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La guerre en Syrie polarise les Palestiniens de Cisjordanie

mardi 24 septembre 2013 - 06h:28

Naela Khalil - Al-Monitor

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Ramallah, Cisjordanie – Le portrait du Président Syrien Bashar al-Assad occupe le coin du trottoir de la rue Rakib, au centre-ville de Ramallah. La portrait a, durant une semaine environ, suscité la controverse parmi les passants. Ceux qui s’approchaient du tableau pour le contempler de plus près ne se montraient pas tous admirateurs de l’œuvre ; certains adressaient d’acerbes critiques à l’artiste Abdul Hadi Yaish, tandis que d’autres ont décidé de leur propre chef d’écrire des commentaires sur les espaces vides du tableau.

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L’artiste Abdul Hadi Yaish en train de dessiner le portrait du président Syrien Bashar al-Assad sur la rue Rakib, au centre-ville de Ramallah, le 13 septembre 2013 (Photo de Naela khalil)

« Le portrait a transformé le coin de rue à un endroit animé par les débats des passants. Il y a deux jours, une discussion entre partisans et opposants du régime al-Assad a failli tourner au pugilat, » raconte Hadi, l’artiste qui a choisi la rue Rakib pour s’installer en plein air afin d’exposer ses œuvres d’art, il y a de cela presque trois ans.

En effet, les commentaires des passants reflètent le regard que porte le public Palestinien sur la crise syrienne qui le divise entre partisans et opposants du régime. Les passants étaient partagés entre ceux qui clamaient : « Vive la Syrie ! » tandis que d’autres lançaient : « Bashar, dégage », ou alors « La Syrie et al-Assad…le Parti Baas est plus fort que la mort ! » et bien d’autres qui traduisent l’opinion publique palestinienne.

Cette division a même été perçue durant les marches et les veillées organisées par les Palestiniens pro-régime Syrien où des altercations verbales passionnées éclataient entre partisans et opposants du régime. Ces derniers considèrent al-Assad comme un dictateur qui tue son propre peuple tout en ne cessant de rappeler que le régime était l’auteur en 1976 du massacre de Tal al-Zaatar, le camp de réfugiés Palestiniens au Liban. La toute dernière marche en question organisée en faveur du régime syrien a eu lieu le 1er septembre.

Dans cette perspective, l’écrivain et l’analyste politique Khalil Shaheen croit que la crise syrienne a approfondi la polarisation au sein de la société palestinienne entre partisans et opposants du régime syrien : « Au début de la crise syrienne, il y a de cela presque deux ans, le public Palestinien était favorable au soulèvement en Syrie et soutenait les évènements car le régime était confronté à une volonté populaire pour le changement. Toutefois, le conflit s’est transformé en une bataille armée entraînant des assassinats, des génocides et l’intervention de nouveaux acteurs tels que les Jihadistes Salafistes. Face à ces faits, les Palestiniens ont commencé à craindre que le régime dictateur ne se transforme en régime sanguinaire, soit une nouvelle forme de tyrannie, » explique Shaheen à Al-Monitor.

Il faut dire que toutes les manifestations, marches, veillées et déclarations émises et organisées dans les territoires Palestiniens en solidarité avec le régime Syrien sont l’œuvre du Parti Socialiste Arabe Baas en Cisjordanie.

Al-Monitor a souhaité parler avec Ihsan Salem, Secrétaire Général du Parti qui semblait être très absorbé par la préparation d’un immense festival de soutien au régime Syrien, prévu pour le 23 septembre. Depuis le début de la crise, le Parti Baas Palestinien a organisé une douzaine d’évènements et de veillées de solidarité avec le régime. Durant ces rassemblements, souligne Salem, les participants brandissaient des drapeaux Syriens et des posters du Président Assad.

Salem poursuit : « L’opinion publique palestinienne s’oppose au complot qui se tisse contre la Syrie, orchestré par des puissances tyranniques arabes et des colonialistes occidentaux. A présent, les choses sont devenues plus claires et les fils de cette conspiration aspirant à piller la Syrie et à la placer sous contrôle ont été dévoilés ; et tout cela parce que le régime al-Assad représente une menace pour Israël. »

Fondé en Palestine en 1966, le Parti Socialiste Arabe Baas est affilié aux forces d’ al-Saiqa [Coup de foudre] qui est la branche armée du groupe Vanguard for the Popular Liberation War. Bien que considéré comme appartenir à l’Organisation de Libération de la Palestine, le Parti a cependant refusé de prendre part aux évènements et réunions organisés par l’OLP pendant 20 ans pour protester contre la signature de cette dernière des Accords d’Oslo avec la partie israélienne.

