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Gaza : rude épreuve pour les agents de voyage
jeudi 5 août 2010 - PCHR Gaza
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L’agence de tourisme et de voyage Shurafa poursuit ses activités dans une conjoncture marquée par des pertes occasionnées par l’imposition de restrictions tyranniques et sévères ayant rendu le voyage pratiquement impossible pour les un million et demi de palestiniens dans la Bande de Gaza.

Ce récit est important pour deux raisons. D’abord, il nous aidera à comprendre les différentes formes de limitation des déplacements auxquelles l’agence a dû faire face durant quarante trois ans dans Gaza sous occupation. Ensuite, il nous expliquera comment et pourquoi l’agence continue ses activités face à ces restrictions qui ont rendu impossible le déplacement à l’extérieur de Gaza pour les habitants, estimés à un million et demi, de l’enclave côtière.

En effet, pendant près de deux décennies, les Palestiniens de Gaza ont été soumis à une stricte limitation de voyager à travers le passage d’Eretz, contrôlé par les Israéliens. A partir du 14 juin 2007, le passage a été complètement et en permanence fermé aux passages des Palestiniens.

C’est ainsi que les Palestiniens ont été contraints de tenter de voyager via le passage de Rafah, contrôlé par les Egyptiens. Jusqu’en juin dernier, le passage de Rafah a été ouvert de façon sporadique et momentanée et il continue à être limité aux personnes dont l’état de santé est jugé grave et aux détenteurs de passeports étrangers ou de visas pour étudiants. Il arrive aussi que, même si tous les critères mentionnés sont réunis, les voyageurs n’aient aucune garantie de pouvoir passer.

Toutefois, en dépit des circonstances, Nabil a continué à entretenir et à préserver l’héritage de son père. Son agence rend hommage à cette période où les Palestiniens jouissaient encore d’un de leurs droits fondamentaux, à savoir le droit de se déplacer et pouvaient voyager et accéder à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv, ou même à l’aéroport de Yasser Arafat à Rafah. Son bureau est garni de photos de dignitaires étrangers à leur arrivée à l’aéroport de Gaza et sur le mur est accroché un imposant prix décerné par les Emirates Airways pour les remarquables prestations.

Cependant, il suffit de voir l’expression exaspérée sur le visage de Nabil pendant qu’il décrit le sort réservé à son affaire pour comprendre que les temps ont beaucoup changé : environ une décennie a été suffisante (depuis 2001) pour que les bombardements répétés d’Israël réduisent l’aéroport Arafat en un tas de gravats et de décombres et pour que le blocus imposé depuis étouffe la circulation des Palestiniens.

L’agence de voyage Shurafa, à l’instar de tous les commerces dans la Bande de Gaza, a été considérablement affectée par le blocus infligé par Israël. Visiblement frustré, Nabil reconnaît : « Nous perdons beaucoup d’argent, et nous payons de nos poches pour que l’agence reste ouverte. A cause du blocus, les coûts sont très élevés ». En effet, la fourniture du bureau provient d’Egypte par les tunnels et les services nécessaires comme la téléphonie sont contrôlés par des sociétés détenant le monopole à Gaza et c’est pourquoi Nabil estime qu’il est à la tête de l’une des agences de voyages les plus chères dans le monde si on tient compte de tous ses coûts.

Etre confrontée à toutes ces conditions et continuer à opérer démontre l’engagement et la persistance dont fait preuve l’agence de voyage de Nabil ainsi que les liens étroits tissés entre le personnel de l’agence et les habitants de Gaza durant cinquante huit ans de service. « Nous ignorons quand et dans quelles conditions le passage à la frontière de Rafah est ouvert, c’est pourquoi nous devons rester ouverts pour nos clients » explique Nabil. Cette résistance est en opposition totale avec l’environnement dans lequel évolue l’agence de voyage Shurafa et qui demeure instable, même dans les conditions les plus optimales.

Dans ce contexte, le passage de Rafah a été ouvert dernièrement. Les autorités égyptiennes se sont engagées à faciliter le voyage des milliers de palestiniens, cherchant désespérément à sortir pour diverses raisons, soit pour des soins médicaux urgents, ou pour retourner à leurs études de l’autre côté, ou bien en quête d’une assistance psychologique pour soigner les maux occasionnés par l’offensive militaire israélienne.

