16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Frappe sur Tel Aviv

jeudi 3 janvier 2008 - 18h:22

Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Nucléaire iranien : le rapport des agences américaines de renseignement est un coup sévère pour Israël et sa politique belliciste.

JPEG - 26.3 ko
Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad - Photo extraite de : www.president.ir

Le téléphone portable de Shlomo Segev, médecin privé du premier ministre israélien Ehoud Olmert, a sonné à environ 18 heures mercredi dernier. C’était le secrétaire personnel d’Olmert demandant à Segev de remettre l’heure de rendez-vous au domicile d’Olmert et en présence de son épouse, afin de programmer une opération pour enlever la tumeur cancéreuse à la prostate dont souffre le premier ministre. Ce rendez-vous devait être décommandé suite à un évènement important touchant à la sécurité - à ce moment même Olmert dirigeait une réunion de crise avec les responsables des agences de sécurité et de renseignements et les représentants de l’agence israélienne pour l’énergie atomique, ainsi qu’avec des experts en matière de propagande et les ministres des affaires étrangères et de la défense. À l’ordre du jour étaient les affirmations d’un rapport des services de renseignement américains selon lesquelles l’Iran avait depuis 2003 stoppé son programme de développement d’armes atomiques. Les assistants à la réunion sont tombés d’accord pour dire que le rapport était un coup retentissant pour Israël, et certains l’ont présenté comme « un échec majeur dans les domaines du renseignement et de la diplomatie ».

Au cours de cette réunion, le ton d’Olmert était tranchant et décisif. Il a exigé des responsables des services d’espionnage et des représentants de l’agence pour l’énergie atomique « qu’ils exploitent tous les moyens en Israël et toutes les capacités en renseignement pour prouver que le rapport américain interprétait les données de façon erronée ». Le journaliste israélien Ben Kasbit qui a des liens étroits avec les services d’espionnage, a indiqué que le chef du Mossad, Meir Dagan, avait promis à Olmert au cours de la réunion que son agence travaillerait à prouver au monde qu’en plus du programme d’armements nucléaires stoppé en 2003 et du programme nucléaire à but pacifique que l’Iran continue de développer, un troisième programme, mais secret existait et que l’Iran l’avait dissimulé avec succès jusqu’à aujourd’hui. Dagan a promis que son agence coopérerait avec les autres services afin d’essayer de démontrer que les Iraniens cherchent à travers ce programme secret à acquérir des capacités nucléaires militaires sans que le monde extérieur en ait connaissance.

Quant à la propagande, il a été décidé au cours de cette réunion qu’une campagne sans concession serait menée contre le rapport américain, mais pas par les agences israéliennes officielles. Il a donc été décidé qu’il ne fallait pas qu’aux niveaux militaires et politiques officiels il puisse apparaître qu’à n’importe quel prix Israël veuille pousser l’administration américaine à la confrontation militaire avec l’Iran. Cette campagne serait menée par des experts israéliens en matière de propagande, en coopération avec des généraux à la retraite, des spécialistes en matière d’énergie atomique, et des responsables à la retraite des agences d’espionnage, le tout en coordination avec les dirigeants des groupes de pression pro-israéliens aux Etats-Unis et avec tous ceux qui aux Etats-Unis ont critiqué le rapport.

Bien que les bases de cette campagne de propagande n’aient pas été dévoilées, il est possible d’en identifier les mécanismes une semaine après qu’elle ait été lancée et on peut constater que ses buts semblent contradictoires et faibles. Les participants à la campagne propagandiste israélienne exposent des doutes quant au professionnalisme démontré dans le rapport, expliquant que les Américains ont interprété leurs renseignements de façon inexacte et incomplète. Ils mettent en doute également les motivations des 16 hauts fonctionnaires dirigeant les agences américaines de renseignement à l’origine du rapport, plusieurs des propagandistes [israéliens] prétendant que ce rapport est basé sur les leçons de la guerre contre l’Irak, lorsque l’administration américaine avait justifié sa guerre par l’information communiquée par les services américains d’espionnage disant que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive alors que cette information s’était ensuite avérée fausse. Ceux qui animent la campagne israélienne prétendent que les auteurs du rapport ont voulu empêcher le président Bush de partir en guerre contre l’Iran en sapant publiquement les raisons de déclencher cette guerre.

Mais les propagandistes israéliens se contredisent les uns les autres en prétendant dans le même temps que le rapport a été publié avec l’accord de Bush lui-même, celui-ci cherchant une justification pour ne pas faire la guerre contre l’Iran, ce qui devient clairement impossible une fois publié le rapport. Afin d’ajouter une touche personnelle à cette question, le gouvernement d’Olmert a laissé filtrer une étude publiée par des chercheurs au ministère israélien des affaires étrangères expliquant que Bush a décidé de ne pas faire la guerre à l’Iran à cause de sa faiblesse actuelle. Auparavant pourtant les médias israéliens avaient traité la question avec des citations appropriées d’un certain nombre de fonctionnaires israéliens félicitant Bush pour sa détermination à mettre un terme au programme nucléaire de Téhéran.

Mais ces efforts de propagande n’ont pas réussi à convaincre même la plupart des médias israéliens. Tous les commentateurs dans les journaux israéliens pour les questions d’espionnage, tels que Ronin Bregman, Yossi Melman, Amir Oren et d’autres rappellent que le rapport américain s’appuie sur exactement la même information que celle qui est disponible en Israël et que les agences israéliennes de renseignement ne possèdent aucune information que les agences américaines n’aient pas également. Ces commentateurs objectent aussi que les hauts fonctionnaires dirigeant les agences israéliennes savent pertinemment qu’il leur est impossible de réfuter le professionnalisme des agences américaines.

