Socialistes et révolutionnaires en Egypte
vendredi 24 février 2012 - 17h:16
Bisan Kassab - Al-Akhbar
Les Socialistes-Révolutionnaires en Egypte sont loin d’être un groupe politiquement irresponsable. Ils ont commencé leur militantisme politique en appui du mouvement ouvrier égyptien il y a deux décennies, et ont adopté une orientation radicale mais pragmatique pour le changement.
- Place Tahrir, janvier 2011
Certains militants utilisaient le terme « d’enfants courageux » pour parler des socialistes-révolutionnaires (SR) en décembre dernier. Même s’ils ont déjà été l’objet de critiques féroces de la part de gauchistes et de libéraux pour avoir travaillé avec les islamistes, ils ont également été confrontés à une plainte en justice par Gamal Taj, un avocat et membre éminent de la Fraternité musulmane.
Le plaignant accusait les SR de chercher à détruire l’Etat. Il a cité une déclaration faite par le SR Naguib Sameh, disant que le vieil État doit s’effondrer, comme le Conseil suprême des Forces armées (SCAF) après que les soldats aient perdu confiance dans leurs dirigeants.
Mais en raison de la condamnation générale des islamistes sur les sites de réseaux sociaux et dans les journaux, il a rapidement retiré sa plainte. Les dirigeants des Frères, y compris leur guide suprême Badie Mohammad, avaient eux-mêmes publié une déclaration désavouant la plainte déposée par Gamal Taj. Le Comité des Libertés dans l’Association du Barreau avait aussi de son côté critiqué la Fraternité pour le dépôt de la plainte.
Les SR ont été les premiers à mettre en garde contre la prise du pouvoir par le SCAF, le jour même où Hosni Moubarak a été évincé du pouvoir et lorsque le Conseil militaire était encore considéré comme un « protecteur de la révolution » supposé rester neutre. Aujourd’hui, leurs publications blâment ouvertement le SCAF comme responsable pour une grande partie de la violence post-révolutionnaire et de la répression.
Les SR sont aussi connus pour leur défense passionnée de la classe ouvrière, en particulier lorsque les syndicats ont été critiqués pour refuser obstinément de revenir sur leurs revendications pour des raisons de stabilité économique.
Depuis leur création, les SR se sont engagés dans une bataille après l’autre, dont bon nombre semblaient insurmontables eu égard aux forces du groupe. Dans les années 1980, leurs partisans les considéraient comme « courageux » pour leurs positions de principe sur de nombreuses questions, tandis qu’ils étaient considérés comme des « imbéciles qui n’ont pas d’intelligence politique » parmi une grande partie de l’élite.
En 2003, le procureur de la sécurité de l’Etat a qualifié les membres du mouvement des socialistes-révolutionnaires de « hors la loi qui cherchent à renverser le régime au pouvoir ».
Les socialistes-révolutionnaires sont apparus comme groupe organisé lors des élections syndicales de 1991, alors qu’ils soutenaient les travailleurs en grève. À l’époque, des militants des SR avaient réussi à se faufiler à l’intérieur de la Compagnie du fer et de l’acier dans al-Tebbin, et avait placardé l’image d’un travailleur qui avait été tué lors d’un raid de la police.
Ils étaient les premiers à manifester leur solidarité avec les travailleurs en grève en 1994 dans la société Kafr al-Dawwar, et ils avaient à cette occasion formé des groupes de soutien parmi les étudiants afin de dénoncer la répression contre cette grève, laquelle s’est ensuite terminée en fusillades et avec des tentatives d’incendier l’usine.
En 1997, ils ont soutenu le mouvement paysan qui s’élevait contre de nouvelles lois qui cherchaient à remettre en cause la propriété foncière des agriculteurs, et à imposer des baux à court terme au taux du marché. C’était la même année que le premier appel public à la démission de Moubarak a été lancé par Kamal Khalil, le parrain du socialisme révolutionnaire en Egypte.
Le nouveau millénaire a marqué le début de nouvelles opportunités pour leur mouvement après l’éruption de la seconde Intifada palestinienne. Les SR ont été parmi les fondateurs du mouvement de solidarité avec la Palestine en Egypte.
Malgré leur petite taille, le mouvement des SR a également été à l’avant-garde du mouvement contre l’invasion de l’Irak en 2003. C’est à cette occasion que leur position à l’égard des islamistes les a distingués du reste de la gauche, qui était farouchement opposée à travailler avec les Frères. Dès lors, les SR ont milité selon le slogan : « Parfois avec les islamistes, mais toujours contre l’Etat ».
Cette position a été renforcée plus tard au cours de la guerre israélienne de 2006 contre le Liban, quand ils ont pris part à des activités conjointes avec les Frères musulmans.
Malgré leur nombre réduit, les SR ont donc été à l’avant-garde du mouvement contre l’invasion de l’Irak en 2003. Des dizaines de milliers de personnes s’étaient rassemblées pour la première fois sur la place Tahrir sous le règne de Moubarak, les 20 et 21 mai de cette année-là pour protester contre l’invasion.
La résurgence d’un mouvement ouvrier à la fin de 2006 - et qui continue à se développer à ce jour - a ouvert la possibilité pour les SR d’étendre leur influence parmi les membres de la classe ouvrière.
En 2007, ils furent les premiers à appeler à la formation de syndicats indépendants, après avoir passé de froides nuits d’hiver en face du ministère des finances en appui à la grève des collecteurs d’impôts fonciers. Lorsque la grève a pris fin, le premier syndicat indépendant en Egypte a été créé, et il s’est plus tard transformé en la Fédération Générale des Travailleurs Indépendants.
15 février 2012 - al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.net - Claude Zurbach