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Le Mouvement des Non-Alignés dans l’ombre du Printemps arabe

jeudi 30 août 2012 - 07h:34

M K Bhadrakumar

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Tout indique que le retour de l’Égypte au premier plan du Mouvement des Non-Alignés sera la grande nouvelle qui sortira de la réunion au sommet cette semaine à Téhéran. Le sommet devrait se concentrer sur trois principales questions pour l’Asie de l’Ouest : la crise syrienne, le nucléaire iranien, et l’épanouissement des relations Égypte-Iran.

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Téhéran : 16e sommet du Mouvement des Non-Alignés, du 26 au 31 août 2012




Téhéran est manifestement ravi que le président de l’Égypte, Mohamed Morsi, participe au sommet. Morsi a accepté l’invitation à visiter la centrale nucléaire de Bushehr en Iran. La valeur symbolique du geste ne peut être sous-estimée. Pour faire court, l’Égypte met en évidence son soutien au droit de l’Iran de poursuivre son programme nucléaire pacifique. La phalange de l’opposition arabe à l’Iran, tissée avec ténacité au fil des années par les États-Unis, est en ruine. L’état d’esprit en Iran peut se mesurer à l’aune de la déclaration d’un haut responsable politique qui affirme que l’Iran est très intéressé par une coopération nucléaire avec l’Égypte.

Le Caire, pour sa part, est en train de faire la moitié du chemin pour répondre à la bonne volonté de l’Iran. Morsi a d’abord répété au sommet de l’OCI (Organisation de la conférence islamique) à Jeddah que l’Égypte aimerait travailler avec l’Arabie saoudite, l’Iran et la Turquie afin de trouver une solution à la crise syrienne. Le Caire en a maintenant étayé l’idée et se propose de la présenter au sommet des Non-Alignés. Téhéran a déjà fait savoir qu’il accueillait favorablement l’idée, tandis que l’Arabie saoudite et la Turquie ont quelque mal à donner leur réponse. La Turquie en particulier, qui défend l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne en Syrie, même sans le mandat de l’ONU à l’instar de ce qui s’est fait au début des années quatre-vingt-dix pour l’Iraq de Saddam Hussein.

Cela montre clairement que la Turquie ?uvre pour une intervention occidentale et qu’elle ne sera pas intéressée par la proposition égyptienne, sauf à des fins tactiques. L’entrée (le retour) de l’Égypte au premier plan de la politique arabe/moyen-orientale ne sera pas très appréciée par la Turquie, laquelle a nourri le rêve néo-ottoman de la reconquête d’une position dominante dans le Moyen-Orient musulman (tout en étant le partenaire de confiance de l’Occident). De toute évidence, Morsi a brisé les espoirs du Premier ministre turc, Recep Erdogan, d’être la rock-star de la rue arabe.

Le meilleur résultat du sommet des Non-Alignés serait de contribuer à mettre en échec tout projet US visant à déclencher une guerre contre l’Iran. En effet, l’Iran va utiliser le sommet pour rallier un soutien maximal à sa position sur la question nucléaire. Tout compte fait, il devient hautement problématique pour les États-Unis d’organiser une attaque contre l’Iran pendant cette période de trois ans où il va assurer la présidence du Mouvement des Non-Alignés. Le meilleur tour que cela pourrait prendre serait que le Président Barack Obama se satisfasse simplement de cette perspective.

Au bout du compte, le sommet du Mouvement des Non-Alignés augure d’un nouveau chapitre dans la politique moyen-orientale. Les relations entre l’Iran et l’Égypte sont tombées au point mort quand Le Caire a donné asile au Shah et fait la paix avec Israël en 1978. L’Égypte et l’Iran sont en train de restaurer leurs liens et cela devient un élément déterminant dans la géopolitique de la région. La politique saoudienne est à un carrefour. Ce qui explique la tirade continue dans la presse de l’establishment saoudien contre le Printemps arabe et les Frères de l’Égypte.

A mon avis, quelque détail peu visible laisse entendre que Téhéran a l’intention d’être un président « responsable » du Mouvement des Non-Alignés, pilotant le navire sans théâtralisme ni controverses. Paradoxalement, la présidence du Mouvement des Non-Alignés impose des modérations à l’Iran, qu’on le veuille ou non. De même, l’Iran est pleinement conscient qu’une excellente occasion de montrer sa position dominante à la face du monde est à portée de sa main et qui ne doit pas être gaspillée. Ainsi, Téhéran a invité le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas au sommet des Non-Alignés, mais il a tenu à l’écart le Hamas. Non seulement cela, mais Téhéran a choisi de contredire l’impression qui avait été donnée par les officiels palestiniens de Gaza que c’était la décision de Mohammed Haniyeh de ne pas participer au sommet.

L’ambassadeur M K Bhadrakumar a été diplomate de carrière dans les services indiens des Affaires étrangères. Il a notamment été affecté en Union soviétique, en Corée du Sud, au Sri Lanka, en Allemagne, en Afghanistan, au Pakistan, en Ouzbékistan, au Koweït et en Turquie.

Du même auteur :

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27 août 2012 - Rediff - Traduction : Info-Palestine/JPP


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