Israël est extrêmement embarrassé aux niveaux politique et sécuritaire par le rapport américain car celui-ci démontre qu’Israël — et en particulier ses agences de renseignement - agissent comme si leur objectif était de pousser Washington dans une confrontation sans justification avec Téhéran. Mais Israël n’a pas seulement subi un échec sur le plan diplomatique et en termes de couverture médiatique. Le rapport a aussi représenté un coup dur pour la stratégie israélienne consistant à agiter le slogan : « l’Iran nucléarisé est une menace pour la paix et la sécurité dans le monde. »

Alors que la publication du rapport faisait échouer le pari israélien selon lequel l’administration Bush bloquerait le programme nucléaire iranien par une action militaire, Tel Aviv se rend compte que même le prochain président américain ne pourra pas décider d’une guerre contre l’Iran après un tel rapport. Tel Aviv se rend compte également que sa capacité à convaincre les autres pays à imposer de strictes sanctions économiques à l’encontre de Téhéran avait diminué, en dépit de la promesse faite par Bush et par la secrétaire d’état Condoleezza Rice de poursuivre leurs efforts pour exercer une pression accrue sur Téhéran. Tel Aviv sait que plusieurs des pays qui entretiennent des relations économiques et commerciales avec Téhéran ont poussé un soupir de soulagement après la publication du rapport, parce que celui-ci leur permet de résister aux pressions de Washington pour les enrôler dans une alliance contre l’Iran.

Pourtant la situation fâcheuse qui est celle d’Israël après la publication du rapport américain ne se limite pas à cela. Selon les dirigeants de Tel Aviv, l’Iran constitue une menace stratégique pour Israël même sans armes nucléaires. Selon le général Binyamin Ben-Eliezer, ministre israélien de l’infrastructure, l’Iran possède un arsenal très étendu de missiles ballistiques qui pourraient frapper toutes les zones israéliennes. Tsevi Bareil, un chercheur et écrivain israélien connu, a déclaré que le rapport américain a fait perdre à Tel Aviv « une position stratégique importante », et qu’Israël aura du mal à continuer à promouvoir ses stéréotypes sur l’Iran pour gagner des soutiens à sa politique régionale.

Pour exemple, il sera maintenant difficile à Israël d’exiger que la Syrie coupe ses liens avec l’Iran comme condition préalable à la reprise de négociations de paix. Roni Daniel, commentateur militaire pour la seconde chaîne israélienne de télévision, soutient que le rapport est un coup dur porté aux tentatives israéliennes de se rapprocher des états arabes — en particulier les états du Golfe — parce que ce rapport sape l’argument d’Israël selon lequel la menace iranienne représenterait un dénominateur commun, ce qui alors développerait des possibilités pour des coopérations et des accords mutuels, voir même pour une alliance basée sur des intérêts communs.

Encore plus inquiétant pour les dirigeants israéliens est le fait que le rapport américain prépare le terrain pour une nouvelle période dans les relations entre Téhéran et Washington. Tel Aviv a observé avec un extrême souci comment le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a participé au récent sommet des états du Golfe. Les cercles stratégiques à Tel Aviv estiment que la participation d’Ahmadinejad n’aurait pas été possible sans un feu vert de la part de Washington. Dans le même temps, ces cercles s’inquiètent des réunions plus fréquentes entre les diplomates iraniens et américains à Bagdad à l’invitation du gouvernement de Nuri Al-Maliki dans le but de diminuer le niveau de violence en Irak. De même, Tel Aviv est attentif à l’accord sur l’élection d’un nouveau président au Liban, pensant que cette élection pourrait bien indiquer une nouvelle étape dans les relations entre les deux camps. D’une façon générale les dirigeants israéliens estiment que le rapport américain représente un succès diplomatique pour l’Iran.

Pour terminer, le rapport porte un coup à la crédibilité des agences israéliennes de renseignement qui ont toujours prétendu fournir des informations indiscutables. Cette évolution est extrêmement négative pour Israël car l’Occident — et en particulier Washington — a souvent pris des décisions sur la base des renseignements fournis par Israël. Le doute sur la crédibilité des agences israéliennes de renseignement a gagné Yossi Melman, spécialistes des services d’espionnage pour le journal israélien Haaretz, qui accuse à présent les agences israéliennes de « cuisiner » l’information pour les intérêts personnels des dirigeants israéliens. Melman a invité son gouvernement à aller dans le sens de la suggestion faite par de l’ancien chef du Mossad, Efraim Halevy, c’est-à-dire d’engager un dialogue avec l’Iran.
Il apparait cependant que ceux qui prennent les décisions en Israël n’abandonnent pas l’idée d’un conflit. Avigdor Lieberman, adjoint au ministre des affaires étrangères a expliqué lors d’une entrevue avec la deuxième chaîne vendredi dernier que l’état israélien était maintenant seul face à Iran. Reste à savoir si cette déclaration est le prélude à une action unilatérale.

Du même auteur :

- Le Hamas en ligne de mire
- De Balfour à Bush
- Yasser Arafat doit se retourner dans sa tombe
- Compte à rebours avant l’offensive israélienne sur Gaza

13 décembre 2007 - Al-Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/875...
Traduction : Claude Zurbach


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.