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Les fermiers palestiniens cultivent la résistance

samedi 3 novembre 2012 - 19h:41

Dalia Hatuqa - al-Jazeera

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Al-Lubban Ash-Sharqiya, Cisjordanie.

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Crédit photo : Dalia Hatuqa

Avec une bâche de toile et un seau à la main, la famille Daraghmeh entoure un des nombreux oliviers qui parsèment la petite parcelle familiale, cueillant le fruit vert aux premières heures de la matinée. Pour cette famille palestinienne de 7 membres, la récolte des olives est devenue un rituel saisonnier transmis d’une génération à l’autre.

Perché sur une de ses branches, Jalal, âgé de 17 ans, a lâché une poignée d’olives et les a laissées tomber sur la bâche, chacune faisant un petit bruit en touchant le sol. Le jour avance tranquillement. Mais la famille explique que cette sérénité d’un petit matin d’automne dans le village de Al-Lubban Ash-Sharqiya est une exception. Des semaines durant, Khalid Daraghmeh, le patriarche de la famille et son fils plus âgé, Jamal, ont fait des allers-retours dans les prisons israéliennes, après toute une série d’attaques venus des colons israéliens.

« Nous avons été battus et jetés à terre par des colons à de nombreuses reprises, » raconte Khalid Daraghmeh, connu aussi sous le nom d’Abu Jamal. « Quand ils viennent, ils n’épargnent rien ni personne, ni même les arbres ou les animaux. » Abu Jamal dit que les colons ont déjà tué quatre de ses chiens, déraciné 350 jeunes plants et retiré les tuyaux du système d’irrigation. À une occasion, les colons se sont déshabillés et ont plongé dans un puits servant à la consommation d’eau potable, dit-il.

La maison de la famille Daraghmeh est entourée de routes fraîchement pavées, conduisant à la colonie israélienne de Ma’ale Levona, l’un des trois colonies encerclant leurs terres. Le village situé à quelques 30 kilomètres au sud de Naplouse, se trouve à côté de la route numéro 60, la plus importante des routes coloniales traversant la Cisjordanie du nord au sud.

« Je n’irai nulle part ! »

« Ils ont demandé à acheter ma terre à plusieurs reprises, » continue Abu Jamal. « Mais cette terre est la mienne et je n’irai nulle part ailleurs. » De grosses pierres encombrent son terrain, témoignant du nombre de fois où elles ont été lancés par des colons, dit-il. 

Deux mois de plus tôt, un groupe d’environ 30 colons les a attaqués dans leur maison, rappelle Taghreed, l’épouse d’Abu Jamal. Les colons ont défoncé la porte de la maison et ont battu ses enfants, Mo’men âgé de 13 ans, et sa plus jeune, Nour, âgée d’à peine 10 ans.

« Pendant que j’essayais de protéger les enfants, un des colons m’a frappé sur l’épaule avec un bâton. Il m’a donné un coup de poing à la poitrine, puis a arraché une partie de mon Abaya (manteau), » ajoute Taghreed. « Quand il a commencé à tirer des coups de feu en l’air, les enfants se sont mis à pleurer. Heureusement une ambulance est arrivée à ce moment-là. Alors les soldats sont arrivés et ont entraînés Jalal et Abu Jamal pour les mettre à l’écart. Les colons ont prétendu avoir été frappés. »

La maison des Daraghmehs, une vieille demeure en pierres remontant à l’époque ottomane et transmise par le grand-père d’Abu Jamal, est également le lieu où Taghreed a donné naissance à son fils Jamal.

Née et grandie à Caracas, Taghreed est venue en Palestine quand elle s’est mariée avec Abu Jamal. « Mes enfants et moi-même avons tous des passeports vénézuéliens, » explique-t-elle. « Mais vous ne nous trouverez jamais pensant même un seul instant à quitter cet endroit. Nous ne voulons pas que notre terre soit abandonnée aux colons. Nous sommes ici pour protéger notre terre. » 

Condamnation des Nations Unies

Les attaques des colons sont en hausse depuis que la récolte olive a commencé au début octobre. Elles sont devenues si fréquentes qu’elles ont incité un responsable des Nations Unies à les condamner et à faire appel à Israël pour amener les responsables devant la justice.

