Une effroyable attaque à la bombe ramène le Hamas et le Fatah au bord de conflits déclarés, écrit Khaled Amayreh depuis la Cisjordanie

Bombe à Gaza

Des Palestiniens portent les corps des militants du Hamas dans les rues de Gaza samedi après que l’explosion d’une bombe a tué cinq importants militants palestiniens et une fillette de cinq ans (photos : AFP)

Le conflit tenace entre le Hamas et le Fatah a empiré cette semaine quand un engin explosif a été détonné sous une voiture garée à une plage de Gaza, tuant cinq militaires du Hamas ainsi qu’une fillette de six ans.

L’incident s’est produit le vendredi 25 juillet alors que des milliers de Gazaouis se pressaient sur la plage pour fuir la chaleur inhabituellement forte de l’été.

Parmi les victimes qui étaient également en vacances à la mer, il y avait des personnalités importantes de la branche militaire du Hamas, les Brigades Ezzeddin Al-Qassam, notamment le beau-fils de Khalil Al-Hayya, dirigeant clé du Hamas.

Le Hamas a accusé la « tendance traîtresse » du Fatah de l’explosion - allusion au groupe appuyé par les Etats-Unis et dirigé par l’ancien homme fort de Gaza, Mohamed Dahlan ; le mouvement a juré de capturer les coupables et de les punir sévèrement.

Dahlan et ses hommes ont fui Gaza l’année dernière après le coup préemptif du Hamas déjouant une action des forces de sécurité du Fatah, appuyée par les Etats-Unis, qui selon le Hamas, devait éliminer son gouvernement légitime dans la Bande de Gaza.

Shihab al-Natche

Des Palestiniens visitent la maison détruite d’un membre du Hamas, Shihab Al-Natche, 25 ans, après une opération de l’armée israélienne dans la ville occupée de Hébron en Cisjordanie, dimanche. Les soldats israéliens ont arrêté trois autres hommes durant le raid.

Le Fatah, qui a initialement fait montre de satisfaction, a nié toute implication dans l’incident.

Toutefois, dans l’intention manifeste de provoquer le Hamas, le Fatah ainsi que l’Autorité palestinienne dominée par ce parti, ont suggéré que l’attaque était une affaire intérieure du Hamas, ce que les observateurs palestiniens indépendants ont rejeté comme une très vague possibilité.

En cherchant à identifier et à arrêter les coupables, les forces de sécurité du Hamas à Gaza ont mené une vaste campagne d’arrestations visant les militants du Fatah.

D’après des groupes de défense des droits humains, jusqu’à 150 militants du Fatah ont été arrêtés, dont beaucoup ont été libérés après quelques heures.

En Cisjordanie, l’AP, qui travaille en coordination avec l’armée israélienne a lancé une attaque au vitriol contre le Hamas auprès de la population en accusant le mouvement islamiste de mener une chasse aux sorcières contre le Fatah. Les dirigeants du Fatah et de l’AP ont pris soin de nier toute participation dans le meurtre des cinq officiers des brigades Ezzeddin Al-Qassam et ont accusé le Hamas de se servir de l’incident pour justifier ses actions contre le Fatah.

Cherchant à agacer le Hamas, les mukhabarat (agents de sécurité) du Fatah, ont opéré des descentes dans les maisons de membres soupçonnés d’appartenir à l’opposition dans le nord de la Cisjordanie et ont arrêté au moins cent personnes.
Parmi ces dernières figurent des élus du conseil municipal de Naplouse, des juges, des professeurs, des étudiants, des dirigeants civils et religieux dont beaucoup n’avaient pas d’affiliation avec le Hamas.

Abdul-Sattar Qassem, ancien candidat à la présidence et critique déclaré de l’AP, était parmi les personnes arrêtées ; il n’a aucun lien avec le Hamas. Qassem, qui a été libéré mardi soir, a dit à Al-Ahram Weekly ne pas connaître le motif de son arrestation.

« Ils ont été généralement polis avec moi, mais un officier m’a brièvement questionné au sujet de mes articles qu’il considère comme musclés ». Qassem proposerait au Hamas et au Fatah « d’autoriser des intellectuels palestiniens nationalistes indépendants d’examiner la crise intérieure palestinienne pour essayer de trouver une solution ».

