s’il en détruisait la substance. En effet ce mois-ci, Netanyahu « s’est engagé à poursuivre des négociations avec les Palestiniens s’il remporte les élections de février, s’écartant de ses précédentes déclarations selon lesquelles il abandonnerait des entretiens de paix soutenus par les Etats-Unis ». En même temps, Netanyahu « n’a donné aucune indication qu’il ferait des concessions significatives » (Steve Weizman, « Netanyahu amollit sa ligne au sujet des entretiens pour la paix, » Associated Press, 10 novembre 2008).

Donc les élections israéliennes ne changeront pas la réalité : il n’y a aucun parti important ni aucune coalition imaginable au pouvoir qui pourrait remplir les conditions minimales pour une solution à deux-états. Tous les partis israéliens sont sur la défensive ; ils n’ont aucune voie légitime et réalisable pour préserver un état juif tandis que les Palestiniens placés sous la domination israélienne se transforment en majorité.

N’importe quel gouvernement israélien poursuivra une stratégie de gestion du conflit, probablement en reconduisant le cessez-le-feu à Gaza et en passant par des simulacres de négociations comme moyens de réduire au minimum la pression externe. Israël est susceptible également de mobiliser ses alliés pour faire pression sur Obama afin que les Etats-Unis maintiennent une position agressive envers l’Iran. Les officiels israéliens ont déjà été en contact avec Obama par l’intermédiaire de son conseiller Dennis Ross afin de souligner que l’Iran reste leur souci premier (voir Helene Cooper, « Un monde de conseils pour Obama sur la politique extérieure, » New York Times, 13 novembre 2008).

Les Palestiniens

La réconciliation entre le mouvement Hamas et l’autorité palestinienne (AP) soutenue par les Etats-Unis et dirigée par Mahmoud Abbas et sa faction du Fatah, doit encore être concrétisée. Le Hamas s’est retiré des entretiens sponsorisés par l’Egypte et prévus plus tôt ce mois-ci, invoquant les arrestations continues de membres du Hamas en Cisjordanie par des forces de l’AP. Le Hamas a publiquement maintenu son engagement à reconstruire un gouvernement d’unité nationale tandis qu’Abbas, en permanence sous la pression de Washington, a maintenu une position conflictuelle envers le mouvement islamiste.

Abbas a demandé au Quartet de maintenir une aide politique, économique et « sécuritaire » au gouvernement palestinien légitime qui a accepté les principes du Quartet et repris les engagements de l’OLP [Organisation pour la Libération de la Palestine]. » La « légitimité » signifie ici clairement le soutien de l’étranger plutôt qu’un mandat démocratique dont manque le gouvernement désigné par Abbas. Une autre complication est que le mandat légal d’Abbas expire en janvier 2009, et il n’y a pas d’élections en perspective à court terme.

La déclaration du chef de l’AP au Quartet suggère une vue du processus de paix non comme moyen de parvenir à un accord négocié mais plutôt comme mécanisme permettant de conserver un appui externe face à ses rivaux politiques. Aucune partie palestinienne participant aux négociations dans de telles conditions — même si elle concluait un accord avec les Israéliens — ne disposerait du soutien palestinien nécessaire pour fixer un tel arrangement.

L’espoir des dirigeants du Hamas est que la nouvelle administration américaine puisse entamer des discussions avec eux. Ils ont envoyé des signaux conciliants censés infléchir le président entrant, y compris en rappelant le soutien du Hamas à une solution à deux-états (voir « Ecoutez le Hamas, » de Haaretz, 9 novembre 2008). Les engagements répétés d’Obama par rapport aux conditions du Quartet, selon lequelles le Hamas doit d’abord reconnaître Israël, renoncer à la résistance et se conformer aux accords signés, qu’Israël fasse ou non de même, font que ces ouvertures sont peu susceptibles d’être suffisantes.

Les dirigeants du Hamas se rappellent du moment où les Etats-Unis avaient entamé un dialogue de courte durée avec l’OLP uniquementt après que les dernières conditions préalables aient été remplies en 1988. La leçon de cet épisode et de la période d’Oslo est qu’il y a peu d’avantage à vendre des concessions politiques pour obtenir une simple reconnaissance ou des discussions comme fin en soi. Il serait également uniquement à l’avantage d’Israël que les organisations palestiniennes se fassent concurrence pour devenir les plus acceptables des Palestiniens aux yeux d’un gouvernement américain.

Les Palestiniens feraient mieux de se concentrer sur une stratégie qui ne dépende pas de nuances dans les attitudes des différents gouvernements des États-Unis. Ceci inclut de rétablir la légitimité et l’unité politiques de la direction nationale palestinienne par la rénovation, la réforme et la démocratisation de l’OLP, de mobiliser une solidarité internationale soutenant les droits palestiniens légitimes, et de s’opposer à l’occupation israélienne et à ses pratiques discriminatoires.

