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Visiblement, personne ne se préoccupe de la situation de Gaza

lundi 30 mars 2015 - 07h:43

Tony Laurance

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Six mois après l’engagement des donateurs lors de la Conférence du Caire, 100 000 personnes sont toujours sans abri.

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Des enfants Palestiniens marchent au milieu des décombres et des ruines d’immeubles détruits durant la guerre qui a frappé la ville de Gaza l’été dernier - Photo : AP

Dans un article que j’ai écrit pour Al-Jazeera au mois d’octobre dernier, bien avant la tenue de la Conférence du Caire qui devait réunir les donateurs en prévision de la reconstruction de Gaza, j’avais justement prévenu que la promesse d’engager d’importantes sommes, tel que les donateurs avaient convenu, n’était pas suffisante. Nous devions plutôt tirer des leçons des erreurs et échecs du passé et garantir l’acheminement des dons et aides. Hélas, six mois après la fin des attaques meurtrières, mes pires craintes se sont matérialisées. Les promesses n’ont pas été honorées, la reconstruction est au point mort et l’espoir s’est volatilisé.

Ce mois, nous avons appris que seulement 5%, ou un peu plus, de l’argent promis pour la reconstruction de ce qui reste de Gaza au terme de 51 jours d’offensive Israélienne ont été versés.

Quelle conclusion peut-on tirer de l’engagement de la communauté internationale envers le territoire assiégé et ses 1.8 millions d’habitants ?

J’étais en visite à Gaza la semaine passée, et c’est la première fois que je constate un tel abattement et une telle dépression dans cette région. Les décombres n’ont toujours pas été déblayés. Les coupures d’électricité persistent. L’économie n’arrive pas à se redresser et la pauvreté s’est généralisée. Partout où vous passez, vous ne tomberez que sur des immeubles détruits.

Quelques 100 000 personnes dont les maisons avaient été détruites durant les bombardements sont encore et toujours sans abri ni toit. D’aucuns se sont regroupés avec d’autres membres de leurs familles et vivent dans d’incroyables conditions de promiscuité. D’autres, les moins chanceux, vivent dans des caravanes, ou dans des refuges de l’ONU ou alors dans des maisons détruites où ils sont exposés aux yeux de tous et aux aléas de la nature.

Une autre crise majeure

Je suis parti à Gaza avec une équipe de chirurgiens britanniques, des spécialistes dans la reconstruction des membres. Ils travaillent en collaboration avec leurs confrères Palestiniens en apportant leur aide dans la réparation des os des blessés graves des attaques de juillet. Il s’agit d’un programme lancé et conduit par l’Aide Médicale pour les Palestiniens [Medical Aid for Palestinians] avec le financement du Département pour le Développement International du Royaume-Uni.

En quittant la Grande-Bretagne, nous avons pris avec nous l’équivalent de $265.000 d’équipements médicaux, les traînant dans des valises pendant de longues heures de marche du passage d’Erez. J’ai immédiatement imaginé ces équipements placés dans les salles d’opération de l’hôpital Shifa. Merveilleux à tous les niveaux. Mais quel est ce système qui vous pousse à équiper vos hôpitaux de cette façon ? Lorsque les médecins locaux dépendent des visites des consultants qui leur apprennent de nouvelles méthodes et pratiques car ils ne peuvent pas quitter Gaza pour se former et se perfectionner ailleurs ?

Les services de santé luttent pour faire face à la situation dans laquelle gît leur secteur. Ils sont à la fois surchargés et pauvres en ressources. Une fois de plus, ils sont confrontés à de graves pénuries de médicaments et de consommables car tout ce qui a été livré du temps de la guerre a fini par s’écouler. La plupart du personnel n’ont pas perçu des mois de salaires, tandis que d’autres n’ont touché que 60% de leurs paies en raison de la crise financière que connait l’Autorité Palestinienne et qui a été exacerbée par le refus de la partie Israélienne de lui transférer [à l’AP] les recettes fiscales qui lui reviennent. Montrez-moi au moins un système sanitaire dans le monde qui serait en mesure de fonctionner dans ces conditions !

