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Clinton à la rescousse

mardi 12 juin 2007 - 08h:36

Patrick Seale - Jeune Afrique

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À l’heure où le conflit fait planer une menace majeure sur la paix et la sécurité internationales, l’ex-président américain apparaît comme le seul homme au monde capable de réunir les deux parties autour d’une table de négociation.

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Bill Clinton

A peu près tout le monde reconnaît que le conflit israélo-arabe est devenu une menace majeure pour la paix et la sécurité internationales. Il a généré la haine, le terrorisme et la mort à une échelle mondiale. Si le scandale humanitaire du Darfour suscite enfin une action internationale, l’oppression dont sont victimes les Palestiniens dans les territoires occupés par Israël est largement oubliée. Bien que le degré d’horreur y soit moindre, ce conflit est beaucoup plus dangereux, notamment du fait des passions qu’il soulève dans le monde.

Il a fait d’Israël un État-forteresse paranoïaque et cruel qui, obsédé par la recherche d’une sécurité qui le fuit, continue à commettre de terribles crimes, comme on l’a vu au Liban l’été dernier et comme on le voit chaque jour dans les territoires occupés.
Les sociétés palestinienne et libanaise ont été ravagées, des milliers de personnes ont été tuées et mutilées, des centaines de milliers sont réduites à la misère, les relations entre l’Occident et le monde musulman sont empoisonnées, les États-Unis ont perdu leur autorité morale dans leur soutien inconditionnel à Israël tandis qu’une soif de revanche habite tous les c ?urs arabes, de l’Atlantique au Golfe. Il n’y a pas sur le calendrier international de problème plus urgent, mais comment le résoudre ?

L’ex-président Bill Clinton est sans doute le seul homme au monde qui puisse réunir les deux parties autour d’une table de négociation. Il peut être accepté par l’une et par l’autre, et il a une connaissance suffisante du dossier et assez d’autorité personnelle pour avoir une chance raisonnable de succès. En tant que président des États-Unis, il n’a pas été loin, en 2000, de faire signer des accords de paix entre Israël et les Palestiniens et les Syriens. Il faut lui donner une seconde chance. Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, devrait le nommer négociateur en chef avec pour mission immédiate de réunir, de présider et d’animer une conférence entre Israël, les Palestiniens et la Syrie. Une tâche encore plus ambitieuse que celle confiée en 1991 au secrétaire d’État James Baker, qui avait réussi à persuader les Arabes et les Israéliens, dont le très peu enthousiaste Premier ministre Itzhak Shamir, de participer à une conférence de paix à Madrid.

Pour cette mission, Bill Clinton aurait besoin du soutien sans réserve de l’administration Bush, du Conseil de sécurité de l’ONU, de l’Union européenne (UE), de la Ligue arabe et d’au moins une partie de la puissante communauté juive américaine. Seul un effort international concerté, résolu et capable d’exercer une forte pression sur les deux camps permettrait d’obtenir des résultats. On pourrait objecter que Clinton sera beaucoup trop occupé dans les mois à venir à aider son épouse Hillary à se faire désigner comme candidate à la Maison Blanche. Mais un succès même partiel sur le chemin de la paix - la simple mise en route du processus - lui vaudrait un énorme prestige et ferait des Clinton un « couple politique » unique dans le monde. Clinton devrait peut-être être assisté par l’ancien président de la Banque mondiale James Wolfensohn, dont le rôle serait de constituer un fonds de plusieurs milliards de dollars avec l’aide de donateurs internationaux pour financer les indemnisations et la réimplantation des réfugiés palestiniens, l’évacuation des colons israéliens de Cisjordanie et la remise en état de l’économie palestinienne, aujourd’hui en lambeaux.

Quarante ans après la victoire israélienne de 1967 et le début de l’occupation par Israël de territoires palestiniens et syriens, il est grand temps de mettre fin au conflit et de donner une chance à la paix. C’est la seule garantie pour Israël d’une sécurité à long terme.

