16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Moyen-Orient : guerre ou paix

lundi 25 juin 2007 - 06h:35

Patrick Seale - Jeune Afrique

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


A la veille du voyage à Washington du Premier ministre israélien Ehoud Olmert, qui doit rencontrer, le 19 juin, le président George W. Bush, de nombreuses rumeurs circulent au Moyen-Orient - de guerre, mais aussi de paix. Quel parti prendra Olmert auprès du Grand Frère américain ?

Certains observateurs prévoient un été « très chaud ». Ils pensent qu’Olmert cherchera l’appui de Bush pour se lancer dans une nouvelle guerre au Liban, peut-être prolongée, cette fois, jusqu’en Syrie, pour en finir avec leurs ennemis communs - le Hezbollah au Liban et le régime du président Bachar al-Assad à Damas - avant une opération commune contre leur hantise, le président Mahmoud Ahmadinejad à Téhéran.

Des troupes israéliennes ont déjà fait récemment de grandes man ?uvres à la fois sur le Golan et dans le Néguev, comme pour se préparer à ce « second round » que certains stratèges israéliens jugent nécessaire pour restaurer la capacité de dissuasion de l’État hébreu, sérieusement entamée par le fiasco militaire au Liban de l’été 2006. Une armada américaine incluant deux porte-avions et cent cinquante chasseurs s’est rassemblée aux abords des côtes iraniennes.

D’autres analystes, cependant, considèrent que ni Israël ni les États-Unis ne sont prêts à faire la guerre. Washington et Téhéran ont eu à Bagdad un premier entretien, qui pourrait être suivi d’autres échanges, et les médias israéliens ont indiqué qu’Olmert avait envoyé à Bachar al-Assad, à Damas, des messages secrets en réponse à ses multiples propositions de reprise des négociations. Les États-Unis se sont jusqu’ici opposés à ces contacts, mais si ces informations sont avérées, Olmert pourrait demander à Bush un feu vert pour renouer avec la Syrie des pourparlers interrompus depuis 2000.

Comment interpréter ces signaux contradictoires ? Faut-il prévoir une guerre sur tous les fronts ou une éventuelle percée vers la paix - ou sinon vers la paix, du moins vers une stabilisation dans une région où la violence fuse de toutes parts ?

Le scénario de la guerre est malheureusement le plus plausible. La destruction du Hezbollah et de son frère palestinien, le Hamas, reste l’un des v ?ux les plus chers d’Israël, de même que l’arrêt, d’une manière ou d’une autre, du programme d’enrichissement d’uranium de l’Iran. Dans la tête des Israéliens, la Syrie, lien vital entre l’Iran et le Hezbollah, doit elle aussi être neutralisée - au besoin par une guerre.

Olmert et ses conseillers sont certainement anxieux de stopper et d’inverser les tendances suivantes, à leurs yeux profondément regrettables :

— La pression monte aux États-Unis en faveur d’un retrait américain d’Irak, où l’envoi de renforts n’a manifestement pas réussi à mater une insurrection meurtrière, et où les États-Unis doivent envisager la possibilité, et même la probabilité, d’une défaite stratégique. Un retrait américain, même étalé sur un an ou deux, aura inévitablement pour conséquence une perte d’influence. Une mauvaise nouvelle pour Israël.

— Pendant ce temps, l’Iran, faisant fi des sanctions internationales, semble plus déterminé que jamais à maîtriser le cycle de l’enrichissement de l’uranium à l’échelle industrielle, ce qui lui donnerait à terme les moyens de fabriquer des armes nucléaires. Ni les États-Unis, ni les Européens, ni le Conseil de sécurité de l’ONU n’ont jusqu’ici trouvé une réponse à ce qu’Israël considère comme une menace mortelle.

— Loin d’être affaibli, le Hezbollah disposerait aujourd’hui de quelque 25 000 missiles, ainsi que d’un grand nombre d’armes antichars russes, du type de celles qui ont fait des ravages dans les chars Merkeva israéliens l’été dernier. Pis, la campagne diplomatique menée par Israël pour persuader l’Union européenne (UE) de faire figurer le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes n’a rien donné. La France, dans laquelle Israël avait mis de grands espoirs, a invité à Paris des représentants du Hezbollah à une rencontre dont l’objectif était de relancer le dialogue entre les frères ennemis du Liban.

— Parallèlement, le nouveau président de la République française, Nicolas Sarkozy, a levé le boycottage de la Syrie, que son prédécesseur Jacques Chirac avait exigé depuis l’assassinat de son grand ami Rafic Hariri, le Premier ministre libanais. Au grand déplaisir, certainement, d’Israël, la France a renoué le dialogue avec la Syrie, mesure que le Quai d’Orsay juge indispensable dans le cadre de ses efforts de stabilisation du Liban. Le beau-frère de Bachar al-Assad, le général Assaf Chawkat, le patron des renseignements militaires, a fait une discrète visite à Paris, qu’il a peut-être prolongée.

