La diversion de l’offensive sur Damas -
"Réserves"
mardi 24 juillet 2012 - 09h:07
K. Habib/M. Saadoune - Le Quotidien d’Oran
L’assaut mené au c ?ur de Damas n’avait pas pour objectif de « libérer » la capitale syrienne et encore moins d’abattre le régime.
La diversion de l’offensive sur Damas
par Kharroubi Habib
Face à l’armée du régime dotée d’une puissance de feu incomparablement supérieure aux moyens militaires dont dispose la rébellion syrienne, l’offensive lancée par celle-ci au c ?ur de la capitale Damas était vouée à l’échec. L’opération qui est apparue suicidaire a été néanmoins exécutée parce que devant faire diversion sur d’autres qui ont été menées par cette même rébellion aux frontières de la Syrie avec la Turquie et l’Irak consistant en la prise de contrôle par elle des postes-frontières syriens en ces endroits. L’assaut mené au c ?ur de Damas n’avait pas pour objectif de « libérer » la capitale syrienne et encore moins d’abattre le régime. Son objectif était de fixer le maximum des effectifs de l’armée sur la défense de Damas pour empêcher celle-ci d’expédier les renforts nécessaires qui auraient pu faire échec à la prise de contrôle des postes-frontières par les rebelles.
Ce n’est pas une simple démonstration de force que la bataille engagée par la rébellion pour la prise de contrôle des postes-frontières. Celle-ci est pour les puissances étrangères qui soutiennent la rébellion le premier maillon de la stratégie qu’elles ont élaborée pour abattre le régime syrien. De ces postes-frontières qu’occuperont les rebelles, notamment ceux ouvrant sur la Turquie, les officines spécialisées dans la subversion de ces puissances auront toute latitude d’approvisionner en armement et logistique adéquate les combattants anti-régime. Leur occupation crée l’illusion de « territoires libérés » à partir desquels peut s’engager une intervention armée étrangère n’ayant nullement besoin d’une résolution onusienne pour être entreprise. Ainsi est en train de se concrétiser l’option d’une intervention étrangère « hors Conseil de sécurité » évoquée par Washington au vu de la mise en échec des projets de résolutions américano-européens à l’ONU.
La Turquie est au centre de cette stratégie car c’est sur son territoire qu’ont afflué les aides multiformes dont bénéficie la rébellion. Le rôle de base arrière qu’elle assume pour cette rébellion est sa façon de répondre au régime syrien dont les défenses aériennes ont il y a quelques semaines abattu un avion militaire turc qui survolait l’espace aérien syrien. C’est désormais une véritable guerre civile qui fait rage en Syrie que les protagonistes, régime et rébellion, mènent avec le concours de leurs alliés étrangers respectifs. Autant dire que le plan Annan n’est plus d’actualité. L’objectif des deux camps étant maintenant d’écraser l’autre. La seule certitude étant que cet objectif va être long à atteindre pour les deux.
En tout état de cause, l’implosion de la Syrie inscrite dans les desseins des tenants de la reconfiguration de la région connue sous le nom du « Grand Moyen-Orient » est déjà réalisée. Le pays est en effet le théâtre d’une confrontation dans laquelle est en train de primer l’appartenance ethnique, religieuse et communautariste de ses protagonistes. Ce qui déterminera le contenu de toute solution qui mettra fin au conflit.
Analyse
Réserves
par M. Saadoune
Le comité ministériel de la Ligue arabe sur la Syrie, présidé par le Qatar, qui regroupe l’Arabie Saoudite, le sultanat d’Oman, l’Égypte, le Soudan, l’Algérie, l’Irak et le Koweït, a demandé au président Bachar Al-Assad de quitter le pouvoir en échange d’une sortie « sûre » pour lui et sa famille. L’appel est fait au nom du souci de « mettre fin à l’effusion du sang », de « préserver l’unité de la Syrie » et « garantir une transition pacifique du pouvoir » dans ce pays, membre de la Ligue arabe, selon le texte.
Un seul pays membre du comité a refusé d’approuver cet appel, avait affirmé dimanche le ministre qatari. L’Irak a rapidement expliqué qu’il avait émis des réserves sur cet appel car il revenait au seul peuple syrien de décider du sort de Bachar Al-Assad. Le compte était ainsi fait. Pendant de longues heures, on s’est demandé si l’Algérie a vraiment approuvé, sans réserve, cet appel qui ne surprend pas venant du Qatar ou de l’Arabie Saoudite. Ces pays apportent un soutien en armes et en fonds à l’opposition syrienne et ont expliqué depuis le début qu’ils veulent régler son compte au régime de Damas. Ce n’est pas le cas de l’Algérie. Il a fallu attendre un certain temps avant qu’un article de l’APS ne vienne contredire le représentant du Qatar.
Tout comme l’Irak, l’Algérie a bien émis des réserves sur la décision de la Ligue arabe d’appeler le président syrien à renoncer au pouvoir. C’est une « décision souveraine du peuple syrien frère et qui ne relève pas des prérogatives du conseil » aurait fait valoir l’Algérie, rapporte l’APS en citant le document final de la réunion. L’Algérie « émet des réserves sur le troisième paragraphe partant du fait que cette décision ne relève pas des prérogatives de ce conseil mais demeure une décision souveraine du peuple syrien frère », selon le document. Cela met fin à des spéculations qui ont duré quelques heures sur un éventuel changement de cap de la diplomatie algérienne. Pourquoi le représentant du Qatar a-t-il parlé des réserves exprimées par un seul pays alors qu’il y en a deux - l’Irak et l’Algérie -, cela relève probablement des petites man ?uvres ? Car, il est logique que l’Algérie se retrouve, sur cette question, du côté de l’Irak plutôt que du côté des États du Golfe. Il est déjà arrivé que l’Algérie exprime dans le cadre de ce comité ses « réserves » à l’égard d’un appel ou d’une décision.
Appeler au départ d’un dirigeant étranger, même arabe, aurait été un changement de cap de la politique algérienne entraînant une remise en question du sacro-saint principe du respect de la souveraineté et du refus de l’ingérence. Un tel changement aurait été probablement approuvé par les islamistes algériens qui, c’est notoire, souhaitent, comme l’Arabie Saoudite et le Qatar, la chute du régime syrien. D’autres l’auraient souhaité au nom d’un « pragmatisme » qui aurait manqué à la diplomatie algérienne au cours de la crise libyenne au point de se faire tancer par les Occidentaux. Avec les « réserves » exprimées officiellement, l’Algérie officielle reste sur ses traditions. Pourtant, cet épisode pose la question de la participation de l’Algérie à ce comité ministériel. Est-il vraiment utile d’y participer quand on n’est pas vraiment acteur d’un comité managé de bout en bout par le Qatar et l’Arabie Saoudite ?
Éditorial
De K. Habib :
Un tournant dans le conflit syrien
Morsi moins insignifiant qu’il a été présenté
La crise syrienne est loin de sa fin
Turquie/Syrie : Un « incident » flagrant délit de violation de souveraineté
Pendant ce temps Israël...
Syrie : une petite lueur a clignoté
Syrie : Robert Mood met les pieds dans le plat
[...]
De M. Saadoune :
Jusqu’au bout de la Syrie !
Syrie : un pays en danger de mort
Imbroglio sur les rives du Nil
Un accord inapplicable
Le vortex libyen
Foot : Un buzz douteux
Le gambit russe
[...]
24 juillet 2012 - Le Quotidien d’Oran