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Le soulèvement en Egypte et ses implications pour la cause palestinienne

lundi 31 janvier 2011 - 06h:37

Ali Abunimah - E.I

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Nous sommes au milieu d’un tremblement de terre politique dans le monde arabe, et le sol n’a pas fini de trembler.

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Egypte : le soulèvement populaire que tous les partisans de la cause palestinienne attendaient !

Faire des prédictions lorsque les événements sont si rapides est risqué, mais il ne fait aucun doute que le soulèvement en Egypte - même s’il prenait fin - aura un impact énorme dans la région et en Palestine.

Si le régime de Moubarak tombe et est remplacé par un pouvoir moins lié à Israël et aux États-Unis, Israël sera le grand perdant. Comme Aluf Benn l’a commenté dans le quotidien israélien Haaretz : « La disparition du gouvernement du président égyptien Hosni Moubarak a laissé Israël dans un état de détresse stratégique. Sans Moubarak, Israël se retrouve avec presque aucun ami dans le Moyen-Orient. L’an dernier, Israël a vu son alliance avec la Turquie s’effondrer ».

En effet, observe Benn, « Israël ne se retrouve plus qu’avec deux alliés stratégiques dans la région : la Jordanie et l’Autorité palestinienne ». Mais ce que Benn ne dit pas, c’est que ces deux « alliés » ne seront pas épargnés non plus.

Au cours des dernières semaines, j’ai été à Doha examiner les mémos palestiniens dévoilés sur Al-Jazira. Ces documents soulignent la mesure dans laquelle la division entre les pro-américains de l’Autorité palestinienne à Ramallah dirigés par Mahmoud Abbas et sa faction du Fatah, d’un côté, et le Hamas dans la bande de Gaza de l’autre - a été une décision politique prise par des pouvoirs de la région ou extérieurs : les États-Unis, l’Egypte et Israël. Cette politique comprenait l’application stricte par l’Egypte du blocus de Gaza.

Si le régime de Moubarak s’en va, les États-Unis vont perdre un énorme levier pour influer sur la situation en Palestine, et l’Autorité palestinienne [AP] d’Abbas va perdre un de ses principaux alliés contre le Hamas.

Déjà discréditée par l’étendue de sa collaboration et de sa capitulation exposées dans les mémos palestiniens, l’AP sera encore plus affaiblie. En l’absence d’un « processus de paix » crédible pour justifier sa « coordination sécuritaire » poursuivie avec Israël, ou simplement son existence même, le compte à rebours peut aussi commencer pour une implosion de l’Autorité palestinienne. Même le soutien des États-Unis et de l’Union européenne pour un Etat policier et répressif à la sauce de l’AP peut ne plus être politiquement tenable. Le Hamas peut en être le bénéficiaire immédiat, mais pas nécessairement sur le long terme. Pour la première fois depuis des années nous assistons à de larges mouvements de masses, et bien que des islamistes y participent, ces masses ne sont pas nécessairement dominées ou contrôlées par ceux-ci.

Il y a aussi une valeur d’exemple pour les Palestiniens : l’endurance des régimes tunisien et égyptien était fondée sur la perception qu’ils étaient forts, sur leur capacité à terroriser une partie de leurs populations et à en coopter une autre. La facilité relative avec laquelle les Tunisiens ont mis à bas leur dictateur, et la rapidité avec laquelle l’Egypte, et peut-être le Yémen, semblent aller dans la même voie, pourraient bien envoyer un message aux Palestiniens que ni Israël ni les forces de sécurité de l’AP ne sont aussi indomptables qu’elles ne le paraissent. En effet, la force « dissuasive » d’Israël a déjà subi un énorme coup par son échec à vaincre le Hezbollah lors des attaques sur le Liban en 2006 et à vaincre le Hamas à Gaza durant l’hiver 2008-09.

Quant à l’AP d’Abbas, jamais autant d’argent venu des donateurs internationaux n’a été consacré à une force de sécurité avec d’aussi mauvais résultats. Le secret de polichinelle, c’est que si l’armée israélienne n’occupait pas la Cisjordanie et ne faisait pas le siège de Gaza (avec l’aide du régime de Moubarak), Abbas et sa garde prétorienne seraient tombés depuis longtemps. Construisant sur les bases d’un processus de paix frauduleux, les États-Unis, l’UE et Israël - avec le soutien de régimes arabes décrépis et à présent sous la menace de leurs propres peuples - ont construit une maison palestinienne de cartes dont il est peu probable qu’elle ne reste debout plus longtemps.

Cette fois, le message peut être que la réponse n’est pas une plus forte résistance armée, mais un peu plus de pouvoir au peuple et que l’accent soit mis davantage sur les manifestations populaires. Les Palestiniens forment au moins la moitié de la population dans la Palestine historique - Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza réunies. S’ils se soulèvent collectivement pour exiger l’égalité des droits, que pourrait faire Israël pour les arrêter ? La violence brutale et meurtrière d’Israël n’a pas empêché des manifestations régulières dans les villages de Cisjordanie, dont Bil’in et Beit Ommar.

Israël doit craindre que s’il répond à une insurrection générale avec brutalité, son soutien international déjà précaire pourrait commencer à s’évaporer aussi rapidement que celui de Moubarak. Le régime de Moubarak, semble-t-il, est en rapide « délégitimation ». Les dirigeants israéliens ont indiqué clairement qu’une telle implosion de l’appui international leur fait plus peur que n’importe quelle menace militaire extérieure. Avec le basculement de pouvoir en faveur du peuple arabe [...], les gouvernements arabes ne pourront pas rester silencieux et complices comme ils l’ont été pendant des années alors qu’Israël opprime les Palestiniens.

Quant à la Jordanie, le changement est déjà en cours. J’ai assisté à une manifestation de milliers de personnes dans le centre d’Amman hier. Ces protestations, bien organisées et pacifiques, appelées par une coalition de partis islamistes et l’opposition de gauche, ont lieu depuis des semaines dans les villes à travers le pays. Les manifestants exigent la démission du gouvernement du Premier ministre Samir al-Rifai, la dissolution du parlement élu dans ce qui a été largement considéré comme des élections frauduleuses en novembre, de nouvelles élections libres fondées sur des lois démocratiques, la justice économique, la fin de la corruption et l’annulation du traité de paix avec Israël. Il y avait de fortes démonstrations de solidarité avec le peuple d’Egypte.

Aucune des composantes de la manifestation n’escomptait que le genre de révolution qui s’est produit en Tunisie et en Egypte se produise en Jordanie, et il n’y a aucune raison de croire que de tels développements soient imminents. Mais les slogans entendus lors des ces manifestations étaient sans précédent dans leur audace et leur défi direct à l’autorité. Tout gouvernement devenant plus sensible aux souhaits de sa population devra revoir ses relations avec Israël et les États-Unis.

Une seule chose est aujourd’hui certaine : quoi qu’il advienne dans la région, la voix du peuple ne peut plus être ignorée.

* Ali Abunimah est rédacteur en chef de The Electronic Intifada et l’auteur de One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse.

Du même auteur :

- Le massacre de Gaza et la lutte pour la justice - 30 décembre 2010
- Israël pense que nous sommes « très forts » ... Alors aidez-nous à le rester. - 17 décembre 2010
- La Banque mondiale occulte-t-elle les mauvais chiffres de la « croissance » économique en Cisjordanie ? - 5 septembre 2010
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- La nouvelle stratégie d’Israël : « saboter » et « attaquer » le mouvement pour une justice globale - 18 février 2010

29 janvier 2011 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Abd al-Rahim


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