Toutefois, et malgré ces garanties, entrer et sortir de Gaza via le passage de Rafah demeure une procédure extrêmement compliquée car seule une poignée des passagers parviennent à atteindre l’autre côté. En effet, depuis le 31 mais 2010, seulement 10 531 voyageurs ont été admis en Egypte [sans oublier les 10 172 présents au passage pour un mouvement contraire, c’est-à-dire pour entrer à Gaza en provenance d’Egypte], alors qu’un nombre incalculable de personnes, réunissant manifestement tous les critères, ont été contraints de rebrousser chemins.

Nabil reconnaît que les conditions de voyage sont extrêmement pénibles : « Nos clients ne savent jamais s’ils vont pouvoir passer ou non, jusqu’au moment où ils sont en Egypte ».

L’incertitude et les changements constants qui marquent le passage à la frontière de Rafah n’arrangent pas les affaires de Nabil et de ses clients. Le principal cas à citer étant celui des personnes en quête de transit par le Caire pour rejoindre l’Europe ou une autre partie du monde. Ces voyageurs doivent posséder un billet d’avion pour pouvoir entrer en Egypte ; or Nabil et ses clients hésitent - et c’est compréhensible - à acheter des billets alors qu’ils ignorent quand et s’ils seront autorisés à passer la frontière.

Ainsi, l’équipe de l’agence de voyage doit essayer de trouver des compromis entre les règlements rigides des compagnies aériennes et l’incertitude à la frontière de Rafah et ce, en attendant le tout dernier moment pour confirmer l’achat des billets pour leurs clients. « Nous n’avons pas le choix. C’est l’unique façon de faire que nous avons mais avec l’approche des dates de vols, les prix augmentent ».

Etant donné ces conditions, les agents de Shurafa passent leur temps à programmer et à reprogrammer les dates des vols en fonction de l’avancement des choses au niveau de la frontière. Ils doivent à cet effet rester attentifs et se préparer pour agir en conséquence en cas d’imprévus à la frontière, tel que programmer un voyage à 3h du matin.

Nabil et ses clients mènent une lutte unique en son genre. En dépit de tout ce qu’il fait, Nabil se heurte, assez souvent, à l’indifférence affichée par les personnes se trouvant à l’extérieur de Gaza. Il cite dans ce contexte : « La majorité du personnel des compagnies aériennes avec lesquels j’ai dû collaborer ne comprennent vraiment pas les difficultés que nous rencontrons en essayant de quitter Gaza, ils ne daignent même pas écouter ».

S’ajoutent à ces ennuis, les coupures d’électricité fréquentes dont souffre la Bande de Gaza perturbent encore d’avantage les communications avec les compagnies aériennes à l’étranger, souvent installées au Caire, chose qui aggrave la situation au moment où Nabil tente de coordonner des vols à la dernière minute.

Du fait de l’actuel blocus, Nabil est confronté à une myriade de difficultés et d’obstacles qui ont fini par affecter la clientèle - dont le nombre ne cesse de diminuer - et faire chuter ses bénéfices. Son affaire souffre à cause des restrictions imposées dans tous les aspects de la vie des Palestiniens dans la Bande de Gaza. Mais le souci majeur qui ronge l’esprit de Nabil n’est pas forcément lié à l’argent. En effet, Nabil se lamente sur la nouvelle tendance de ses clients et il avoue avoir constaté durant les dernières années une hausse effrayante des voyageurs qui quittent Gaza sans projet de retour. « Les séquelles du blocus sont nombreuses, la plus révélatrice est que les gens quittent leurs foyers sans éprouver le désir d’y retourner ».

Etant donné les obstacles et difficultés rencontrés au passage à la frontière de Rafah, contrôlé par les Égyptiens, le Centre Palestinien des Droit de l’Homme, PCHR (Palestinian Centrer for Human Rights) insiste sur le fait que cette option est le seul recours qui reste aux Palestiniens de Gaza après qu’un blocus général leur a été imposé par Israël.

Le PCHR fait appel à la Communauté Internationale, en particulier les Hautes Parties Contractantes à la Quatrième Convention de Genève, d’agir de manière décisive afin d’assurer la levée immédiate et définitive du blocus illégal par l’ouverture inconditionnelle de tous les passages aux frontières de la Bande de Gaza, d’une part, et de garantir la liberté de mouvement des Palestiniens, d’autre part.

Consultez également :

- Gaza : grave insuffisance des traitements sous dialyse - 31 juillet 2010

13 juillet 2010 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/portal/en/i...
Traduction de l’anglais : Niha