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Les 360 000 « orphelins » de Jérusalem

vendredi 31 août 2012 - 07h:48

Daoud Kouttab

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Avec la poursuite du conflit israélo-palestinien et l’incertitude sur l’avenir de Jérusalem, les 360.000 habitants de Jérusalem-Est sont des orphelins politiques.

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Al-Qods - Contrôle de femmes palestiniennes par les forces israéliennes d’occupation. L’accès à l’esplanade des mosquées pour assister aux prières du 1er vendredi de Ramadan, a été très sévèrement restreint, comme chaque année - Photo : AFP

Les Palestiniens vivant à Jérusalem-Est expérimentent peut-être les temps les plus difficiles.

Ils ne sont pas autorisés à faire partie de l’Autorité Palestinienne, ne possèdent pas son passeport et ne sont pas administrés par elle. Ils ne sont pas non plus des citoyens israéliens.

Israël accorde la résidence permanente aux Palestiniens qui étaient à Jérusalem quand l’armée israélienne a conquis la Ville sainte et l’a unilatéralement annexée à l’Etat d’Israël. Et même si aucun pays dans le monde n’a reconnu cette annexion israélienne, il n’a pas été accordé aux Palestiniens de maintenir leurs propres institutions locales.

En dépit des promesses et des engagements des Etats-Unis depuis les Accords d’Oslo, la ville a été isolée et s’est vu refuser la permission de s’administrer elle-même.

La Maison de l’Orient, qui était un point de référence palestinien de fait, a été fermée sur ordre des Israéliens qui se sont servis de lois d’exception pour maintenir sa fermeture. De même, la Chambre de commerce a été fermée, déniant aux marchands palestiniens le droit d’accéder à cette organisation.

Tout événement qui pourrait sentir le nationalisme palestinien est rapidement arrêté par la police israélienne. Une tentative de célébrer le succès d’un champion de foot de Jérusalem-Est a été rejetée sous prétexte que l’Autorité palestinienne était secrètement derrière les célébrations.

Une institution a tout juste survécu au fil des décennies : c’est la Compagnie d’Electricité de Jérusalem. Cette compagnie privée qui opère sur base d’une concession, est propriété des municipalités locales de Bethléem et de Ramallah, ainsi que de la municipalité de Jérusalem-Est.

Naturellement, les sièges ont été repris par la municipalité israélienne, dont les élections sont depuis boycottées par les Palestiniens à cause de la décision israélienne d’unifier l’est et l’ouest de Jérusalem à l’encontre de la volonté de la population locale et de la communauté internationale.

Avec les années, cette compagnie a perdu sa capacité de produire sa propre énergie et elle est devenue une compagnie de redistribution. A présent la compagnie israélienne qui lui fournit l’électricité menace de la reprendre à cause des dettes croissantes.

La Compagnie d’Électricité de Jérusalem doit environ 100 millions de dollars. Une part du problème vient de ce qu’au moment de l’intifada palestinienne, les Palestiniens, et en particulier ceux des camps de réfugiés, cessèrent de payer leurs factures d’électricité (de même que l’eau et les taxes). Privée de la possibilité de collecter, la compagnie a demandé à l’Autorité palestinienne de l’aider à couvrir les factures de ceux qui vivent dans les camps de réfugiés.

Les problèmes de Jérusalem ne se limitent pas à la crise actuelle de la Compagnie d’Électricité. Sans doute le principal problème qu’évoquent constamment les « orphelins » de la Ville est-il l’absence générale de tout mécanisme pour résoudre les problèmes. La criminalité locale reste sans solutions, créant ainsi (mais par hasard) un système de sécurité parallèle qui favorise généralement les grandes familles et ceux qui ont les moyens de payer des voyous pour les protéger.

Les Palestiniens préfèrent ne pas recourir au système judiciaire israélien l’un contre l’autre, et pendant l’intifada s’est introduite l’idée d’arbitrage local. Mais ce mécanisme mis en place localement est à présent corrompu. L’arbitrage fonctionne bien quand les gens sont disposés à faire confiance et à obéir aux décisions.

Ce qui s’est produit, c’est que le crime organisé à Jérusalem a trouvé en l’arbitrage le parfait instrument pour extorquer de grandes quantités d’argent à des individus faibles, en suggérant un arbitre qui apparaît comme une personne de bonne réputation et en pressurant ensuite les arbitres pour qu’ils fassent des accords exagérés sur lesquels ils prélèvent un lourd pourcentage.

L’Autorité palestinienne est incapable d’intervenir et les Israéliens peu intéressés à enrayer cette marée de criminels organisés et de voyous.

Certains prétendus nationalistes coopéreraient en secret et bénéficieraient de ces violences. Le résultat est une grave érosion de la cohésion sociale et de la coopération nationale.

Tandis que les dirigeants palestiniens évoquent toujours l’importance de Jérusalem dans la lutte nationale, il semble bien que même si un accord était atteint sur le plan politique les Palestiniens découvriraient alors que la ville qu’ils ont déclarée leur capitale est une coquille vide dirigée par des voyous et des criminels.

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* Daoud Kouttab est journaliste et ancien professeur de journalisme à l’Université de Princeton.

Du même auteur :

- Goldstone : perceptions et réalité - 25 avril 2011
- Juifs ou Israéliens ? - 30 octobre 2010
- L’union ne suffit pas - 13 février 2007
- Pourquoi tant d’arrogance ? - 10 juillet 2006

24 août 2012 - Ma’an News -Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.maannews.net/eng/ViewDet...
Traduction:Info-Palestine.net - Marie Meert


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