J’ai pu également observer l’impact de l’héritage perpétuel du conflit. Plus de 8.000 « restes explosifs de guerre » - obus, grenades et bombes qui n’ont pas explosé – demeurent éparpillés çà et là dans toute Gaza, constituant ainsi une menace fatale pour ses habitants et notamment pour les enfants. Tout au long de ma visite, nos chirurgiens ont contribué au traitement de trois enfants qui, en ramassant l’un de ces engins meurtriers, ont été grièvement blessés. Ceci est juste pour souligner et rappeler qu’après six mois de cessez-le-feu, le conflit continue de faire de terribles ravages.

Échec collectif

Faire aboutir l’assistance médicale à Gaza nécessite une logistique très compliquée et délicate, mais elle n’est pas aussi difficile comparée aux obstacles qui entravent la reconstruction réelle et significative de la Bande. Afin de répondre aux besoins des ménages, y compris la reconstruction des maisons détruites ou sévèrement endommagées et l’encouragement de la croissance naturelle, il faudrait que Gaza reçoive quotidiennement et pendant les trois années à venir 735 camions chargés de matériaux.

Durant tout le mois de novembre, ce besoin quotidien n’a pas totalement été satisfait et seulement une moyenne de 287 cargaisons de matériaux de construction ont réussi à entrer quotidiennement à Gaza. Alors que le mois de décembre a enregistré une légère amélioration, le processus dans son intégralité s’est arrêté au mois de janvier en raison du manque de fonds.

Pourquoi ? Chacun rejette le blâme sur autrui. Les Palestiniens blâment Israël pour le blocus actuel et continu et signalent l’échec du Mécanisme de Reconstruction de Gaza [Gaza Reconstruction Mechanism] mis en place en tant que système temporaire post-guerre aspirant à faciliter l’acheminement des matériaux destinés à la reconstruction des séquelles de la guerre.

Pour sa part, Israël reproche aux Palestiniens leur incapacité à régler leurs divisions et à respecter les termes de l’accord du mécanisme de reconstruction. L’ONU pointe un doigt accusateur vers les donateurs qui n’ont pas tenu leurs promesses.

Les Palestiniens ordinaires à Gaza suivent tout ce qui se passe autour d’eux avec une consternation croissante. Ils se sentent abandonnés et délaissés. Ce sont eux qui souffrent, alors que ceux qui ont un pouvoir sur eux demeurent verrouillés dans des positions retranchées. Ils sont incapables de partir et impuissant face à l’idée du changement. Bien que les Gazaouis soient incroyablement résistants, l’impasse et l’isolement continu dans lesquels ils se trouvent actuellement les poussent à bout.

Il faut absolument sortir de l’impasse. Les donateurs doivent honorer leurs engagements et verser l’argent promis. L’AP et le Hamas doivent régler leurs différends pour le grand bien de leur peuple et pour la possibilité d’une paix durable. Israël doit respecter et assumer ses responsabilités en tant que puissance occupante et doit impérativement lever le blocus. L’Égypte aussi doit contribuer et assumer ses responsabilités en rouvrant le passage frontalier de Rafah, sur ne base régulière et fiable.

Étant donné les horreurs dont nous avions été témoins en juillet dernier et considérant la réelle possibilité de voir les mêmes scènes se répéter, nous devons sans plus attendre repartir avec des efforts plus vigoureux qui sauraient redonner l’espoir à Gaza.

* Tony Laurance est le directeur général de l’Aide médicale à destination des Palestiniens et ancien directeur de l’Organisation mondiale de la santé en Palestine.

Du même auteur :

- Donateurs de Gaza : le risque d’une reconstruction qui à nouveau n’aboutira pas ? - 15 octobre 2014

26 février 2015 – Al Jazeera English – Vous pouvez consulter cet article en anglais à :
http://www.aljazeera.com/indepth/op...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha


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