Peu de changement mais une situation pas totalement statique

Il y a une leçon tout à fait révélatrice dans la crise financière mondiale. Les organismes de crédit ayant une réputation de solvabilité ont surestimé des valeurs qui se sont avérées être en fait beaucoup plus risquées. Il y avait un conflit d’intérêt : les agences faisant les d’estimation ont été payées par les banques d’affaires mêmes qui avaient publié ces valeurs. Rétrospectivement, de telles estimations devraient avoir été considérées avec beaucoup plus de scepticisme.

Il y a également toute une industrie qui pour différentes raisons veut la survie du « processus de paix » en le considérant comme primordiale, indépendamment de ses échecs, et montre donc un inébranlable « optimisme » quant à ses perspectives. Pour les responsables israéliens et palestiniens, le processus est un des moyens pour paraître occupé à résoudre le conflit tout en écartant toute pression politique. Nous ne pouvons pas plus sous-évaluer les effets de distorsion des millions de dollars placés dans des organismes attachés à la poursuite du processus de paix. Quelques analystes à l’intérieur de cette bulle du processus de paix sous-estiment l’importance et l’influence de toute initiative en dehors de ce cadre, écartent trop facilement des idées en désaccord avec l’orthodoxie actuelle et se trouvent donc constamment surpris par des développements qu’ils n’ont pas prévus.

Il faut s’attendre à peu changement dans la politique des Etats-Unis mêm si une nouvelle administration prend ses fonctions. Ceci ne signifie pas que la politique américaine ne changera jamais. L’administration sortante a adapté son approche aux évolutions des puissances régionales et à d’autres développements indépendants de sa volonté. En même temps, après quinze ans, le processus de paix est dans un cul-de-sac, et la solution à deux-états semble irréalisable. La nouvelle administration ne rétablira pas facilement cette approche. Que se passera-t-il alors ?

Indépendamment de la politique des Etats-Unis, la résistance régionale est susceptible de durer, frustrant les efforts pour maintenir un statu quo ou pour imposer une paix qui ne traite pas les injustices et les inégalités fondamentales. Il y a eu deux Intifada (soulèvements) palestiniennes contre l’occupation israélienne en vingt ans, et il y a des signes annonciateurs d’une troisième Intifada. Israël trouvera de plus en plus difficile de justifier sa politique face à l’opinion publique mondiale et sera confronté à un défi croissant de boycott international, de désinvestissement et de demandes de sanctions. Les efforts de poursuites, devant une juridiction universelle, des Israéliens accusés de crimes de guerre dans les territoires occupés s’intensifieront et peuvent commencer à porter leurs fruits. Les Palestiniens de Gaza refuseront de rester assiégés. Les citoyens palestiniens d’Israël continueront leur propre lutte pour la démocratie.

Un effort récent du gouvernement britannique pour inviter les 27 Etats membres de l’Union européenne à imposer une interdiction sur les importations de produits venant des colonies israéliennes, laisse supposer que même les plus pro-israéliens des gouvernements ne sont pas toujours immunisés contre la pression publique en faveur de politiques fondées dans le droit international (« La Grande-Bretagne demande à l’UE de cesser les importations venant de Cisjordanie, » Haaretz, 4 novembre 2008). Durant le mandat du président Obama, les Palestiniens deviendront la population disposant d’une absolue majorité dans la région comprenant Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza pour la première fois depuis 1948. Ces tendances exigeront des responsables politiques des Etats-Unis qu’ils réexaminent leurs réponses.

Avec des questions aussi ouvertes mais confinées dans les cercles officiels, c’est également un moment où le nombre de plus en plus important de conférences organisées par la société civile, de débats et d’initiatives visant à trouver des alternatives à la solution à deux-états, peut commencer à remodeler de façon décisive les visions d’un avenir de justice, réalisable et pacifique pour tous les peuples de la région.

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Ali Abunimah

* Ali Abunimah est cofondateur de The Electronic Intifada et l’auteur de One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse (Metropolitan Books, 2006)

Du même auteur :

- Le rôle d’Israël dans la guerre entre la Géorgie et la Russie - 13 août 2008
- Ce qu’a raté Obama au Moyen-Orient - 25 juillet 2008
- Se souvenir de 1948 et regarder l’avenir - 17 mai 2008
- Un ministre israélien menace d’“holocauste” mais l’opinion veut un cessez-le-feu - 1° mars 2008
- Quelle sera la prochaine étape logique pour Israël ? - 18 février 2008

Sur le même thème :

- Comment Barack Obama a appris à aimer Israël - 17 mars 2007
- Le problème palestinien d’Obama - 1° juillet 2008
- Obama vire à droite sur les questions de l’Irak et du militarisme - 6 juillet 2008

10 novembre 2008 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Ana Cléja et Claude Zurbach


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