Le 8 juillet dernier, les Palestiniens se sont souvenus de Ghassan Kanafani, grand écrivain palestinien, assassiné par Israël à Beyrouth dans un attentat à la voiture piégée 25 ans plus tôt.

Ils se sont souvenus de son livre « Des hommes dans le soleil », qui a donné un des films les plus puissants du cinéma arabe, « Les dupes » ou « Al-Makhdou’oune ». Ce sont des Palestiniens qui veulent fuir l’enfer des camps de réfugiés pour l’eldorado koweitien dans un camion-citerne et qui confient leur vie à un chauffeur de camion.

Aujourd’hui, en temps de crise et de division, on s’inquiète, à juste titre, que Mahmoud Abbas soit ce chauffeur de camion qui mène les Palestiniens vers nulle part. Depuis les affrontements de Ghaza, militairement gagnés par Hamas, Mahmoud Abbas est en train de larguer toutes les amarres palestiniennes. Mise au ban du Hamas, discours éradicateur à la Bush assimilant le Hamas à Al-Qaïda (chose absolument fausse et que même les services israéliens n’ont pas essayé d’étayer), et très récemment un désarmement sans condition du Fatah.

Et au-delà, c’est la légitimité de la résistance armée qui est contestée par celui qui incarne encore une autorité palestinienne, même réduite de facto à un clan du Fatah et pas vraiment le plus propre. C’est le Hamas, le Djihad et toutes les factions palestiniennes qui considèrent que renoncer aux armes n’est pas le plus sûr moyen d’arracher les droits du peuple palestinien qui sont visés.

On le sait, l’équipe qui entoure Mahmoud Abbas n’a jamais admis que les électeurs palestiniens la mette au chômage et ils ont bien intrigué pour empêcher à tout prix que le gouvernement du Hamas puisse fonctionner. La partie n’était pas difficile du fait du soutien des Occidentaux à une entreprise criminelle d’étranglement du peuple palestinien. Le Hamas a eu tort de régler un conflit politique par les armes. Elles ont donné le prétexte à cette équipe de « négociateurs », dont la compétence a été mise en doute par feu Edward Saïd, l’opportunité de reprendre la direction du camion. Ce n’est pas un hasard si le président américain saisit l’occasion, après des années de négligence, pour appeler à une « conférence internationale pour la paix ».

C’est dans la position la plus faible que Mahmoud Abbas s’apprête à négocier. Il n’est plus, en dépit de la fiction, l’incarnation de l’unité du peuple palestinien, il n’est que le chef d’une faction qui n’a pas accepté le résultat des urnes et qui, aujourd’hui, en dehors du consensus des Palestiniens, s’arroge le droit exorbitant de décider du renoncement à la résistance armée. Au soutien enflammé de l’entourage de Mahmoud Abbas à l’appel de Bush, impossible de ne pas noter les réserves d’Israël, ce qui signifie qu’il est prêt à discuter d’une vague « perspective politique » mais pas des choses essentielles.

Car, pendant que Mahmoud Abbas multiplie les gestes et les mesures qui aggravent la division des Palestiniens, Israël oeuvre sur le terrain, à coups d’expropriations et d’occupations, à rendre impossible la possibilité d’un Etat palestinien dans les frontières d’avant 1967. Impossible de ne pas penser que le chauffeur du camion s’aveugle...

Du même auteur :

 Palestine « Complots », fièvres et déchirements
 Géopolitique d’un assassinat

18 juillet 2007 - Le Quotidien d’Oran