« Je suis alarmé par des rapports récents disant que les colons israéliens en Cisjordanie ont à plusieurs reprises attaqué les agriculteurs palestiniens et ont détruit des centaines de leurs oliviers au plus fort de la récolte saisonnière, » a déclaré Robert Serry, coordonnateur spécial des Nations Unies pour l’[inexistant] processus de paix au Moyen Orient.

Le Palestine Centre, une organisation basée à Washington DC, a enregistré une augmentation de 39 pour cent de la violence perpétrée par les colon depuis 2010, et une augmentation de 315 pour cent depuis 2007. Ces violences incluent toutes sortes d’attaques, dont du harcèlement, du vandalisme et des violences physiques.

Pour cette seule année, le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) a estimé que les colons s’étaient rendus coupables de la destruction de plus de 7500 arbres. Et selon l’Institut De Recherche Appliqué de Jérusalem, Israël a déraciné 1,2 million d’oliviers en Palestine depuis 1967.

L’industrie de l’huile d’olive est d’une importance primordiale pour les Palestiniens, puisqu’elle représente 14 pour cent du revenu agricole des Territoires Palestiniens et permet de faire vivre près de 80 000 familles.

En plus des attaques des colons, l’industrie de l’olive en particulier et le secteur agricole dans son ensemble sont affectés par un système rigoureux de laisser-passer qui empêche des milliers d’agriculteurs d’accéder à leurs terres l’essentiel de l’année et durant le temps de la récolte. Des permis sont en général attribués pendant de très courtes périodes, mais quand ils finissent par être attribués, c’est souvent trop tard pour les récoltes. Selon les Nations Unies, en 2011, 42 pour cent des demandes de permis pour accéder à des oliveraies situées derrière le mur d’apartheid et soumises avant la saison de la récolte, ont été rejetées, comparé aux 39 pour cent en 2010.

« Des champs avec des dizaines de milliers d’oliviers se trouvent derrière le mur ou près des colonies juives et sont donc inaccessibles sans permis, » a déclaré Walid Assaf, le ministre de l’agriculture pour l’Autorité Palestinienne de Ramallah. « Ces autorisations sont rarement attribuées, et seulement pendant quelques jours. Mais même dans ce cas, les agriculteurs sont attaqués par des colons sous l’ ?il complaisant de l’armée israélienne, » ajoute-t-il. Selon Assaf, le ministère a documenté à travers la Cisjordanie, 83 attaques contre les agriculteurs palestiniens durant la récolte des olives de cette année.

« Résistance non-violente »

Les fréquentes attaques de colons ont incité des groupes de Palestiniens et des militants internationaux à se répartir à travers la Cisjordanie, aidant les familles à ramasser leurs récoltes et servant de moyen de dissuasion face aux attaques des colons. Aujourd’hui, un bus rempli de militants venus de Ramallah est arrivé à Al-Lubban Ash-Sharqiya afin d’aider la famille Daraghmeh à récolter les fruits de son travail.

Des Palestiniens venus de Haïfa, d’Acre et de Jaffa sont ainsi retournés à la terre, enlevant les grosses pierres et plantant de jeunes pousses, en suivant les instructions d’Abu Jamal. D’autres venus de pays aussi éloignés que la Chine étaient occupés à enlever les mauvaises herbes et à nettoyer les clairières.

Matt Reed, un britannique âgé de 22 ans, a dit qu’il était un ami des Daraghmehs et qu’il venait régulièrement pour les aider. « Jalal et son père ont été arrêtés au moins quatre fois et ils ont été plusieurs fois condamnés à verser des cautions aussi élevées que 20 000 sheckels israéliens (environ 5000 dollars US), » ajoute-t-il. Selon Reed, il y a une présence internationale importante pendant le temps de récolte, mais il a reconnu que les colons ne sont pas toujours découragés. Il témoigne qu’il y a eu au moins trois attaques de colons contre les Daraghmehs alors que des militants étrangers étaient présents autour d’eux.

Mahmoud Hriebat, un homme âgé de 29 ans et venu de Ramallah, a expliqué qu’il avait entendu parler de la situation difficile d’Abu Jamal et de sa famille et qu’il était résolu à leur donner un coup de main. « Cultiver notre terre est une preuve d’immuabilité et un acte de résistance non-violente, » affirme-t-il. « L’entraide a toujours fait partie de notre culture et elle s’épuise pourtant lentement. Nous essayons de la rétablir par des actes comme ceux de ces derniers jours. »

28 octobre 2012 - al-Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/indepth/fe...
Traduction : Info-Palestine.net - Claude Zurbach


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