Les évènements sanglants en Syrie ont plongé un bon nombre de Palestiniens dans le doute, toutefois, le public s’est ligué contre l’Amérique qui a menacé d’une éventuelle frappe contre la Syrie.

Et cet alignement a été visible à travers les commentaires des militants sur les médias sociaux comme Facebook et Twitter, tel que la phrase : « Je comprends l’attitude de ceux qui soutiennent le régime en Syrie comme je comprends ceux qui s’y opposent, mais si vous soutenez une frappe contre la Syrie, cela voudra dire que vous êtes un collaborateur d’Israël. »

Malgré le glissement de l’opinion publique Palestinienne qui s’oppose à toute forme de frappe militaire étrangère contre la Syrie, les partisans du régime Syrien qui sortent dans la rue pour afficher leur soutien continuent de recevoir les critiques les plus vives et les plus acerbes de la part des Palestiniens qui considèrent l’ancien Président Hafez al-Assad comme le tueur des leurs, et son fils comme l’assassin de son propre peuple.

Pour sa part, l’actrice de théâtre Maysa Khatib ne cache pas sa surprise en voyant ces Palestiniens qui, non seulement soutiennent le régime Syrien, mais qui n’ont pas honte de porter les photos du Président Bashar al-Assad.

Née dans le camp de réfugiés de Tel al-Zaatar, au Liban, Maysa khatib est retournée à Ramallah en 1993, après la signature des Accords d’Oslo. Elle explique à Al-Monitor : « Chaque personne a le droit d’exprimer son opinion sur n’importe quel sujet. Cependant, je suis un peu surprise, voire choquée, de constater la présence de Palestiniens parmi les partisans du régime Syrien. C’est ce même régime qui a assiégé les camps de réfugiés de Tel al-Zaatar en 1976 et de Shatila en 1985. Dirigé par al-Assad père, le régime Syrien avait tué 76 membres de ma famille, comment pourrais-je donc soutenir son fils aujourd’hui, sachant qu’il n’a pas les mains moins ensanglantées que celles de son père ? »

Et d’ajouter : « Là j’avance des faits historiques, et non pas une opinion. L’histoire retiendra à jamais le massacre de Hama en 1982, où l’opposition fut exterminée par Hafez al-Assad. C’est pourquoi je n’arrive pas à assimiler que certains Palestiniens puissent soutenir le régime Syrien. »

Souvent lors des marches de soutien au régime Syrien, le Parti Baas Palestinien évoque les noms d’éminents Palestiniens pour gagner un plus large soutien pour la manifestation. Il s’agit de personnages comme l’Evêque Atallah Hanna, connu pour avoir soutenu le régime al-Assad depuis le déclenchement de la crise Syrienne, le Secrétaire-Général de l’Union des Ecrivains Palestiniens, le poète Murad al-Sudani, l’intellectuel de gauche Adel Samara, ainsi que d’autres Palestiniens de renommée.

« Il y a un nombre très important de jeunes Palestiniens affiliés au Parti Baas. Leur adhésion n’est pas que pour l’apparence et la frime, comme l’affiliation de certains aux factions Palestiniennes. Nos membres sont profondément impliqués et soutiennent les idées nationalistes prônées par notre Parti, » souligne Salem.

Les divergences qui caractérisent l’opinion publique Palestinienne demeureront une problématique. Le débat qui oppose les partisans du régime qui croient que le président Assad résiste à Israël aux opposants qui considèrent le régime comme celui qui assassine et les Palestiniens et son propre peuple ne sera pas résolu dans un proche avenir.

*Naela Khalil est journaliste au quotidien Palestinien Al-Ayyam. Elle était journaliste à l’agence IRIN, le magazine émirati Al Maraa el-Muslema, le quotidien jordanien al-Dustur et An-Najah Média et Journalisme

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17 septembre 2013 – Al Monitor – Vous pouvez consulter l’article en anglais à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha


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