Le Weekly a demandé au gouverneur de Naplouse, Jamal Muhesen, pourquoi il avait autorisé les arrestations alors qu’elles étaient sans fondement, mais Muhesen a refusé de répondre et c’est son secrétairiat personnel qui a dit « Les arrestations ont été faites sans que le gouverneur ne soit au courant. La décision émanait de Ramallah. Le gouverneur n’a rien à voir la dedans ».

Entre temps, le Président de l’AP, Mahmoud Abbas, qui avait caractérisé de « regrettable » l’explosion de Gaza et les représailles du Hamas qui s’en sont suivies, a parlé d’un effort de médiation imminent de la part de l’Egypte en vue de relancer les entretiens de réconciliation nationale entre le Fatah et le Hamas.

Mahmoud Abbas

Le Président palestinien Abbas à une conférence de presse après sa réunion avec le Président Mubarak au Caire, dimanche

Le Hamas a rejeté les commentaires d’Abbas, qu’il a caractérisés de « tentative manifeste pour détourner l’attention de l’attentat à la bombe sur la plage de Gaza ».
Moussa Abu Marzouq, vice-président du bureau politique du Hamas a rejeté l’appel d’Abbas au dialogue comme « dénué de sens et de sérieux vu ce que font ses organes de sécurité en Cisjordanie ».
Abu Marzouq a qualifié de « hargneuse » l’arrestation de cadres du Hamas en Cisjordanie et a accusé l’AP de collusion avec Israël pour cibler le Hamas. Il a aussi nié que les arrestations de partisans du Hamas en Cisjordanie répondent à celles des militants du Fatah dans la Bande de Gaza.

« L’arrestation de certains éléments du Fatah à Gaza s’est déroulée dans le contexte d’une enquête sur un acte criminel qui a tué six personnes innocentes. Par contre, les arrestations par le Fatah de partisans du Hamas et d’autres citoyens palestiniens sont motivées par des considérations politiques dans le but de servir les intérêts de l’occupation israélienne ».

On ne voit pas clairement quelles répercussions l’attaque de Gaza aura sur les perspectives d’une réconciliation entre Palestiniens. Ce qui est par contre évident, c’est que le conflit entre le Fatah et le Hamas prend de plus en plus un caractère tribal.

Mardi, une délégation de haut rang du Hamas est partie pour le Caire pour avoir des entretiens avec des officiels égyptiens, notamment le chef des services généraux de renseignements, Omar Suleiman, afin de renforcer la tahdia - le cessez-le-feu - avec Israël.

Selon des officiels du Hamas, la délégation insistera auprès des Égyptiens pour qu’ils rouvrent le passage de la frontière de Rafah conformément aux engagements que l’Egypte avait déjà pris dans ce sens.

L’arrivée de la délégation du Hamas au Caire coïncide avec celle d’un officiel israélien responsable du
« dossier Shalit » (soldat israélien capturé par des résistants il y a deux ans).

Mardi, les médias israéliens ont signalé que, sous pression, le Premier Ministre israélien, Ehud Olmert, avait accepté d’assouplir les conditions de la libération des prisonniers palestiniens inclus dans l’échange.

Selon des sources dans la presse israélienne, la « souplesse » dont fait preuve Israël devrait être répercutée par le Hamas. Pourtant, dans ce contexte, l’armée d’occupation israélienne continue à tourmenter et à brutaliser la société palestinienne sans discrimination.

Lundi, l’armée israélienne a brûlé une fabrique de meubles à Naplouse occasionnant des dégâts chiffrés à plus de 3 millions de dollars.

Cet acte criminel ostensiblement délibéré coïncide avec les tentatives désespérées faites par des donateurs occidentaux pour relancer l’économie palestinienne afin de renforcer les perspectives de paix entre Israël et les Palestiniens.

Sabri Hindiyyeh, propriétaire de Qaser Hindiyyeh Furniture, a dit à Maan. « l’armée israélienne a envoyé des bombes incendiaires et fumigènes dans le magasin à deux heures du matin mardi, réduisant tout le contenu en cendres ».

Avant cela, l’armée israélienne avait détruit un bâtiment de plusieurs étages à Beit Hanina à Jérusalem Est sous prétexte qu’il avait été construit sans permis valide.

Du même auteur :

 Si Israël libère les députés palestiniens, Abbas menace de dissoudre l’AP
 Shalit : la saga continue
 Seule réponse : le silence
 Le Fatah et sa 5e colonne

juillet 2008 http://weekly.ahram.org.eg/2008/908...
Traduction : amg