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Syrie : qui peut aujourd’hui prétendre représenter l’opposition ?

samedi 21 septembre 2013 - 06h:00

Abdel Bari Atwan

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L’édition la plus récente du Jane Defence and Security magazine révèle qu’au moins la moitié des 100 000 combattants qui luttent contre le régime d’Assad en Syrie sont des jihadites d’obédience salafiste ou autres islamistes radicaux. Alors comment le Conseil National Syrien (SNC) peut-il encore se prétendre le représentant unique et légitime de l’opposition syrienne ?

Hier, l’Assemblée Générale du SNC à Istanbul s’est conclue par l’annonce que ce groupe avait signé un accord avec le Conseil National Kurde (KNC) de façon à mieux représenter la minorité kurde de Syrie dans la direction de la coalition.

Les deux groupes ont également discuté d’une autonomie pour la population kurde du nord de la Syrie et de la possibilité de changer le nom du pays de « République Arabe Syrienne » en plus simplement « République Syrienne ».

Il est intéressant de noter que les Kurdes en Irak n’ont établi de pleine autonomie qu’après que Saddam Hussein ait été évincé par l’invasion des États-Unis. La promesse de cette autonomie avait assuré le soutien des Kurdes aux envahisseurs et avait contraint les deux groupes jusqu’à alors adversaires (le KDP et le PUK) à joindre leurs forces contre Saddam.

Ce concept essentiellement sectaire a été mis en avant et largement encouragé en Irak par Paul Bremer, le premier Administrateur de l’Autorité provisoire de la coalition en Irak, et le représentant Lakhdar Brahimi.

La Syrie appartient à tous les Syriens en termes d’égalité et d’attente de la justice, et les Kurdes sont une partie intégrante de la Syrie, démographiquement et géographiquement. Nous devons cependant marquer notre désaccord avec le fait que le SNC soit en mesure de signer des accords au nom de l’opposition syrienne, particulièrement quand l’accord en question a des implications politiques et stratégiques qui pourraient changer le cours de l’avenir de la Syrie et même aboutir à son démantèlement ou à sa division, sur des critères ethniques ou sectaires.

Le Conseil National Kurde ne représente pas tous les Kurdes en Syrie ; il n’inclut pas le groupe le plus puissant, l’Union du Parti Démocratique, qui contrôle un grand nombre de villes et de villages dans la région kurde de Syrie.

Ni l’une ni l’autre de ces organisations ne devraient se croire autorisée à procéder à changements constitutionnels qui traitent de la nature et de l’identité de l’État. Des sujets aussi sensibles devraient être confiés à un parlement élu et à ses conseillers juridiques. Nous devons attendre jusqu’à ce qu’il y ait une réconciliation nationale et des élections libres et justes sanctionnant la mise en place d’un État civil et démocratique.

Il y a de cela six mois, le SNC disposait de l’appui de plus de 150 pays, tous membres des Amis de la Syrie. Le SNC a représenté son pays au sommet arabe de Doha, mais le contexte a aujourd’hui complètement changé. La coalition ne dispose même plus du quart de cet appui, et même ses alliés américains et occidentaux ont perdu leur confiance en lui. Ceci explique leur évidente hésitation à fournir au FSA [opposition armée] des armes qu’ils craignent voir tomber entre les mains de groupes de jihadistes.

Je n’étais pas étonnée par le rapport du Jane magazine qui a également identifié plus de 1000 brigades parmi lesquelles les combattants sont répartis, la moitié de ces brigades étant faites d’islamistes ou de jihadistes, et selon le même magazine, 10 000 combattants sont spécifiquement affiliés à Al-Qaïda par l’intermédiaire d’Al-Nusra ou de l’État Islamique de l’Irak et du Levant (ISIL).

Ces faits sur le terrain rendront extrêmement difficile et problématique la représentation de l’opposition syrienne à la prochaine conférence de Genève 2. Les groupes de jihadistes ne seront certainement pas invités à cette conférence, du moins pour l’instant. Mais ce ne sont pas seulement les extrémistes qui sont exclus de cette représentation, mais également des groupes comme le Corps National de Coordination à l’étranger pour le Changement Démocratique, dirigé par Haitham Manna, qui n’est pas affilié à la coalition du SNC.

Les Talibans ont été accusés d’être un groupe terroriste, mais étant donné qu’ils contrôlent les 2/3 de l’Afghanistan, les États-Unis ont déjà mis en place le cadre diplomatique nécessaire pour entamer des pourparlers avec eux. Et Israël (dont plusieurs des dirigeants ont leurs racines dans des bandes terroristes comme la Haganna et l’Irgoun) a bien négocié avec l’OLP.

N’importe quel accord à Genève qui ne sera pas paraphé par les nombreux groupes et individus aujourd’hui exclus, s’avérera vraisemblablement sans valeur.

L’accord russo-américain récemment conclu à Genève pour démanteler les stocks d’armes chimiques de la Syrie ne dit rien sur le futur statut de Bashar Al-Assad. Il ne remet pas en cause sa légitimité et ne parle pas de son départ.

Ce qui sautait aux yeux aussi, c’est que l’opposition syrienne a été complètement exclue de cet accord. Tout ceci suggère, du moins en ce qui me concerne, que l’Occident ne favorise plus absolument le changement de régime, comme il le faisait il y a à peine six mois.

Les armes chimiques d’Assad seront déplacées et détruites - en partie, ou dans leur totalité - mais il semble que son régime restera en place au moins jusqu’aux élections du milieu de l’année prochaine.

Ce sont ceux qui s’imposeront sur le terrain à l’heure décisive, qu’ils soient avec le régime ou contre lui, qui dessineront le visage de la nouvelle Syrie.

Nous avons déjà mentionné l’Irak, mais l’expérience libyenne mérite également d’être étudiée soigneusement par le régime et par l’opposition pour en tirer les leçons.

Où est le Colonel Gadaffi aujourd’hui ? Où sont Mustafa Abdel Jalil, le chef du Conseil National Libyen, Mahmoud Jabril et Abdel Rahman Shalqan ?

Et le plus important : où en est la Libye et à quoi ressemble-t-elle aujourd’hui ?

* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.

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17 septembre 2013 - Abdel Bari Atwan - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.bariatwan.com/english/?p=1964
Traduction : Info-Palestine.eu - al-Mukhtar


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