Et pourtant, la communauté internationale semble paralysée par l’ampleur de la tâche. Les Arabes ont lancé une initiative de paix de grande envergure, mais ne l’ont pas accompagnée d’un suivi politique ou financier très persuasif. La secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice a fait des voyages répétés dans la région, mais elle n’a pas obtenu grand-chose. Dans le même temps, Israël a rejeté la proposition du Hamas d’un cessez-le-feu mutuellement contraignant en Cisjordanie et à Gaza. Exaspéré par les roquettes Qassam que les indomptables Palestiniens, enfermés dans la prison à ciel ouvert de Gaza, continuent d’envoyer sur la ville voisine de Sderot, Israël s’accroche à l’illusion qu’il peut éradiquer par la force le mouvement de résistance islamique. L’État hébreu continue d’arrêter, de poursuivre et d’assassiner ses adversaires politiques avec un mépris éhonté du droit international. Le Premier ministre palestinien Ismaïl Haniyeh est ouvertement menacé de mort, comme le leader du Hamas Khaled Mechaal, qui vit à Damas. « Je suis convaincu qu’à la première occasion, nous lui dirons adieu », déclarait récemment à la radio de Tsahal le ministre de la Sécurité publique, Avi Dichter, avec un humour macabre. Au Liban, à l’été 2006, Israël a décidé de faire oublier le Hezbollah à coups de bombes, mais a échoué. Il ne semble pas découragé par le fait que le Hamas et le Hezbollah ont de profondes racines locales et que toute tentative sérieuse pour les éliminer exigerait que l’on massacre une bonne partie de la population de Gaza et du Sud-Liban.

Le Bureau international du travail de Genève (BIT) vient de publier un rapport accablant sur la situation dans les territoires arabes occupés par Israël. Il note qu’entre janvier 2006 et avril 2007, 712 Palestiniens ont été tués et 3 711 blessés par Tsahal ou par les colons israéliens. Sur la même période, 29 Israéliens (militaires et civils) ont été tués et 439 blessés par les Palestiniens. Le rapport décrit en détail la désintégration du tissu économique et social palestinien. Les causes sont bien connues : boycottage politique et économique international du gouvernement palestinien (auquel ont enfin renoncé la Norvège, la Suisse et la Chine) ; blocage illégal par Israël des recettes fiscales palestiniennes, soit de 60 à 70 millions de dollars par mois ; impossibilité où se trouve ainsi le gouvernement de payer les salaires des 160 000 fonctionnaires dont dépendent plus de 1 million de personnes ; multiplication des difficultés de déplacement : postes de contrôle, barrages routiers, portails métalliques, murs de terre, tranchées et barrière de séparation de la Cisjordanie.

Les États-Unis ont directement contribué à cette situation catastrophique. Les restrictions imposées par le département du Trésor ont interdit les transactions ou les accords financiers avec le gouvernement palestinien. Conséquence : le secteur bancaire palestinien lui-même évite de traiter avec le gouvernement de peur d’être attaqué en justice dans le cadre des lois antiterroristes américaines, privant ainsi le gouvernement des facilités de crédit précédemment disponibles. À Gaza, le taux de chômage avoisine 35 % et 88 % des foyers vivent en dessous du seuil de pauvreté. Parallèlement, la colonisation israélienne, interdite par le droit international, se poursuit. La mainmise israélienne - dont 121 colonies « officielles », et 101 avant-postes non autorisés, périmètres protégés et zones clôturées - s’étend maintenant sur 40 % de la Cisjordanie.

Dans son introduction à ce rapport, Juan Somavia, le directeur général du BIT, écrit : « Une situation avec, d’un côté, la prospérité et la sécurité et, de l’autre, l’occupation militaire, la pauvreté et l’insécurité, est lourde de dangers et n’est plus tenable. » Il conclut : « Je sais qu’il est difficile d’exprimer comme il le faudrait dans le langage d’un rapport le profond sentiment de punition collective que le peuple palestinien éprouve légitimement dans le fond de son c ?ur. Le mot “dignité” s’impose à l’esprit. D’abord et surtout parce que la dignité des Palestiniens est foulée aux pieds de bien des manières, mais aussi au vu de la dignité avec laquelle ils font face aux humiliations auxquelles les individus, les familles et les communautés sont régulièrement soumis. Cette capacité de résistance est une source de force intérieure qui permet à l’identité palestinienne, loin d’être affaiblie, d’entretenir sa conviction que sa quête de liberté finira par aboutir et que la paix avec Israël sera possible. »

Dans les conditions actuelles, seul un Bill Clinton peut faire qu’elle soit possible.

Patrick Seale - Jeune Afrique, le 3 juin 2007

Du même auteur :
- Histoire d’une machination
- Le nerf de la paix


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