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L’armée britannique évacue son QG de Bassora, dans le sud de l’Irak

mardi 4 septembre 2007 - 20h:42

Jean-Pierre Langellier - Le Monde

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Des soldats britanniques à Bassora (Irak), en novembre 2006 (Ph. AFP/E. Al-Sudani)

C’est une décision hautement symbolique. Les troupes britanniques sont en train de quitter la dernière ville où elles étaient présentes en Irak. Elles ont commencé, dimanche 2 septembre, à se retirer de leur base du palais de Bassora, deuxième localité du pays. L’opération ne devrait pas prendre plus d’un ou deux jours.

Les 550 soldats stationnés dans leur quartier général au c ?ur de la grande cité du Sud irakien sont redéployés sur l’aéroport, situé à 25 km et où se trouvent les quelque 5 000 hommes opérant encore dans le pays.

Le retrait a été annoncé par le général Mohan Tahir, chef des forces de sécurité de la province. Les troupes irakiennes, a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse, contrôlent désormais le palais de Bassora. L’opération a été confirmée par un porte-parole du premier ministre britannique, Gordon Brown. La base évacuée abritait les logements de militaires et de diplomates depuis l’invasion du pays, en 2003.

Regroupé totalement à l’aéroport, le contingent britannique continuera à jouer un rôle de "supervision". Il entraînera et conseillera la 10e division irakienne. Il l’épaulera si nécessaire lors d’opérations ponctuelles. Ce repli devrait permettre, comme prévu, de réduire à 5 000 le nombre total de soldats d’ici à décembre.

L’opération comporte bien sûr un risque : laisser le champ libre aux nombreuses milices chiites qui se disputent le contrôle de la ville. L’armée irakienne pourra-t-elle ou voudra-t-elle les tenir en respect ? Le retrait du palais de Bassora marque une étape nouvelle et significative dans la poursuite de la réduction de l’engagement britannique en Irak.

Au nombre de 18 000 en mai 2003, après la chute de Saddam Hussein, et de 7 000 au début de 2007, les soldats ne sont plus que 5 500 aujourd’hui. Ils ont évacué trois provinces en un an.

Gordon Brown se refuse toujours, cependant, à fixer un calendrier de retrait, de peur de "miner le travail magnifique" des troupes en Irak, a-t-il souligné, il y a quelques jours, dans sa réponse à une lettre de Sir Menzies Campbell, chef du Parti des démocrates libéraux (LibDem), hostile à la guerre.

Ce dernier a accueilli la nouvelle du retrait de Bassora comme la preuve que l’armée britannique ne peut plus jouer un "rôle efficace" sur le terrain.

L’évolution de la situation lui donne largement raison. Les relations entre les soldats, accueillis avec une certaine sympathie en 2003, et les civils se sont gravement dégradées après une série d’incidents en 2005.

"Le plan américain était défectueux"

La surenchère entre les milices chiites, entraînées ou soutenues par l’Iran voisin, le noyautage par elles de la police et le manque d’autorité du pouvoir central ont placé les Britanniques face à des attaques au coût humain toujours plus fort et jugé de plus en plus intolérable par l’opinion. Londres a perdu 159 soldats en Irak.

En cautionnant un désengagement progressif, quoique prudent, Gordon Brown tient compte aussi des v ?ux de l’état-major, inquiet des tensions subies par une armée aux effectifs insuffisants et désireux de puiser en Irak les troupes qui lui permettront de "mettre le paquet" en Afghanistan, dans une guerre à ses yeux beaucoup plus légitime.

Les anciens chefs militaires ne se gênent plus maintenant pour critiquer ouvertement l’allié américain. "Il n’y a aucun doute, avec le recul, que le plan américain pour l’après-guerre était défectueux, et nombre d’entre nous le pressentaient à l’époque", a déclaré, dimanche, au Sunday Mirror le général Tim Cross.

Cet officier supérieur était le plus haut gradé britannique chargé de la planification de l’après-guerre. Il met en cause directement l’ancien ministre de la défense américain, Donald Rumsfeld : "Dès le tout début, nous étions très préoccupés par le manque de précision du plan pour l’après-guerre. Rumsfeld n’a pas voulu entendre ce message. Les Américains étaient convaincus que l’Irak s’en sortirait assez rapidement comme une démocratie stable."

Même son de cloche du côté du général à la retraite Sir Mike Jackson, chef de l’armée au moment de l’invasion. "M. Rumsfeld est l’une des personnes les plus responsables de la situation actuelle en Irak", écrit-il dans son autobiographie, dont des extraits ont été publiés par le Daily Telegraph.

Le général y qualifie la politique américaine de "faillite intellectuelle". Réagissant à ce jugement, l’ancien ambassadeur américain à l’ONU, John Bolton, accuse le général de donner "une version de l’Histoire appuyée par aucune preuve".

Les politiques sont aussi montés au créneau. Des Browne et David Miliband, ministres de la défense et des affaires étrangères, ont jugé "déplacées" les remarques d’un général américain à la retraite faisant état de la "frustration" des Etats-Unis face à la dégradation de la sécurité autour de Bassora.

"Les troupes britanniques ont-elles échoué ? demandent les ministres, dans une tribune au Washington Post, la réponse est non. Il n’y a aucune insurrection antigouvernementale à Bassora, et très peu d’indications d’une présence d’Al-Qaida dans le sud de l’Irak."

Sur le même sujet :

- En Irak, les soldats de Sa Majesté désarmés par la défaite politique

Jean-Pierre Langellier, correspondant à Londres - Le Monde, le 3 septembre 2007


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