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Et si on disait toute la vérité ... Arafat revisité

jeudi 9 août 2012 - 07h:31

Jeffrey Blankfort

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Il y a eu récemment toute une série d’articles concernant l’implication d’Israël dans la mort de l’ancien dirigeant Yasser Arafat. Je suggère que cela est moins important qu’analyser le rôle réel qu’a joué Arafat dans la lutte de libération palestinienne de son vivant et comment il a planté le décor pour la situation désespérée dans laquelle les Palestiniens se trouvent aujourd’hui.

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Yasser Arafat, le fondateur de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP)

D’abord, par rapport à cette histoire (vraie ou fausse), les Israéliens auraient pu tuer Arafat pratiquement au moment qu’ils souhaitaient avant Oslo, comme ils ont eu d’autres cadres du Fatah au Liban et en Tunisie ; car sa sécurité rapprochée, comme tout le reste autour de lui, était plus basée sur le copinage que sur la compétence (comme je l’ai vu par moi-même en 1970 et 1983). S’ils ne l’ont pas fait, je crois que c’est parce qu’ils se rendaient compte que seul Arafat était en position de signer un document rendant le sol palestinien à l’ennemi sioniste que les Palestiniens accepteraient.

Et en échange de quoi ? Cesser la lutte armée, mettre l’Autorité Palestinienne en charge de la sécurité d’Israël et - avec la coopération des USA, de l’UE et de l’ONU - soulager Israël de ses responsabilités financières et légales en tant qu’occupant de la terre palestinienne. (Sharon qui ne voyait pas la nécessité de signer des accords - tenta de l’assassiner avec un bombe à implosion dans un immeuble de Beyrouth où il s’était trouvé quelques moments aparavant, ce qui ôta la vie à quelque 154 autres, mais cela fut un exception.)

« L’OLP considère que la signature de la Déclaration de Principes (DdP) constitue un événement historique » écrivait Arafat à Yitzhak Rabin le 9 septembre 1993, « inaugurant une ère nouvelle de coexistence pacifique dépourvue de violence et de tous les autres actes qui menacent la paix et la stabilité. En conséquence, l’OLP renonce à l’usage du terrorisme et autres actes de violence et assumera la responsabilité de tous les éléments et personnels de l’OLP afin d’assurer l’adhésion dans la prévention de la violence et des fauteurs de trouble. »

En d’autres mots, « Au lieu de l’armée israélienne, ce seront les policiers palestiniens. Ceci est conforme à l’accord », déclarait Shafik al-Hout, représentant l’OLP à Tunis, à Alexander Cockburn de CounterPunch, immédiatement après.

Si un lecteur nourrit encore l’illusion qu’Oslo a été autre chose qu’une trahison par Arafat et ses petits copains - comme je l’écrivais dans un précédent article www.counterpunch.org/2010/08/31/mah... - l’un des négociateurs principaux d’Israël, Shlomo Gazit, a mis cette notion au rencart le soir du 17 novembre 1993. Mis au défi au cours d’un exposé à la Congrégation Beth Shalom à San Francisco par une personne en colère dans le public qui comparait l’accord à celui signé avec l’Allemagne nazie à Munich en 1938, Gazit répondit calmement que tout en étant réticent devant de telles comparaisons, « si c’est un autre Munich, nous sommes les Allemands et les Palestiniens sont les Tchèques ».

Arafat lui-même en a retiré quelques chose. Huit millions de dollars par mois de la part d’Israël payés sur son compte dans une banque privée, ce qui, ironiquement, fut rapporté dans l’hebdomadaire new-yorkais Forward à la une. Il semble que Natan Sharansky, l’ancien banquier russe juif dit « prisonnier de Sion » voulait arrêter les paiements sur la base que l’Autorité Palestinienne d’Arafat n’était pas dirigée « démocratiquement ». Sérieusement, c’est ce qu’il prétendait et qui bien sûr était vrai, mais Sharansky n’était guère en position de lancer une telle accusation. La presse de l’AP contrôlée par Arafat n’en a jamais fait mention, bien sûr, en supposant qu’elle était au courant.

C’était pourtant en 1993, à peu près au moment où l’éditeur de Al-Fajr, le populaire hebdomadaire palestinien de langue anglaise né en 1971, écrivait un éditorial appelant les Palestiniens ayant des informations sur la corruption (endémique) au sein de l’OLP à contacter le journal. Arafat l’a immédiatement fait fermer (juste après que j’eus renouvelé mon abonnement) et il n’a jamais reparu.

Jusqu’en 1987, Arafat, comme la plupart des Palestiniens de la diaspora, centrait ses activités sur l’arène internationale. On avait l’impression que les gens sous occupation en Cisjordanie et à Gaza avaient renoncé à la résistance et ne méritaient plus de discuter, un fait qui n’a pas été perdu pour ceux qui ont lancé la première Intifada ce décembre-là. Chacun de leurs communiqués commençait par le slogan « Qu’aucune voix ne couvre la voix de la résistance ! ». Il visait tout autant Arafat dans son quartier général de Tunis que les Israéliens, et Arafat le savait.