— Autre déconvenue pour Israël : l’isolement international imposé au gouvernement palestinien depuis la victoire du Hamas s’effiloche. Les Norvégiens ont ouvert la voie en rétablissant l’aide et en accordant la reconnaissance diplomatique. D’autres devraient les imiter. Les États-Unis eux-mêmes commencent à se rendre compte que le boycottage et le siège des territoires palestiniens ont provoqué un désastre humanitaire et encouragé plus que jamais la volonté de résistance palestinienne.

Le Fatah est loin d’avoir vaincu et réduit à néant le Hamas, comme cela avait été planifié, avec les armes et l’argent d’Israël, des États-Unis et de quelques pays arabes. Les violents affrontements interpalestiniens de ces derniers jours donnent plutôt à penser que le Hamas pourrait mettre le Fatah en déroute et contrôler entièrement Gaza.

La politique à courte vue d’Israël de multiplication de colonies en Cisjordanie et de mise au pas par la famine du gouvernement démocratiquement élu du Hamas a provoqué la création de groupes extrémistes, au Liban et dans les territoires occupés, au plus près des frontières israéliennes.

— Olmert demandera à Bush d’augmenter l’aide militaire à Israël, qui est déjà de plus de 2,4 milliards de dollars par an et de suspendre ses importantes livraisons d’armes à l’Arabie saoudite, dont certaines guidées par satellite, livraisons qui paraissent à Israël une menace pour sa suprématie régionale. Mais les États-Unis ont besoin de soigner leur principal allié arabe, et Olmert pourrait ne pas obtenir satisfaction. Compte tenu de ces tendances négatives, certains analystes israéliens considéreraient que les derniers mois de pouvoir de Bush et du vice-président Dick Cheney offrent ce qui pourrait être la dernière possibilité pour Israël de se débarrasser de ses ennemis dans une guerre d’envergure.

Loin de négocier avec le Hezbollah et le Hamas et avec une Syrie qui rebondit - et qui, selon Tel-Aviv, aurait acheté des armes russes -, Israël et ses amis s’acharnent à presser les États-Unis de faire la guerre à l’Iran, dont les ambitions nucléaires sont régulièrement présentées comme une « menace existentielle » pour l’État hébreu. « Bombardez l’Iran ! » répètent à qui mieux mieux les faucons israéliens, les derniers néoconservateurs de Washington et leurs porte-parole du Weekly Standard, ainsi que, plus récemment, Norman Podhoretz, l’intellectuel néocon américain qui a dirigé le mensuel juif Commentary pendant trente ans et qui est le beau-père d’Elliott Abrams, un autre faucon conseiller adjoint à la Sécurité nationale responsable du Moyen-Orient.

Réclament également à cor et à cri des frappes contre l’Iran le sénateur du Connecticut Joseph Lieberman et son homonyme Avigdor Lieberman, le raciste et belliciste ministre israélien des Affaires stratégiques, autrement dit le ministre de l’affrontement avec l’Iran.

Ces cris d’orfraie peuvent-ils être considérés, selon la formule du Mohamed el-Baradei, directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), comme les délires de « néodingues » ? Ou la montée de la fièvre belliciste ira-t-elle inévitablement jusqu’à la guerre ?

Olmert a laissé entendre qu’il était prêt à négocier avec la Syrie si celle-ci rompait ses liens avec l’Iran et le Hezbollah, et cessait de soutenir le Hamas et les autres militants palestiniens. Ce sont des préalables totalement irréalistes : c’est comme si l’on demandait à Israël de rompre ses liens avec les États-Unis ! Les liens de la Syrie avec l’Iran et avec la communauté chiite du Sud-Liban datent de dizaines d’années, et ils ne se relâcheront pas tant qu’il n’y aura pas de claires indications qu’Israël est prêt à évacuer les territoires syriens et palestiniens occupés, et à signer une paix générale.

Si cette analyse est correcte, Israël et ses amis continueront à exhorter les États-Unis à faire la guerre à l’Iran et à ses alliés, comme ils les ont exhortés de faire la guerre à l’Irak en 2003. Ils essaieront, mais il n’est pas sûr qu’ils réussissent. Le monde a changé. Dans la foulée de la catastrophe irakienne et, dans un climat de violence généralisée, la communauté internationale est plutôt d’humeur à rechercher un règlement des conflits, et tout particulièrement celui qui oppose Israël à ses voisins, qu’à en remettre dans la colère et la haine.

Patrick Seale - Jeune Afrique, le 17 juin 2007

Du même auteur :
- Clinton à la rescousse
- Histoire d’une machination


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.