Il a commencé à faire ce qu’il pouvait pour mater le soulèvement, comme engager un menuet avec le Secrétaire d’Etat James Baker pour que son représentant Abou Mazen (Mahmoud Abbas) lui plante un couteau dans le dos et dans le dos du peuple palestinien à Oslo. Il ne faut pas oublier que la délégation palestinienne n’avait pas un seul juriste. Pas même son conseiller Sabri Jiryis. C’est un de ceux qui auraient dû être là, comme l’écrivait Raja Shehadeh de [l’organisation] Al Haq, « Malgré l’approche bien connue et légaliste d’Israël dans les négociations, l’équipe palestinienne à Oslo n’a consulté aucun conseiller juridique ... tout au long du processus ». C’était clairement une décision prise délibérément par Arafat.

Ce qu’il y aurait entendu ou lu - et manifestement il ne le voulait pas - c’est l’opinion de Shehadeh et du juriste gazaoui des droits de l’homme Raji Sourani, plus 20 autres éminents activistes palestiniens qui dans une Déclaration Palestinienne d’Indépendance des Accords Israël-OLP publiée fin avril 1994, déclarait « non contraignant » :
« Tout accord intérimaire conclu entre Israël et les Palestiniens qui cherche à légitimer, en s’assurant l’acquiescement palestinien, des actions israéliennes unilatérales illégitimes prises au cours de l’occupation israélienne [...] viole le droit international ».

Avant le signature d’Oslo, le soutien à Arafat en Palestine occupée était tombé au plus bas. Donc il apparut au PM Rabin et au Ministre des Affaires Etrangères Shimon Peres qu’il fallait faire quelque chose pour le sauver, de crainte que s’il chutait, une nouvelle direction révolutionnaire ne le remplace.

Et comme la plupart des Palestiniens n’avaient aucune idée et n’étaient pas informés par Arafat du contenu de l’Accord, Oslo ressuscita sa réputation, du moins temporairement. L’opération de sauvetage d’Israël fut très justement dépeinte dans une caricature du Jerusalem Post montrant Arafat sur une civière faisant le signe « V ». Les porteurs de civière étaient Rabin et Peres.

Pendant son séjour à Tunis, il reçut la visite de deux amis américains juifs, des activistes qui, évoquant la question de l’aide étatsunienne à Israël, s’étonnèrent d’entendre Arafat leur dire qu’il ne voulait pas que cela soit un sujet aux Etats-Unis. Il semble qu’à l’époque Arafat était fortement influencé par Alan Solomonow, le directeur du Comité des Amis Américains pour le Moyen-Orient (CONAME) à San Francisco, qui venait souvent à Tunis et à son retour transmettait au public ce qu’il donnait pour les dernières pensées d’Arafat. Solomonow n’autorisait pas les Palestiniens locaux à être membres de son Comité sans lui baiser les pieds, et une fois membre du Conseil National Palestinien (CNP) - cette fois - l’élu qui pouvait assister à l’une des réunions du Comité était autorisé à regarder et à écouter, mais sans dire un seul mot.

Les Palestiniens et la communauté arabo-américaine voyaient les activités de Solomonow pour ce qu’elles étaient, protéger Israël, et après qu’il eut été rudement congédié par un délégué du siège du Comité des Amis Américains qui se plaignaient de lui, les dirigeants de la communauté décidèrent de boycotter Solomonow. Ils autorisèrent également le président de l’Association arabo-américaine à écrire une lettre détaillée à Arafat concernant les problèmes de la communauté avec Solomonow, et le mettant en garde contre une association avec quelqu’un qu’ils considéraient comme un « agent israélien ». En retour, quelques mois plus tard ce n’est pas un accusé de réception qui arriva de Tunis, mais ils virent une photo d’Arafat et Solomonow posant ensemble bras-dessus, bras-dessous.

En 2004, étant en Cisjordanie avec quelques activistes nord-américains, le chef de notre groupe qui avait rencontré Arafat plusieurs fois lui demanda une visite de son quartier à Ramallah, comme une formalité. J’attendais avec impatience de rencontrer Arafat parce que voulais lui demander pourquoi il n’allait pas simplement se promener hors de l’enceinte qui semblait une sorte de prison auto-imposée. Quand nous nous y étions promenés auparavant, la rue était pleine de Palestiniens vaquant à leurs affaires et il n’y avait pas l’ombre d’un soldat israélien dans le voisinage.

Que craignait Arafat ? Clairement, pas les Israéliens qui n’étaient pas prêts à le tuer, mais ses amis palestiniens. De temps en temps ils montraient leur insatisfaction devant la manière corrompue dont l’AP gérait la part de territoire que les Israéliens les autorisaient à gouverner, sa nature non démocratique et les fréquentes arrestations de ceux qui le critiquaient. Et ils blâmaient Arafat.

C’est à cette époque, curieusement, que les Israéliens allaient commencer à proférer des menaces publiques contre Arafat pour l’une ou l’autre chose manifestement artificielle. Le résultat de cette posture israélienne était prévisible et sans aucun doute attendu et désiré. Les gens cesseraient de se plaindre et se retrouveraient autour du « vieil homme » qui les avait trahis, et grâce au silence de ceux qui le vénéraient toujours, ils ne le sauraient toujours pas.

* Jeffrey Blankfort est un journaliste et producteur de radio étatsunien, co-fondateur du Labor Committee of the Middle East, Ancien directeur du Middle East Labor Bulletin.
Adresse : jblankfort@earthlink.net

6 août 2012 - CounterPunch - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.counterpunch.org/2012/08...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert


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